Couverture fascicule

Alain Testart, Les chasseurs-cueilleurs ou l'origine des inégalités, Nanterre-Paris X, Société d'ethnographie, 1982

[compte-rendu]

Année 1984 71-72 pp. 133-134
Fait partie d'un numéro thématique : Modes de coercition politique
doc-ctrl/global/pdfdoc-ctrl/global/pdf
doc-ctrl/global/textdoc-ctrl/global/textdoc-ctrl/global/imagedoc-ctrl/global/imagedoc-ctrl/global/zoom-indoc-ctrl/global/zoom-indoc-ctrl/global/zoom-outdoc-ctrl/global/zoom-outdoc-ctrl/global/bookmarkdoc-ctrl/global/bookmarkdoc-ctrl/global/resetdoc-ctrl/global/reset
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
Page 133

comptes rendus

Alain TESTART

Les chasseurs-cueilleurs ¦ ou l'origine des inégalités

Société d'Ethnographie Nanterre-Paris X

En anthropologie et, plus encore en préhistoire, les vieilles théories ont la vie dure, surtout lorsqu'elles se fondent sur révolu tionnisme. On peut en donner pour preuve le peu d'échos rencontrés par le livre de Testart. Publié en édition ultra-spécialisée (faute d'avoir trouvé ailleurs un point de chute), il ne paraft guère avoir provoqué beaucoup de commentaires ni de critiques dans le milieu scientifique concerné.

En effet, ce livre est iconoclaste. Honnêtement, sans grandes phrases, à partir d'un matériel scrupuleusement recueilli et interprété, il bouleverse l'une des grandes idées reçues de l'anthropologie historique et préhistorique. Cette idée (reprise sans discussion préalable aussi bien par Lévi-Strauss que par Leroi- Gourhan) peut se formuler ainsi : pour qu'apparaisse l'agriculture, il faut qu'il y ait auparavant domestication de certains animaux et sédentarisation. Alors, et seulement dans ce cas, peuvent apparaître les inégalités économiques (puisque la conservation des richesses c'est-à-dire le stockage est devenu possible), la stratification en classes sociales et l'amorce de l'État.

Reprenons plus en détail certains éléments de cette théorie. Puis, en utilisant quelques points de l'analyse de Testart, nous montrerons comment il parvient à la subvertir quasi radicalement.

Dès le paléolitique supérieur il y a opposition entre les primates cueilleurs et l'homme chasseur-cueilleur. Autrement dit, passage de l'animalité à l'humanité. La règle du partage va désormais gouverner le monde des chasseurs- cueilleurs. «Un chasseur ne consomme pas son propre gibier», comme l'indiquait Clastres et comme le rappelle Lizot. Testart insiste sur le fait que cette règle du partage est d'autant plus possible et pratiquée, que les chasseurs-cueilleurs ne conservent pas la nourriture. Il insiste également sur le fait que ces chasseurs- cueilleurs sont nomades. La production de

nourriture ne leur pose pas de problèmes. Seule sa répartition — question sociologique — leur en pose et ils solutionnent, au fond ce problème par l'idéologie du don. Sur tous ces points, Testart est d'accord avec la vieille théorie classique. Ajoutons, pour notre part, que chez les chasseurs-cueilleurs nomades peut apparaître un surplus de production, puisque Sahlins note qu'ils ont le plus souvent en réserve - donc stockée plus ou moins longuement - au moins un an de consommation vivrière en plus de la consommation de l'année courante.

Au mésolithique (entre 20 et 10 000 ans av. J.C.) apparaîtraient les chasseurs-cueilleurs sédentaires. Ceux-ci se fixent sur un territoire - on peut calculer leur densité : 2/ 1 000 KM2 par exemple. Ils sont aussi pêcheurs, quand les conditions écologiques le permettent. Ne domestiquant pas les animaux et ne cultivant pas la terre, ils ne stockent pas. La règle du partage communautaire continue à les gouverner.

C'est seulement au néolithique - entre 6 et 2 000 ans av. J.C, la révolution néolithique - qu'apparaîtraient les agriculteurs-pasteurs, avec la domestication des animaux et la culture de la terre conjointe à la sédentarisation. Les villages, remplaçant les campements, puis les villes peuvent naître, ainsi que l'inégalité et le pouvoir central.

A vrai dire, un tel schéma s'allie à l'idée d'une évolution technologique progressive qui conduirait l'homme préhistorique de la sauvagerie à un commencement de civilisation.

Testart reformule tout autrement la théorie classique-évolutionniste. Qu'il le veuille ou non, il fait en grande partie disparaître son évolu- tionnisme en particulier technologique.

Il ne conteste pas la préexistence, au paléolithique supérieur, des chasseurs-cueilleurs nomades par rapport aux chasseurs-cueilleurs sédentaires, ni la règle du partage qui gouverne ces derniers. Bien au contraire il insiste sur le caractère inexorable de cette règle. Qu'elle s'appuie sur la parenté et l'alliance ne diminue guère son effet contraignant. Notons néanmoins que d'une part, comme nous l'avons dit, les chasseurs-cueilleurs nomades pratiquent le stockage et que, d'autre part, la forme de vie matérielle et culturelle de ces chasseurs- cueilleurs nomades se manifeste encore aujourd'hui, ici et là, ce qui interdit d'emblée de la situer dans une évolution continue. .

doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw