Histoire 1/2

Le Journal d’un bourgeois du Puy au XVIIIe siècle permet de se plonger dans la ville de l’époque

Le Journal d’un bourgeois du Puy au XVIIIe siècle permet de se plonger dans la ville de l’époque
Le livre couvre la période de 1722 à 1742 et permet de se faire une idée de la justice locale. © Collection privée.
Le livre Journal d’un bourgeois du Puy au XVIII e siècle du magistrat Jean-Dominique Mialon nous replonge dans la cité ponote de 1722 à 1742. Une ville du Puy alors très dangereuse et une justice locale pour le moins expéditive…

Crimes et châtiments en ville au XVIIIe

Janvier et février, mois des bilans en tous genres. On a eu ou on aura, chiffres et graphiques à l'appui : démographie, santé, météorologie, délinquance et criminalité (avec leurs suites judiciaires), victimes de la route, incendies et autres accidents de la vie, le tout assorti de comparaisons avec l'année ou les années précédentes, exemple de l'épidémie de grippe début 2016. Très bien. Mais si, pour une fois, on prenait un peu plus de recul, par exemple en lisant Journal d'un bourgeois du Puy au XVIII e siècle , un petit livre qui couvre la période de 1722 à 1742.

La potence
ou la roue
comme sentence

Écrit par un certain Jean Dominique Mialon, magistrat en cette ville, il n'a pas la notoriété des chroniques de ses prédécesseurs Médicis ou Burel, mais, plus proches de nous dans le temps, il y a dans ces 150 pages, largement de quoi relativiser certaines de nos préoccupations. Inutile par exemple de parcourir tout l'ouvrage pour se convaincre qu'à l'époque, la ville du Puy est bien plus dangereuse, la justice locale autrement sévère et expéditive. Il suffit de lire les vingt pages consacrées aux trois premières années : pas moins de dix pendus ou roués vifs, avec en préalable tout un raffinement de cruautés, poignet coupé ou fouettage public, après quoi on expose longuement les suppliciés sur les roues ou aux fourches patibulaires de Brives et du Martouret.

Aucun criminel n'échappe à l'exécution qui a lieu dans les jours suivants le méfait. Les voleurs, s'ils coupent par chance à la potence, sont lourdement châtiés : galères perpétuelles pour le vol d'un chandelier à la cathédrale par exemple…De 1722 à 1742, la cité du mont Anis est une ville très dangereuse, comme l’indiquent les écrits de Jean-Dominique Mialon, magistrat à cette époque, de cette ville.

Quelques lignes pour chaque exécution, le chroniqueur ne s'apitoie ni ne s'étend, sauf en cas d'incident. Ainsi de ce malheureux, rompu vif puis brûlé, qui a bien souffert « ne pouvant être estranglé par le bourreau ». Tout a été réduit en cendre excepté une petite partie… qu'on a partagée en deux et enterrée dans deux cimetières différents : « il aura peine à se trouver au jugement dernier », a commenté le fossoyeur. Scène de western quelques mois plus tard « quand la potence estant tombée, le pendu n'estant pas mort est enlevé par un tumulte ». Et la populace réussit à libérer son compagnon en coupant les cordes qui le liaient. Une autre fois l'évêque du Puy, dont le pouvoir est grand, obtient par grâce la pendaison plutôt que la roue. « Embrassé par le prélat au pied de l'échelle, le malheureux mourra en bon chrestien avant d'être exposé aux fourches de Brives ». Brève épitaphe : « voilà la fin d'un grand scélérat ».

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On risque alors la mort pour bien des causes, par exemple pour avoir franchi les lignes : la peste qui a sévi au siècle précédent a repris à Marseille et en Avignon, faisant grand ravage pis que jamais. Cordon sanitaire à ne pas franchir, la ligne du Vivarais passe par Pradelles, surveillée jour et nuit par un bataillon parti du Puy.

Autres risques mortels

Le 13 septembre 1722, un homme est passé par les armes à Saint-Haon pour s'y être risqué. Les lignes seront levées en novembre, « n'y ayant plus de mal et on a cessé de faire garde aux portes de la ville par ordre du Roy ». Il s'agit de Louis XV, qui vient d'être sacré ; seul et bref commentaire : « le 3 novembre on a fait la réjouissance publique du sacre du Roy au Puy et un feu d'artifice ».

Mi-décembre, une relève de bataillons l'un et l'autre du Piémont- tourne mal : celui qui, parti d'Alès arrive au Puy, a perdu six hommes dans la neige près de Luc (Lozère) ainsi qu'une vivandière, son mari et leurs deux petits enfants ; de l'autre il en mourut un à Coubladour, enterré à Loudes.

On pourra considérer ces morts comme un détail de l'histoire en poursuivant notre lecture… En quinze jours de septembre 1736, la petite vérole tuera 600 enfants dans la ville. Par bonheur bien d'autres événements, pas tous aussi tragiques marquèrent l'histoire de la cité. Nous verrons cela dans un prochain numéro à lire demain dans nos colonnes.

À noter. Journal d'un bourgeois du Puy au XVIII e siècle , de Jean-Dominique Mialon, Éditions du Roure 1997. Préface de Martin de Framond ; notes (très pertinentes) et présentation de Jean Claude Besqueut et Gaston Joubert.
Prochain épisode à paraître dans notre édition daté de mercredi.

Jean Grimaud


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