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ma femme, ma fille,

Spartakus Freeman &


Willy Fiorucci.
Introduction mon apologie
Le vritable Illumin ou
les vrais rituels primitifs des Illumins
Adam
WEISHAUPT
Introduction mon apologie
Le vritable Illumin ou
les vrais rituels primitifs des Illumins
par Johann Heinrich FABER
dition tablie et traduite de lallemand
par Lionel Duvoy
GRAMMATA
2012
La station thermale de Wilhelmsbad o se tint, du
16 juillet au 29 aot 1782, le convent maonnique
qui rvla lampleur de lOrdre des Illumins.
Peinture de Tischbein (1751 - 1829).
Titre originaux : Adam Weishaupt, Einleitung zu meiner Apologie, Grattenauer, 1787
Johann Heinrich Faber, Der chte Illuminat oder die wahren, unverbesserten Rituale
der Illuminaten, Edessa [Frankfurt a. Main], 1788.
Grammata, 2012 pour la prsente rdition numrique.
grammata.fr.mu
PRFACE
Si dans l'imaginaire allemand du XVIII
e
sicle, le
diable se mit subitement apparatre vtu d'un pan-
talon de tartan, peut-tre faut-il en chercher l'origine
dans l'trange parent qui lia, ds leur origine, les
socits secrtes du sicle des Lumires au fantasme de
lorganisation traditionnelle des clans cossais. Le suc-
cs des pomes d'Ossian de Mac Pherson
1
tmoigne
clairement de l'intrt croissant qui animait les cri-
vains europens de cette poque, pour cette mentalit
ancestrale aux yeux de laquelle l'individu, loin d'avoir
tous les droits, devait avant tout obissance la com-
munaut et, par suite, au chef qui lincarne.
Nul n'aurait contest, parmi les penseurs d'alors
2
,
qu'un tat puisse se maintenir sans l'diction de sta-
tuts et de lois reprsentatives de la socit prise dans sa
1
Pote cossais n en 1736 Ruthven, mort en 1796
Belleville House. Ossian, que Mac Pherson voulut faire
passer pour un manuscrit authentique, tait en ralit une
invention. C'est surtout l'pope de Fingal (1761) qui eut
un grand retentissement.
2
A lexception notable de Gabriel Bonnot de Mably (1709-
1785) qui, plus radical que Rousseau, dnonait ce quil
nommait le despotisme lgal ( Doutes proposs aux
philosophes conomistes sur lordre naturel des socits poli-
tiques, La Haye, 1768).
globalit, et capables d'incarner la volont gnrale,
sans jamais privilgier quiconque si sa fonction ne le
justifie pas
3
. De fait, l'hypothse rousseauiste de la
formation du corps politique telle quelle fut dj
formule par Hobbes (1588-1679) postule que les
socits politiques naissent d'un contrat tacite initial,
pass entre les membres d'un groupe humain donn,
afin de mettre un terme la guerre engendre, de
faon naturelle, par lingalit des forces. Mais la
finalit de ce pacte, pour Rousseau, ne se limite pas
une garantie de scurit et de jouissance paisible de la
proprit ; bien au contraire : la proprit, racine du
mal social, est une des expressions de la force, cause de
la guerre, et le vritable but de lhomme vivant en
socit nest pas diffrent de celui quAristote, dj,
identifiait comme fin suprme de lactivit politique :
le bonheur. Le contrat social est donc, par dfinition,
insuffisant : tout au plus parvient-il faire cesser l'tat
de guerre de tous contre tous
4
, sans atteindre lidal
dune harmonie des volonts individuelles autour
dune vise commune. On oublie trop souvent que
pour Rousseau, cette imperfection foncire ne peut
tre corrige que par la venue providentielle dun
grand lgislateur, dont il qualifie les aptitudes de
surnaturelles... qui mieux que Bonaparte lincar-
nera au sicel suivant ?
Cest prcisment lui que Weishaupt (1748-1830)
imaginait former en fondant son Ordre.
3
Cf. Rousseau, Du Contrat social (1762), II, ch. VI.
4
Cf. Hobbes, De Cive (1642), I, ch. I, XII ; Rousseau, Op.
cit., I, ch. VI.
INTRODUCTION MON APOLOGIE
8
L'ordre politique le moins pire la dmocratie
serait donc lobjet dun deuxime contrat, ncessitant
laction dun lgislateur prophtique, capable de faire
accepter tous les membres du corps civil le sacrifice
de leur volont individuelle au profit de la volont
gnrale, et ce, pour que chacun rconcilie en lui-
mme sa libert naturelle avec la difficile libert civi-
le
5
. Le risque, bien videmment, demeure toujours et
encore que ce chef providentiel, comme le redoutait
dj Platon, soit le rsultat de la sottise populaire
6
ou le moyen, pour une minorit, de prendre le pou-
voir sur la majorit flatte dans ses instincts. Or, le tyran
forge les lois son image, lavantage de ses passions
drgles et de ses courtisans. Et c'est en somme ce que
la pense des Lumires, sloignant progressivement
de la cour pour frquenter les salons, pointait du doigt
dans toute lEurope.
Dans l'esprit de Rousseau, comme dans celui
d'Adam Weishaupt, la monarchie restait dans lordre
des choses, car seul un chef lgislateur inacarnant le
corps civil pouvait opposer son unit la somme des
volonts divergentes et assurer la cohrence dun corps
social non encore clair. Nanmoins, laristocratie de
sang et dargent incarnait le symptme dune dgn-
rescence de ce systme reprsentatif, faisant passer
lintrt des gouvernements devant celui des peuples.
Les appuis de cette tyranie ne sont pas non plus
naturels : la superstition et la censure sont le fruit de
limagination nourrie dinterdits religieux irration-
nels et de larbitraire des princes. Couple lune
5
Cf. Rousseau, Op. cit., I, ch. VII.
6
Cf. Platon, La Rpublique, livre IX, 575 c - 575 d.
PRFACE 9
lautre, dans une ducation suppose tre la meilleure
celle de Jsuites , elles deviennent la principale
arme des despotes.
Aussi, Weishaupt comme en tmoignent les
rituels de son Ordre ne sen prenait absolument pas
au Trne et lAutel, mais leur instrumentalisation
par le pouvoir politique. L'esprit d'Ancien Rgime,
mis nu par la vulgarisation philosophique et la
critique des pouvoirs, ne fut pas terrass par un com-
plot dIllumins encore moins de francs-maons,
les historiens ayant suffisamment dmontr linaction
des principales obdiences en la matire , mais par
la main d'une population insuffisamment cultive par
les nouvelles notions philosophiques de religion natu-
relle, de libert et de fraternit. Si la plbe se souleva,
au cours de l't 1789, ctait en raison de lternel
moteur des rvolutions : la faim.
On peut donc dire que l'imagerie colporte par les
romanciers du XIX
e
sicle, dans laquelle brille l'envie
l'influence occulte des carbonari, franc-maons, illu-
mins et francs-juges dans les campagnes, reste de
lordre du fantasme.
Il nest qu voir Ange Pitou, de Dumas, chass par
sa tante pour tre accueilli bras ouverts par Billot, le
fermier philosophe ralli aux ides de Benjamin Fran-
klin, qui plus est, dpositaire secret dun coffret que
lui remit un jour Cagliostro en personne : une fable.
