Potlatch (anthropologie)

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Les Kwakwaka'wakw continuent la pratique du potlatch.

Le potlatch (chinook : nourrir) est un comportement culturel, souvent sous forme de cérémonie plus ou moins formelle, basé sur le don. Plus précisément, c'est un système de dons / contre-dons dans le cadre de partages symboliques. Une personne offre à une autre un objet en fonction de l'importance qu'elle accorde à cet objet (importance évaluée personnellement) ; l'autre personne, offrira en retour un autre objet lui appartenant dont l'importance sera estimée comme équivalente à celle du premier objet offert : « guerre de richesses » plutôt que « guerres de sang ».

Origine[modifier | modifier le code]

Originellement, la culture du potlatch était pratiquée autant dans les tribus du monde amérindien (les Amériques) que dans de nombreuses ethnies de l'océan Pacifique, jusqu'aux Indes. C'est pourquoi les premiers colons européens ont pu considérablement spolier les indigènes qui pratiquaient le potlatch, car ils échangeaient de l'or contre des bibelots ; les Indiens croyant à la valeur « potlatch » de ces échanges pensaient que ces trocs étaient équilibrés.

Extension[modifier | modifier le code]

Dans la culture occidentale actuelle, on utilise aussi la formule « briller ou disparaître », qui reflète une dynamique de type potlatch, dans les contextes et cérémonies suivantes :

  • Contribution aux repas communautaires, où chacun apporte spontanément un plat ou une boisson pour tous (salade, dessert…) Ce type de repas est aussi appelé « repas canadien » en Suisse romande, en référence aux Amérindiens d'Amérique du Nord (Kwakiutls, Nootkas, Haïdas et Tsimshians)[1] qui pratiquaient cette forme de potlatch. Le vocable potluck est de nos jours très employé et est traduit par repas-partage[2].
  • Obtention d'une légitimité et d'une position hiérarchique plus importante, en fonction de la qualité et de la quantité des contributions faites dans une dynamique de groupe (par exemple, dans les milieux associatifs, les personnes qui s'engagent le plus comme volontaires auront un accès prioritaire aux ressources collectives, comme le bus ou le matériel informatique de l'association à laquelle ils contribuent).
  • Obtention des droits de modération dans une communauté virtuelle, comme c'est le cas de Wikipédia, en fonction des contributions antérieures.

Le potlatch renvoie en philosophie à la notion de dépense pure (cf. Georges Bataille et Marcel Mauss). C'est un processus placé sous le signe de la rivalité : il faut dépasser les autres dons.

Photo d'un potlatch Kwakwaka'wakw, par Edward Curtis (publiée entre 1907 et 1930).

D'un autre côté, le philosophe Gilles Deleuze explique que « la relation créancier-débiteur » — qui, chez Nietzsche, était « première par rapport à tout échange » — doit être repensée compte tenu des études ultérieures sur le potlatch[3].

L'anthropologue René Girard identifie cette pratique rituelle à un phénomène plus large, un sacrifice permettant de désamorcer une violence collective et mimétique pouvant être déclenchée autour d'un objet de désir non partageable[4]. Comme développement ou « aggravation » du mimétisme, il cite la situation de deux tribus rivales qui gaspillent volontairement et rituellement des quantités de richesse (cas de « mimétisme négatif »).

Le mot a été introduit en anthropologie en 1924 par Mauss et Davy (note p. 72 de l'Essai sur le don de Marcel Mauss pour origines antérieures). Cependant, Marcel Mauss l'évoque dès 1905 dans son essai sur les Inuits[5].

Exemples[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. David Graeber et David Wengrow, Au commencement était, Les liens qui libèrent, , p. 234.
  2. « Exemples de traduction provenant de sources externes pour « potluck » », sur Linguee, (consulté le ).
  3. Deleuze, Critique et clinique, 1993, p. 160.
  4. René Girard, Les choses cachées depuis la fondation du monde, Paris, Librairie générale française, , 636 p. (ISBN 978-2-253-03244-1 et 2-253-03244-1).
  5. Marcel Mauss, « Essai sur les variations saisonnières des sociétés eskimos Étude de morphologie sociale », l’Année Sociologique,‎ 1904-1905, p. 103 (lire en ligne).
  6. Dominique Pechberty, « Le katoaga », Journal de la Société des Océanistes, vol. 106, no 1,‎ , p. 75–79 (DOI 10.3406/jso.1998.2043, lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]