Le problme demeure pourtant que cette mythologie,
apparemment inoffensive, prend racine dans les thses
de conspiration rvolutionnaire, chaffaudes par les
religieux les plus conservateurs, et qu trop auroler
de mystres des vnements qui, pour avoir t lgi-
times, nen furent pas moins de la plus extrme barba-
rie, on finit par faire le jeu de ces thses. Du mme
INTRODUCTION MON APOLOGIE
10
coup, on discrdite la spontanit des peuples et on
sassure par-l quils attendront bien sagement que
quelque organisation secrte fasse le travail leur
place. Les grands totalitarismes du XX
e
sicle ne
naquirent pas autrement.
Quand Weishaupt fonda le Bund der Perfektibilis-
ten le 1
er
mai 1776, Ingolstadt, sa volont tait
prcisment dviter la catastrophe annonce, en for-
mant des individus capables de gouverner tout en
conservant le souci du peuple et de ses revendications.
Son systme visait accomplir secrtement le plan de
Rousseau : placer la volont gnrale au cur de la
politique, en instaurant le rgne de la libert et de la
vertu, en dfendant le rationalisme contre la superst-
ition
7
. Mais l'inverse de Rousseau, Weishaupt ne
7
Dans son Pythagoras... (1795), Weishaupt affirme mme
navoir fond le Bund... que dans le but de dtourner ses
tudiants les plus prometteurs de la fivre rosicrucienne :
Cest justement en 1776 quun officier nomm Ecker
[(1750-1790), il fonda, en 1781, Der Orden der Ritter und
Brder des Lichts qui devint, en 1782, Der Orden der Ritter
und Brder St. Johannis des Evangelisten aus Asien in
Europa] cra Burghausen une loge qui versait dans lalchi-
mie et qui commenait se rpandre fortement. Un mem-
bre de cette loge vint Ingolstadt pour y prcher et dnicher
les meilleurs tudiants. Malheureusement, son choix se porta sur
ceux que javais reprs. Lide davoir ainsi perdu des jeunes si
prometteurs, de les voir en outre contamins par lpidmie
corruptrice de lalchimie (Goldmacherei) et dautres folies
du mme genre, fut pour moi atroce et insupportable.
Jallai prendre conseil auprs dun jeune homme [le baron
Franz Xaver von Zwack (1755-1843)] dans lequel javais
mis la plus grande confiance. Celui-ci mincita user de
mon influence sur les tudiants pour contrer autant que
possible ce flau par un moyen efficace : la cration dune
socit.
PRFACE 11
considrait pas que l'homme du peuple ft incapable
d'voluer vers plus de lumire rationnelle et d'auto-
nomie. Il croyait fermement en la perfectibilit. La
cration d'une socit prnant la seule religion natu-
relle dicte par la saine raison en fut la premire assise.
Politiquement, la doctrine devait aboutir la restau-
ration dun patriarcat, sans intermdiaire, et, bien
videmment, la disparition, sans violence, de tous les
simulacres politiques et moraux monarchie,
glises, etc.. L'usage de la violence tant explicitement
proscrit par le cercle, seules l'exemplarit morale et
lexpression de la vertu individuelle taient mme de
faire passer les hommes de ltat de sujtion la
dmocratie parlementaire.
Ce n'est qu'en 1778, un an aprs que Weishaupt
ait t reu Franc-maon, et sous l'impulsion de son
fidle lve Franz Xaver von Zwack, que le Bund der
Perfektibilisten prit le nom d'Illuminatenorden, sans doute
dans lespoir de sduire les jeunes gens attirs par
lsotrisme mystique de Ecker et de les ramener
insensiblement la raison.
On doit cependant la forme dfinitive du systme
un minent franc-maon allemand, le baron Adolph
von Knigge (1752-1796)
8
, qui insuffla l'Ordre son
esprit maonnique. La franc-maonnerie devint ainsi
8
Knigge quitta lOrdre en 1784. Il se brouilla avec
Weishaupt en raison de la radicalisation des ides
antireligieuses de lOrdre. De laveu mme de Weishaupt,
ce phnomne, devenu incontrlable, ntait pourtant le
fait que de certains dignitaires (on pense J. J. C. Bode,
souvent dcrit comme un jouisseur libertin), et non de la
majorit.
INTRODUCTION MON APOLOGIE
12
un vivier de choix pour le recrutement des futurs
partisans de cette rforme des murs. L'Illuminaten-
orden gagna du crdit lors du convent de Wilhelms-
bad (1782) au cours duquel fut dcide la suspension
de la pratique du systme maonnique officiel (celui
de la Stricte Observance Templire du Baron von Hund
(1722-1776)), en faveur des ides du franais Willer-
moz (1730-1824). L'Illuminisme reprsentait alors
une frange importante de l'opinion maonnique alle-
mande, puisque Knigge, ainsi que Johann Joachim
Christoph Bode affili par le premier l'Illumina-
tenorden obtinrent, pour les loges maonniques, la
libert de s'administrer elles-mmes, s'assurant ainsi
toute latitude pour prparer la migration des frres
vers les instituts illuministes, o il occuperaient de
hautes fonctions.
Mais comment vint la dchance de Weishaupt ?
Son nom sali, son organisation dvoile, ses amis
rduits au silence, sa correspondance tale sur la place
publique, aprs falsification (selon ses dires) ? cette
question, on aime encore rpondre par la thorie du
complot, savoir que la trop grande influence des
Illumins et leur implication dans la vie politique
devenaient dangereuses, et quil tait lgitime de mettre
un terme leurs activits. Le bannissement du seul
Weishaupt donne penser que Knigge avait senti le
vent tourner : sa grande profession de foi publique
9
tmoigne dune stratgie de repli par rapport aux ides
9
Dans les Sechs Predigten gegen Despotismus, Dumheit,
Aberglauben, Ungerechtigkeit, Untreue und Miggang (Six
prches contre le despotisme, la btise, la superstition,
linjustice, linfidlite et loisivet) (Frankfort am Main,
1783), Knigge, se rfrant constamment la Bible, en
PRFACE 13
qui circulaient au sein de lOrdre. Que les Illumins
aient eu de l'influence, qui le nierait ? Mais que
Weishaupt, plus crivain inspir de son tat qu'agent
des forces secrtes de la rvolution, plus ogranisateur
qu'acteur, ait t tenu pour responsable de la transfor-
mation gnrale des ides morales et politiques alle-
mandes, voil qui est faire trop de tort ou d'honneur
un seul homme, quand le peuple, lui, se mobilisait
pour lutter contre la terreur des arrestations arbitraires
et la censure des Jsuites.
Aux dires de Weishaupt lui-mme, pas un seul des
livres majeurs qu'il publia avant son exil (1785) n'et
pu lui valoir condamnation. Ce sont en effet des
ouvrages plus dignes d'un philosophe de profession
que d'un comploteur. Nanmoins, venant d'un pro-
fesseur de droit canon exerant Ingolstadt, et occu-
pant des fonctions de conseiller au sommet de l'tat,
animant, en outre, une socit secrte rassemblant
beaucoup dintellectuels allemands, ils ne pouvaient
avoir qu'un fond suspect. Un sort similaire ne fut-il
pas rserv Montesquieu, quand il publia De l'Esprit
des Lois ?
Le symbole de reconnaissance des Illumins la
chouette de Minerve suffirait presque dissiper le
doute sur les intentions du mouvement. L'Ordre des
Illumins n'tait, au fond, qu'un groupe philosophi-
que, organis selon des prceptes pythagorisants. Suite
au remaniement de Knigge, l'enrichissement des trois
appelle de bout en bout la foi absolue en Dieu. Il est
significatif quil y ait uniquement soulign cette formule
que naurait pas renie les Jsuites : Que les devoirs envers
la socit civile et les rgents doivent tre subordonns aux lois
donnes par la nature et la religion.
INTRODUCTION MON APOLOGIE
14
classes par lintroduction de mystres contribua
rendre l'image de l'Ordre un peu plus sulfureuse.
Gthe et Herder, pour ne citer qu'eux, y furent reus
en 1783, soit un an aprs le convent de Wilhelmsbad.
Leur intention, sans doute, n'tait pas de rompre avec
le mysticisme maonnique allemand, mais de tisser
des liens avec le courant progressiste europen, pour
rappeler la franc-maonnerie sa mission premire.
la mme poque venaient de paratre les Gesprche fr
Freimaurer
10
(1780) de G. E. Lessing (1729-1781),
dialogues qui eurent une profonde influence sur Her-
der
11
, et qui transmettaient un message radicalement
progressiste. Si donc l'Illuminisme de Weishaupt
devint gnant, ce ne fut pas pour les francs-maons ni
pour les dirigeants jusqu Frdric II qui
cultivaient les mmes ides de rforme. Cest plutt en
raison dun esprit de cour propre une aristocratie
crispe sur ses privilges, que le trs peu populaire
lecteur de Bavire, Karl Theodor (1724-1799),
dcida dinterdire, par dcret du 22 juin 1784, toutes
les socits secrtes de Bavire, et de faire la chasse aux
Illumins.
Ds lors, pourquoi le nom de Weishaupt et des
Illuminati suscitent-ils encore tant de ractions cons-
pirationnistes ? Quelles craintes, quels intrts ani-
maient Barruel qui, dix ans aprs la rvolution fran-
aise, crivit : [Les paroles de Weishaupt] nous
10
Cf. Ernst & Falk, causeries pour francs-maons (ma trad.,
Paris, Dervy, Petite biliothque de la franc-maonnerie ,
2011).
11
Cf. Dialogue sur une socit visible-invisible , Les
Francs-maons & autres textes (ma trad., Tours, Grammata,
2010).
PRFACE 15
montrent, non la loi provisoire, mais la loi mdite,
rflchie et fixe, jusqu' ce qu'il arrive ce temps de
soulever et d'enflammer toutes les lgions prpares au
terrible exercice ; ce temps si expressment annonc
par Weishaupt et ses Hirophantes, de lier les mains,
de subjuguer, de faire feu et de vandaliser l'univers.
Quand cette loi enfin sera remplie, le Vieux de la
Montagne, le dernier Spartacus [nom dsignant le
chef des Illumins] pourra sortir lui-mme de son
sanctuaire tnbreux et se montrer triomphant au
grand jour. Il n'existera plus ni Empire ni loi ; l'ana-
thme prononc sur les nations et sur leur Dieu, et sur
la socit et sur ses lois, aura rduit en cendres nos
Autels, nos palais et nos villes, nos monumens des arts
et jusqu' nos chaumires. Le dernier Spartacus con-
templant ces ruines et s'entourant de ses Illumins,
pourra leur dire : Venez et clbrons la mmoire de
Weishaupt notre Pre. Nous avons consomm ses
mystres. Des lois qui gouvernoient les hommes, ne
laissons plus au monde que les siennes. Si jamais les
nations et leur religion et leur socit et leur proprit
pouvoient renatre, ce Code de Weishaupt les a
dtruites ; ce Code seul les dtruiroit encore. Il le dira,
le dernier Spartacus ; et les Dmons aussi sortiront des
enfers pour contempler cet uvre du Code illumin,
et Satan pourra dire : voil les hommes devenus ce que
je les voulois. Je les chassai d'Eden ; Weishaupt les
chasse de leurs villes, et ne leur laisse plus que les
forts. Je leur appris offenser leur Dieu ; Weishaupt
su anantir et l'offense et le Dieu. J'avois laiss la
terre leur rendre encore le prix de leur sueur ;
Weishaupt frappe la terre de strilit. Ils la dfriche-
roient en vain ; le champ qu'ils ont sem ne sera plus
eux. Je leur laissois leurs riches et leurs pauvres, leur
INTRODUCTION MON APOLOGIE
16
ingalit ; Weishaupt leur te tous le droit de rien
avoir ; et pour les rendre tous gaux, il les fait tous
brigands. Je pouvois jalouser leurs restes de vertu, de
bonheur, de grandeur mme sous les lois protectrices
de leurs socits, de leur patrie ; Weishaupt maudit
leurs lois et leur patrie, et ne leur laisse plus que le
stupide orgueil, l'ignorance et les murs du sauvage
errant, vagabond et abruti. En les rendant coupables,
je leur laissois encore le repentir et l'espoir du pardon ;
Weishaupt a effac le crime et le remords, il ne leur
laisse plus que leurs forfaits sans crainte et leurs
dsastres sans espoir. En attendant que l'enfer puisse
jouir de ce triomphe que lui prpare le Code illumin,
quels succs de la Secte en sont dj les funestes
prsages ? Quelle part a-t-elle eue la rvolution qui
dsole dj tant de contres, en menace tant d'autres ?
Comment engendra-t-elle ce flau, appel dans nos
jours de rvolution, de forfaits et d'horreur, les
Jacobins ? Quels ont t enfin jusqu'ici les terribles
effets de ce Code illumin, et que peut-on en redouter
encore ?
12
Le voil notre Diable en tartan, le Satan cossais,
l'Hassan al-Sabbah d'Occident fantasm par l'esprit
dlirant d'un abb qui qualifiait la franc-maonnerie
de secte des sophistes . Montesquieu s'y retrouva
jet aux ordures, ple-mle en compagnie de Voltaire,
Rousseau et Weishaupt. Thomas Jefferson, qui n'tait
ni franc-maon ni Illumin, crivit une longue lettre
Monseigneur l'vque James Madison, pour lui
confier son sentiment au sujet des Illuminaten. Nous
la traduisons ici intgralement :
12
Augsutin Barruel, Mmoires pour servir l'histoire du
Jacobinisme, II, Paris, Pitrat, 1819, p. 310-312.
PRFACE 17
Philadelphie, le 31 janvier 1800.
Cher Monsieur ***,
Dernirement, j'ai eu par hasard entre les mains
une prsentation d'un volume (le 3
e
) de l'Antisocial
Conspiracy [Mmoires pour servir l'histoire du
Jacobinisime] de l'Abb Barruel, qui me donne la
premire ide que j'ai jamais eue sur ce que l'on entend
par Illuminisme , courant contre lequel l'illumin
Morse [Jedidiah Morse (1761-1826)], comme il se
fait appeler aujourd'hui, a tant protest avec ses
associs ecclsiastiques & monarchistes. Les parties du
livre rdiges par Barruel lui-mme sont les parfaits
dlires d'un lunatique. Cependant, il cite largement
Wishaupt [sic], qu'il considre comme le fondateur de
ce qu'il nomme l'Ordre. Si vous n'avez pas eu l'oppor-
tunit de former votre jugement sur ce cri de chien
fou qui a t pouss contre ses doctrines, je vous
donnerai l'ide que je m'en suis forme aprs une
heure seulement de lecture des citations que Barruel a
faites de son auteur et qui, soyez-en sr, ne sont pas
des plus favorables. Wishaupt semble tre un
philanthrope enthousiaste. Il compte parmi ceux qui
(comme les excellents Price [Richard Price (1723
-1791)] et Priestley [Joseph Priestley (1733-1804)],
vous le savez) croient en l'infinie perfectibilit de
l'homme. Il pense que celui-ci peut, avec le temps,
tre rendu si parfait quil sera capable de se gouverner
lui-mme en toute circonstance, autant que de ne
jamais blesser, de faire tout le bien qu'il peut faire, de
ne laisser aux gouvernements aucune occasion
d'exercer leurs pouvoirs sur lui &, naturellement, de
rendre inutile les gouvernements politiques. C'est l,
INTRODUCTION MON APOLOGIE
18
comme vous le savez, la doctrine de Godwin [William
Godwin (1756-1836)], et c'est ce que Robinson [sic]
[John Robison (1739-1805)] et Morse ont appel une
conspiration contre tous les gouvernements. Wis-
haupt pense que promouvoir cette perfection du
caractre humain tait le but du Christ. Que son
intention tait seulement de restaurer la religion
naturelle & de nous enseigner, par la diffusion de la
lumire de sa moralit, comment nous gouverner
nous-mmes. Ses prceptes sont l'amour de Dieu &
l'amour du prochain. Et en enseignant l'innocence de
la conduite, il esprait placer les hommes dans leur
tat naturel de libert & d'galit. Il dit que personne,
l'exception de notre grand matre Jsus de Nazareth,
n'a su jeter des fondations plus sres pour la libert. Il
pense que les francs-maons, l'origine, possdaient
les vrais principes & objets du christianisme, & qu'il
en ont encore conservs certains par tradition,
quoique trs dfigurs. Les moyens qu'il propose pour
raliser cette amlioration de la nature humaine sont :
clairer les hommes, corriger leur morale & les
inspirer avec bienveillance. Srs de notre succs, dit-il,
nous nous abstenons de tout dsordre violent. Avoir
anticip le bonheur de la postrit & l'avoir prpar
par des moyens irrprochables suffit faire notre
flicit. La tranquillit de nos consciences n'est pas
trouble par le reproche de conspirer la ruine ou au
renversement des tats et des trnes. Quand
Wishaupt vivait sous la tyrannie d'un despote & des
prtres, il savait que la prudence devait tre constante
dans la propagation de l'information & des principes
de la pure moralit. Il proposa par consquent aux
francs-maons d'adopter ce but & de prendre pour
objet de leur institution la diffusion de la science & de
PRFACE 19
la vertu. Dans son institution, il proposait d'initier de
nouveaux membres des degrs proportionns ses
craintes de subir les foudres de la tyrannie. Cela colora
ses vues d'un air de mystre, ce fut la cause de son
bannissement la subversion de l'Ordre maon-
nique & cela reste la couleur des dlires dirigs
contre lui par Robison, Barruel & Morse, qui sont
vraiment effrays de ce que leur bateau soit mis en
danger par la propagation de l'information, de la
raison & de la moralit naturelle parmi les hommes.
Ce sujet tant nouveau pour moi, j'ai imagin que s'il
l'tait galement pour vous, vous ressentirez la mme
satisfaction la vue de celle que j'ai eue en analysant
tout cela : & je crois que vous penserez, avec moi que
si Wishaupt avait crit ici, o nul secret n'est
ncessaire dans notre effort pour rendre les hommes
sages & vertueux, il n'aurait chaffaud aucune
machination secrte ce propos. Tout comme God-
win, s'il avait crit en allemand, aurait trs certaine-
ment us de la prudence du secret & de mysticisme.
Je ne vous dirai rien de la dernire rvolution en
France, laquelle est tragiquement intressante. Peut-
tre que quand nous connatrons davantage les
circonstances qui l'ont mise en branle & la direction
qu'elle va prendre, Bonaparte, son organe en chef, sera
clair d'une lumire plus favorable qu' prsent.
Je suis, avec grande estime, Cher Monsieur,
votre ami affectionn.
Thomas Jefferson.
13

13
The Writings of Thomas Jefferson, vol. VII, Putnam &
sons, 1896, p. 419-421.
INTRODUCTION MON APOLOGIE
20
C'est dire quel point le regard port sur
l'Illuminisme et la franc-maonnerie diffrait de part
et d'autre de l'Atlantique. L'Amrique ne s'est jamais
cache honteusement de sa volont d'unir les hommes
de diffrentes nationalits, races ou religions au sein de
loges travaillant tablir une constitution tatique en
vue du bonheur du plus grand nombre. Il s'agissait
d'un dfi relever, celui du premier contrat social
thoris par les penseurs politiques europens, mais,
cette fois, en terre nouvelle. La mme question ne se
posa pas en Europe o l'enjeu, comme le montrent
bien les Gesprche de Lessing, restait surtout le nivel-
lement des ingalits entre classes sociales. Aucune
guerre n'avait encore t dclare par le proltariat
organis en parti, mais la population en gnral,
jusqu'au sommet de la hirarchie, montrait des signes
de rbellion. Tous les domaines furent ainsi progres-
sivement rforms avant que n'clate la rvolution
politique et la dsignation d'un chef (Napolon
Bonaparte). La biologie, la chimie, la doctrine du
droit, la philosophie, la physique et, par-dessus tout,
la moralit allaient tre pntres du sain dsir de
chercher. La seule faute que les conspirationnistes
pourraient alors imputer Weishaupt, serait d'avoir
propos une rforme morale des fins politiques
autrement dit : davoir tent, pour son sicle, la
ralisation du rve des sages.
Lionel Duvoy.
PRFACE 21
Perfer et obdura :
Dolor hic tibi proderit olim*
1
* Les notes du traducteur commencent page 215.
SI j'avais pu passer les jours de ma vie dans une
quitude et une paix que rien ne ft venu troubler, le
public ne m'aurait jamais connu pour mes qualits
d'crivain. travers les temptes qui ravagent ma
patrie et les efforts insidieux que mes ennemis y
dploient, on ne m'y connatra pas, pour la premire
fois et pour mon malheur, sous mon meilleur jour.
Ma gloire et mon illustre nom y ont couru un tel
danger, que j'prouve le besoin de convaincre mon
auditoire et mes adversaires que mes intentions taint
des plus pures et des meilleures. Ce fut le but de mes
crits publis jusqu'alors. Certains de mes travaux
restent encore partiellement inachevs ; il est vrai que
la rvlation au grand jour des textes dcouverts
Landshut
2
, chez le conseiller d'tat Zwack
3
, a inter-
rompu, pour quelques temps, le cours de mes ouvra-
ges, mais quelle aura en mme temps contribu
lobjectif de mes efforts, en me donnant l'occasion de
sauver mon honneur compromis, ce qui, comme je le
crois, cartera pour toujours les soupons et les doutes
ultrieurs.
Jai par-devers moi ces crits et je les ai lus. Une
connaissance trs moyenne de l'tre humain suffit
dfinir et entrevoir les opinions qu'ils susciteront
inmanquablement chez des gens qui diffrent entre
eux par lingalit de leur puissance et de leurs int-
rts. Il faut aussi que, dans cette masse d'hommes,
parmi ces opinions si diverses, il en existe pour tre,
par excellence, contraires tous les autres, mais non
moins autoriss rendre leur jugement, exprimer
comment ils ont peru cet incident.
Pour ma part et peut-tre suis-je le seul parmi
ces nombreux destins rudes et singuliers qui m'ont
intress depuis plusieurs annes, aussi bien moi que
les autres membres de cet Ordre des Illumins , j'ai
considr cette publication officielle des crits mis au
jour, comme l'une des rvlations les plus bnfiques.
Alors je vois enfin le terme de cette bataille si dange-
reuse pour l'honneur des deux parties. Et comme la
vritable origine de cette affaire si embrouille est
connue dans toutes ses circonstances, la mfiance du
public, si tendue et encore si peu dissipe, commence
se relcher ; toutes les rumeurs et fables fcheuses
colportes sur l'origine, les liens, la puissance et la
prennit secrte de cette socit, se voient biffer et
tuer dans l'uf ; par l, les adversaires peuvent mieux
se rapprocher les uns des autres et s'expliquer sans
rserve distante, tout en conservant une attitude
naturelle et vridique. La Providence m'a manifest
son infinie Bienveillance en voulant que ces textes
soient publis, tandis que je suis encore de ce monde.
Je puis maintenant dvelopper compltement le
caractre bnfique et dsintress de mes projets, qui,
faute de cela, auraient sans doute sem le doute
durant quelques temps encore ; je puis mettre ma
moralit hors de tout soupon et dfendre dura-
blement mon honneur bless contre d'autres
agressions.
INTRODUCTION MON APOLOGIE
26
Peut-tre qu'un tel drame a renforc ma foi en la
Vertu ; peut-tre sert-il tous ceux qui, auparavant,
condamnaient avant d'tre instruits de toutes les
circonstances, exemple prmonitoire pour tous les
futurs cas semblables ; cette affaire malheureuse servi-
ra peut-tre l'accusation, ou bien la puissance de
l'innocence et de la vrit s'lvera au-del de toutes
les cabales et temptes, afin que leur victoire soit
dautant plus magnifique que la lutte fut douteuse. Il
ne faut donc pas que le prsent essai se contente de
faire mon apologie. Mes lecteurs dcouvriront, en
outre, que sa contribution l'histoire et la connais-
sance du cur de l'homme, et surtout au proche
dploiement du mouvement et de la nature encore si
peu connus des connexits mystrieuses, nest pas
insignifiante. cette fin, je mexposerai au public avec
une rare franchise ; je remonterai aux plus secrets
mobiles de mon me, je prouverai de manire ind-
niable quel chemin singulier maints fils de la terre ont
emprunter dans le cours de leur existence pour
devenir ce qu'ils doivent tre, ce qu'ils sont
4
. Jespre
que la hte avec laquelle je suis contraint d'crire gagnera
l'indulgence de mes lecteurs pour les nombreux
dfauts et ngligences de mon expression crite qui
est de moindre qualit. En crivant pour ma dfense
et celle de l'affaire, je ne puis ni ne prendrai la libert
de rpondre sur autre chose que ce qui me concerne
moi-mme ou l'affaire. Mais je peux et je dois
admettre, devant Dieu et je le veux faire le plus
solennellement que, de toute ma vie, je n'ai
jamais entendu parler ni vu un seul de ces crits,
notamment ceux qui traitent de ces manuvres
occultes et si douteuses, de ces em-poisonnements,
etc. ; encore moins ai-je eu connaissance de situations
INTRODUCTION MON APOLOGIE 27
o lune de mes relations aurait, ne serait-ce que
conseill, communiqu ou fait le moindre usage de
tels procds. Cela suffit contribuer la vrit. Ds
lors, je me cantonnerai exclusivement ce qui
concerne directement ma propre personne ou l'affaire.
En remerciant d'un cur sincre l'lecteur du
haut gouvernement de Munich
5
d'avoir fait imprimer
ces crits, je suis loin d'accuser Son Excellence de
s'tre rendue dlibrment coupable de falsification
en publiant ces documents. Mais comme, d'un autre
ct, il est impossible d'exiger de moi que je me
souvienne, aprs dix ans et plus, de mots et d'expres-
sions que j'aurais employs dans ltendue de toute
ma correspondance, puisque ces documents ont t
saisis sur le champ, en l'absence de l'intress, de
tmoins requis par la Justice et sans dossier judiciaire
en rgle, puisque ces crits sont depuis lors passs
entre tant de mains hostiles, sans avoir t ports ni
ma connaissance, ni celle d'un quelconque de leurs
Auteurs ; puisque l'on s'est dj permis de fabriquer
le premier Avertissement, sans honte de l'artifice, et
d'inventer, puis de faire imprimer de fausses lettres
sous mon nom, puisque ceux qui se sont justement
servis de cet artifice ont reu, en qualit d'assesseurs,
la consigne de mettre la main sur lesdits papiers,
puisque je sais pertinemment que l'un des commis-
saires du Prince lecteur est all jusqu' pingler
secrtement, dans la chambre des commissions, l'une
de ces lettres qui concerne l'un de ses parents et
que, de surcrot, on a beaucoup de difficult lire ce
que ma main y a crit... pour toutes ces raisons, et
pour ma dfense, je ne puis absolument pas en
admettre un seul passage significatif l'heure qu'il est.
Il y a mme fort parier que le grand nombre de pages
INTRODUCTION MON APOLOGIE
28
venant au secours de ma dtresse, l'attnuant et
l'expliquant, aient toutes t, ou bien escamotes, ou
bien, tout le moins, perdues dans cette circulation
sans fin entre mains hostiles, et qu'en raison dune
telle subtilisation, de ces rajouts, ou tout simplement
de la mauvaise lecture d'un seul mot lors de la trans-
cription de tout un passage, on ait fabriqu un sens
dont ressort une animosit sans gal. Cette supposi-
tion, norme en soi, conserve encore un haut degr de
probabilit, si l'on considre que toutes ces copies
imprimes n'ont pas t une seule fois vrifies, ni
compares auparavant aux originaux, comme l'impose
le droit. De mme, les petites notes et exergues
ajoutes ici et l, et ce qui a t retir de mes lettres,
ainsi que la citation imprime par drision au dos de
la couverture
7
, trahissent visiblement que l'diteur et
le rdacteur de ces textes n'taient pas aussi exempts
de passion, de haine, d'ironie et d'un esprit de raillerie
maligne et triomphante, qu'il sied pourtant de l'tre
un juge impartial agissant avec sang froid.
Aussi, ces circonstances, que je soumets la lente
rflexion de mes lecteurs, font que je pourrais, bon
droit, et par manquement la lgalit courante, qui
est de rigueur dans cette affaire, dmentir totalement
ces crits, dans tout ce quils contiennent, et jusqu'
ce que d'autres preuves soient produites ; je pourrais,
par cette rfutation, employer toute la force probante
dont on use contre moi. Mais comme, du reste, je suis
conscient du bien fond de ma cause, je trouve
superficiel de me servir de tels alibis et dtours inu-
tiles. Ainsi, je reconnais les lettres et documents qui
peuvent avoir t crits de ma main, pour l'essentiel
dj, le N.B.
8
, sans pourtant les avoir vus en leur
forme authentique. Je ferai encore mieux ; je rdigerai
INTRODUCTION MON APOLOGIE 29
ma dfense, de telle sorte qu'elle puisse valoir pour le
cas o un seul passage authentique mais pour
linstant encore douteux serait galement de ma
main. Dans l'hypothse o tous les documents que
l'on m'oppose seraient, quant leur contenu, justes et
authentiques, je pose la questionsuivante : Que prouvent-
ils ? Que ne prouvent-ils pas ?
1. Ils ne prouvent pas que l'association dans son
ensemble, ou un seul de ses membres en particulier,
ait jamais commis les crimes dont l'accuse l'Avertis-
sement, savoir celui de trahison envers la patrie, de
profession d'athisme, de rgicide, de sodomie ou
d'empoisonnement. On ne trouve nulle part trace de
la plupart des mfaits les plus graves. Pour ce qui est
des autres, il n'y a gure que des passages isols,
tablissant, par dduction, quelques conjectures et
aussitt, les lecteurs ont t suffisamment mal
intentionns pour poser l'hypothse que les personnes
en question sont mauvaises, de vrais criminels, aus-
sitt ils ont tenu pour vrai ce qui devait tre prouv
ultrieurement, aussitt sont entres en lice les pas-
sions qui incitent l'homme condamner et
absoudre*.
* Mme si l'on voulait apprcier chaque crit d'aprs cette
mme hypothse ou une autre semblable, quel crivain y
parviendrait ? Je ne parle pas des crivains profanes, bien
que les Saintes critures soient susceptibles de
significations et d'interprtations mauvaises, quand on ne
cherche pas s'en tenir uniquement la lettre. cette fin,
je vous renvoie, parmi cent autres passages, au fameux Paul
1 Cor. ch.9, v. 19-23 : J'tais libre et indpendant, et je
me suis fait l'esclave du tout, par quoi jai pu le gagner.
INTRODUCTION MON APOLOGIE
30
Des passages isols ne prouvent absolument rien,
dans la mesure o dautres existent pour dmontrer
clairement le contraire. Toutes ces lettres rassembles
sont des documents qui ne reprsentent qu'une petite
partie du tout et non le tout lui-mme ; elles perdront
toute force probante sitt que le lecteur aura pris
connaissance du caractre des personnes qui agissent,
de toutes les circonstances, de la totalit de l'affaire,
de l'histoire complte de cet enchanement : quand on
aura jug d'aprs les faits, et non d'aprs les mots,
d'aprs ce qui sest rellement pass, et non d'aprs de
simples supputations indfinies et irralistes, quand,
ensuite, les grades divulgus eux-mmes seront
rattachs leurs causes, afin de dterminer la vracit
et la ralit de l'affaire. Celui qui comparera tout cela
en profondeur verra pour quelles raisons il a fallu les
modifier par la suite. Chacun verra ainsi clairement
que ce serait perdre tout usage de la raison que de
chercher, pour les motifs les plus solides du monde,
publier ses propres lves aprs les meilleurs crivains,
et employer ces mobiles comme moyens de dtruire
toute morale et comme incitation aux infamies les
plus inadmissibles ; il est clair pour tout le monde
quon ignorerait totalement le rapport entre le moyen
Pour les Juifs, je suis devenu Juif, par quoi je les ai gagns.
(...) Je suis devenu faible pour les faibles afin de les gagner
eux aussi. Pour tous je suis devenu tout, afin de, partout,
en sauver quelques uns. De quelle interprtation vulgaire
ce passage est-il susceptible ? quelle mauvaise lecture
peut-il donner lieu ? Quelles dductions pourraient en
avoir tir les glossateurs de mes lettres s'ils l'avaient eux
aussi mal interprt ? Il leur serait tellement facile, s'ils
avaient autant d'intrts le faire, d'y trouver vidente la
proposition selon laquelle la fin justifie les moyens.
INTRODUCTION MON APOLOGIE 31
Des passages isols ne prouvent absolument rien,
dans la mesure o dautres existent pour dmontrer
clairement le contraire. Toutes ces lettres rassembles
sont des documents qui ne reprsentent qu'une petite
partie du tout et non le tout lui-mme ; elles perdront
toute force probante sitt que le lecteur aura pris
connaissance du caractre des personnes qui agissent,
de toutes les circonstances, de la totalit de l'affaire,
de l'histoire complte de cet enchanement : quand on
aura jug d'aprs les faits, et non d'aprs les mots,
d'aprs ce qui sest rellement pass, et non d'aprs de
simples supputations indfinies et irralistes, quand,
ensuite, les grades divulgus eux-mmes seront
rattachs leurs causes, afin de dterminer la vracit
et la ralit de l'affaire. Celui qui comparera tout cela
en profondeur verra pour quelles raisons il a fallu les
modifier par la suite. Chacun verra ainsi clairement
que ce serait perdre tout usage de la raison que de
chercher, pour les motifs les plus solides du monde,
publier ses propres lves aprs les meilleurs crivains,
et employer ces mobiles comme moyens de dtruire
toute morale et comme incitation aux infamies les
plus inadmissibles ; il est clair pour tout le monde
quon ignorerait totalement le rapport entre le moyen
et la fin donne, qu'on s'exposerait chaque instant
au plus fameux des menteurs, et que, par suite, on
n'atteindrait jamais son but. Il serait alors admis que
l'on puisse, grce une force magique, former des
hommes, depuis longtemps duqus une certaine
thique, la plus docile sclratesse, et, sans crainte,
leur ordonner toutes les infamies leur insu.
Assurment, l'thique et, plus souvent encore, la
religion elle-mme, ont t les couvertures et les
moyens de persuader les hommes de commettre les
INTRODUCTION MON APOLOGIE
32
plus graves crimes : mais j'aimerais voir cette
apparence flagrante de moralit, qui serait si mystifi-
catrice alinante, que l'on pourrait, grce elle,
convaincre avec force les bonnes gens qui ont imagin
le N.B., en obissant un choix de mdisances que
l'on ne peut associer autre chose qu'au cerveau du
plus sclrat des hommes. Comment puis-je utiliser la
la morale et les meilleurs crivains pour dtruire toute
moralit ? Si, comme on l'avance, cela avait t notre
cas, il aurait nanmoins fallu que les enseignements et
instituts des classes infrieures soient un peu prpars ; le
poison aurait toujours t instill au cours de l'ascen-
sion, jusqu' tre expos dans toute son abomination
aux membres du dernier et suprme degr. Cela aurait
alors lieu dans les Vrais Mystres Suprieurs. Or, il
n'existait encore cette poque que deux classes. Mon
Apologie du Mcontentement et du Mal dj parue
9
constituait en grande partie et particulirement le
cinquime dialogue encore paratre lobjet des
enseignements de la premire classe, quoique sous une
forme totalement diffrente. Mon systme Du
matrialisme et de l'idalisme
10
, lui aussi rcemment
imprim avec quelques enrichissements, et que tout le
monde peut consulter, est l'objet de lenseignement
de la dernire classe, la plus leve. Celui qui doute de
la vrit de mon argumentation n'a qu' se tourner
vers moi, pour que je lui transmette personnellement
des tmoignages de taille, irrfutables, dont il pourra
faire usage, et qui, je l'espre, rempliront leur meilleur
devoir en sauvant l'honneur d'un homme qui, hormis
cela, a tout perdu et doit vivre et gagner son pain grce
lui.
INTRODUCTION MON APOLOGIE 33
Si la chose est confirme, on aura prouv, sans
objection possible, que le systme des Illumins
prendra l'avenir, comme je le crois, une forme et un
but tout diffrents, et que les machinations dont il est
question dans les documents prcits n'ont jamais
exist ; que l'on tait mille lieues de prparer les
membres des classes infrieures, par de faux espoirs,
au renversement des murs et toutes sortes de vices
et d'impits. Ou alors qui peut dire que les deux
systmes aient jamais propos tout cela ?
Bien mieux : il apparat, dans mon Systme de
l'Idalisme
10
que je m'y tais vraiment loign du
naturalisme et du matrialisme comme je l'avais
projet ds 1780* et que j'y tablissais dj une
nouvelle preuve en faveur de la Rvlation. Mais
comment ces lettres pourraient-elles prouver que la
moralit, dans mon systme, n'tait qu'un simple
prtexte visant convaincre les hommes de bien de
s'garer et de tomber dans l'incroyance ? Qui peut
douter plus longtemps qu'il fallait que tout le systme
soit entretemps modifi et que, par consquent, ces
lettres ne puissent tre seulement rattaches aux temps
primitifs et grossiers de cette institution, son enfance
et nullement son ge plus mr ? la lumire de cette
affirmation, que j'lverai par la suite la certitude la
plus totale, qu'on aille lire les degrs rvls dont je
suis l'auteur. Qu'on les juge selon la perspective que
j'expose ci-dessous : quon pse les raisons de chaque
arrangement et dispositif que je vais mentionner ; et
ainsi, qu'on juge si le tout ne s'ordonne pas en un
ensemble parfaitement et clairement moral. Que l'on
* Le lecteur peut lui-mme trouver la vrification de cet
argument dans lesdites lettres, page 379.
INTRODUCTION MON APOLOGIE
34
considre aussi, du reste, comment ce systme, juste
aprs 1781
11
, s'est propag dans toute l'Allemagne,
que les plus grands hommes, par la naissance,
l'rudition ou la rputation dun mode de vie et de
murs des plus irrprochables, taient au courant de
son origine et de son organisation, et quils se tenaient
mme la tte de ses affaires ; quon juge alors s'il est
possible que de telles vises honteuses aient t
acceuillies, adoptes et approuves dans le plan de
l'Ordre. Il apparatra plutt que ce sont des hommes
de grande moralit qui sont sortis de cette cole
12
:
que son organisation tait tablie de telle sorte que ses
membres fussent dfinis par une dlicatesse si haute-
ment morale, que la moindre manifestation d'immo-
ralit et les exemples de vulgarit donns par les
Suprieurs que l'on sait craient la dysharmonie et,
par suite, sy trouvaient en minorit ; que la confiance
et l'exemple mme taient les seuls ressorts des motifs
destins lui faire atteindre son objectif ; que tous les
dfauts, vices et garements provenaient de ce que
quelques Suprieurs devaient d'abord se maintenir au
plus haut degr de moralit ncessaire l'acquisition
de cette confiance ; que les subordonns avaient
besoin de leurs Suprieurs pour s'interdire de pour-
suivre des fins gostes et appuyer leurs enseignements
sur leur exemplarit ; que leurs regards taient
constamment tourns vers ces Suprieurs et que toute
dissonance entre la doctrine et les actes n'tait jamais
remarque ni rprimande, sans que cela exert une
grande influence sur leur zle, leur alacrit future et
leur obissance. De cette faon, l'organisation tait si
bien rgle que les subordonns, sans le savoir, taient
les guides et les instructeurs de leurs Suprieurs,
quand ces derniers voulaient atteindre leurs fins autre-
INTRODUCTION MON APOLOGIE 35
ment, la manire des despotes arbitraires
13
les plus
dpendants, et, si tel ntait pas le cas, quand ils
souhaitaient plutt s'abandonner leurs inclinations
et leurs passions, quand ils taient les hommes les
plus dsuvrs.
2. Ces lettres ne prouvent pas que je fus, jusqu'en
1781 (car pour les annes suivantes, ils ne dmontrent
absolument rien) un homme mchant, un escroc, un
maniaque du pouvoir et quelqu'un d'intress. Ils
attestent plutt qu' cette poque, je n'avais juste-
ment aucun privilge, beaucoup d'ennuis, et d'autant
moins de puissance que je vivais non pas pour moi,
mais pour les autres, pour lensemble et, je puis le dire
sans honte, pour le monde et le genre humain.
L'homme dont l'me pense dans le sens de l'intrt
gnral et en tant que citoyen du monde, n'a nul
besoin d'employer des artifices grossiers qui sont le
propre de gens dont l'esprit tout entier est plein d'une
seule ide qui les hisse toujours plus haut et fait
fructifier leur bien. Je peux attendre de l'quit de
tout lecteur non prvenu, qu'il retire de l le trait
essentiel de ma nature et quil juge d'aprs cela, tant
le reste de ma valeur, que mes crits et mes discours.
Si javais vraiment mal agi, comme je suis prt
ladmettre, puisse le lecteur tre assur que ce ne fut
trs certainement jamais dessein. Si j'avais pu
imaginer que ces documents finiraient un jour entre
les mains de mes adversaires et qu'ils seraient
imprims pour le public, si tous les principes dalors
avaient t dvelopps dans mon esprit pour tre tels
qu'ils sont aujourd'hui ; si, dans ma hte faire
connaissance je n'avais, ds la premire rencontre,
crit d'un cur embras par la soif du bien, j'aurais
INTRODUCTION MON APOLOGIE
36
trs certainement mieux pes, correctement dfini ou
compltement vit les nombreuses expressions que je
dsapprouve, prsent que la tonalit spirituelle de
mon me est compltement autre. Ainsi, seul un
homme sachant que la lecture de sa correspondance
complte en dition publique lui apportera des amis,
peut se targuer, bon droit, de ne jamais se hter, de
n'avoir aucun moment utilis dexpression ambigu
et facile manipuler ; un homme qui peut se convain-
cre lui-mme et les autres qu'en toute occasion il a
pens et agi selon les plus pures intentions, que dans
sa jeunesse ou quelques annes plus tt il pensait dj
comme il pense aujourdhui : seul un tel tre peut se
lever et tmoigner contre moi. Et ce mme homme
me dira ensuite si l'tre humain s'attire le mpris et le
blme de ne pas avoir t, par manque d'occasions ou
d'intrt, ce qu'il est devenu, de devoir encore se
former lui-mme, se dvelopper.
3. Ces crits ne prouvent pas que les alarmistes et
dnonciateurs soient des hommes moraux et que par
leurs alarmes et dnonciations ils aient eu des
intentions pures, et quils aient agi sur la base de faits
et de sources irrfutables. Il n'en reste pas moins vrai
que c'est partir de simples supputations, sur la foi de
dclarations irrflchies de membres isols, et non
encore forms, par une hassable dformation des
degrs qui leurs ont t donns de connatre, qu'ils
ont conclu un systme du Mal et lev leurs
dductions et leurs suites uniformes une ralit
dmontre et irrfutable. S'ils n'avaient pas omis de
prsenter de meilleures preuves, ils n'auraient eu
aucun besoin d'inventer, dans des crits anonymes,
des lettres signes en mon nom, ni de les faire prc-
INTRODUCTION MON APOLOGIE 37
der de leur Avertissement, et ils ne se seraient pas non
plus servi de tous les procds dont ils accusent les
Illumins. Ils ne leur auraient mis aucun crime
charge dont la certitude, pour le coup, n'est nulle-
ment confirme. Ils n'auraient pas eu recours aux
instances judiciaires, qui n'ont pas rechign m'iden-
tifier comme tant leur fondateur ; il leur aurait t
impossible de dnoncer et de dcrier l'Ordre en tant
qu'invention et cabale fomente par quelque cour
voisine
14
; ils n'auraient pas parl de rgicide, de haute-
trahison ou de complot portant atteinte leur propre
vie et ils n'auraient pas ratifi tous ces mensonges sous
serment. Ils n'auraient pas mis tant de soin con-
trarier, par tous les moyens et dtours possibles, les
enqutes et dfenses juridiques plus dtailles. Ils n'en
reste pas moins vrai qu'ils ont fait tout cela et plus
encore. Ce qu'il y a de pire, c'est qu'ils aient t
auparavant lis de toute leur me un Ordre si
nuisible, qu'ils en aient mme t les propagateurs et
surtout, qu' la suite de la prtendue offense d'Ingol-
stadt, ils aient diligeant, par pure vengeance, toutes
les poursuites par des moyens et des voies qui d-
montrent qu'ils auraient fort difficilement employ
leurs forces meilleur escient et avec plus d'inocuit
la place des Illumins. Il n'en reste pas moins vrai que,
durant plusieurs annes, ils ne furent pas trs zls
participer ou se rendre complices de tous ces crimes,
moins qu'ils n'avouent n'avoir rien vu ni entendu,
pendant tout ce temps, de ce que donnent com-
prendre leurs faux, et qu'ils aient par l mme gagn
les faveurs du pouvoir. Ainsi y eut-il encore des
passions malignes, la haine et la vengeance, pour les
entraner donner une tournure si abjectement
calomnieuse des textes et des discours susceptibles
d'une interprtation trs partiale.
INTRODUCTION MON APOLOGIE
38
4. Ces crits prouvent tout aussi peu que le gou-
vernement ait dj eu en main des preuves valables
pour justifier le dur procs intent lencontre de
l'organisation et de nombre de ses membres indivi-
duellement irrprochables ; si ces documents ont t
publis avant les minutes du procs, ctait nen pas
douter afin de prvenir le blme et le veto du public.
Il n'en reste pas moins que, de ce point de vue, l'on a
chaffaud, cru et poursuivi sur le fondement de
dnonciations arbitraires (je peux les appeler ainsi, car
la dlation de 1785, en fin de compte, fut classe sans
suite, aprs que l'on ait dj procd bon nombre
d'actes illgaux), que pas un seul membre na t
somm de s'exprimer sur les crimes en question, que
l'on a employ pour beaucoup d'entre eux un autre
prtexte afin de les dmettre de leurs fonctions, qu'on
leur a interdit de se dfendre et que cette interdiction
a invalid certains jugements de condamnation. La
forme lgale a tout aussi peu t observe concernant
les crits dcouverts. Ces derniers ont t confisqus
en l'absence de leur propritaire et de tmoins
juridiques, pour passer ensuite entre toutes les mains
de la partie adverse. C'est aux ennemis eux-mmes
qu'il a t ordonn de chercher ces documents. Ils
n'ont t soumis l'examen d'aucun de leurs auteurs,
aucun d'eux n'a t appel la barre pour en attester
lauthenticit, nul n'a t interrog sur le sens des
mots utiliss, aucun des arguments, ni mme les
personnes qui les ont avancsn n'ont t entendus sur
la vrit des raisons contraires et des preuves apportes
par les prvenus. Tout a t considr comme
indniablement et parfaitement prouv. Mais tout
cela le fut si peu, que ma dfense dmontrera combien
jaurais pu argumenter pour ma propre justification,
INTRODUCTION MON APOLOGIE 39
si seulement les juges avaient accueilli mes instantes
prires et m'avaient convoqu Mnich. Puisque
j'avais dj formul depuis longtemps cette demande
dans mon Apologie des Illumins, que j'y avais fait la
promesse de faire toute la lumire possible devant un
tribunal impartial, que l'on ne pouvait s'attendre ce
que je sois dup par le gouvernement, que je mtais
dj prsent trs clairement en tant qu'auteur et
fondateur de cette organisation ; que tous ces moyens
ordinaires et lgaux taient offerts : pourquoi a-t-on
eu besoin de procder cette si formidable perqui-
sition, qui porte tellement atteinte la libert civile ?
Ils ont d la mener parce quils navaient pas la
moindre preuve, ils ne pouvaient plus rien faire
d'autre que trouver un moyen de justifier leurs proc-
ds, de couvrir leur nudit dvoile dans mon Apologie
[des Illumins], afin de se protger contre les
arguments de l'apologiste par des preuves dcouvertes
bien plus tard. Pourquoi a-t-on eu besoin de
m'assiger ce point, surtout depuis la parution de
mon Apologie [des Illumins], moi qui souhaitais me
livrer, pour qui l'on pronona mme la relaxe, alors
qu'aucun crime n'avait t retenu contre moi, moi
que l'on aurait pu conduire devant l'autorit ordinaire
avant de me bannir, moi qui vis ici paisiblement
depuis la fin de l'anne 1785, de faon irrprochable
sous la protection et auprs de la personnalit dun
prince estim
15
? Et pourquoi avoir port de tels coups
ma libert, au vu et au su de tout le royaume, au
point que je ne puis qu'avec peine me maintenir dans
l'troit espace compris ferm par ces murs, treint par
une inquitude et un souci permanents ? quelle fin
l'a-t-on souhait ? Dans le but de me punir, de me
ficher entre quatre murs... Mais o est mon crime ?
INTRODUCTION MON APOLOGIE
40
O en ai-je t convaincu ? Quel juge m'a entendu ?
Faut-il que cela se soit produit pour ma dfense, pour
me garder d'explications ncessaires ? Pour quelles
raisons dois-je tre spar de ma femme et de mes
enfants innocents
16
, tre captur comme un criminel
et tran en justice ? Ne m'y tais-je pas moi-mme
propos ? Mon Apologie [des Illumins] ne fut-elle pas
crite dans le dessein de fournir des explications, de
dvoiler l'injustice et de diligenter une enqute lgale ?
Rude, trs rude serait mon destin, s'il ne devait servir
veiller et renforcer chez les autres la foi en la Vertu ; et
o cette dernire pourrait-elle se montrer plus belle
que dans le destin d'un homme qui, exempt de crimes
graves et que l'on n'coute pas, doit perdre son
emploi, sa subsistance, sa libert, ainsi que (ce qui le
torture l'extrme) son honneur, l'attention inesti-
mable de ses bienfaiteurs et amis et, avec cela, toute
perspective d'un meilleur destin futur ? Si un tel
homme croit encore en la puissance de la providence
et de la vertu, si, compltement abandonn son sort,
il peut se distraire et regarder sans crainte l'avenir
sombre qui s'ouvre devant moi et, sans effroi, prvoir
une destine encore pire mais... persvrer : alors, il
existe certainement une Providence, une Vertu, de
hauts principes, et l'tre humain qui en est capable
n'est srement pas un imposteur ; il peut certes avoir
de nombreux dfauts et faiblesses, mais il doit
forcment connatre ces hauts principes, s'y fier, les
avoir ports jusqu' une perfection unique ou le
vice serait une vertu, et ce serait le seul lui procurer
de la force, le protger contre les temptes de la vie
et ce serait le meilleur soutien dans l'adversit...
INTRODUCTION MON APOLOGIE 41
Mais ces crits ne dmontrent pas ce que l'on a
cherch, de manire insigne, prouver en les rendant
publics. Ils ne sont toutefois pas sans force, car ils
attestent :
1) Que la premire impression est frappante et
qu'elle sert au mieux les intrts des alarmistes, des
dnonciateurs et autres adversaires ; j'imagine trs
bien aussi que leur joie a grandi mesure que
saccroissait l'embarras, dans lequel eux-mmes se
trouvaient peu de temps auparavant ; je prsume
qu'ils n'auront de cesse d'crire, de prouver, de
dduire et de rfuter, que leur victoire soit totale. Ces
pages dmontrent que les crits en question dtourne-
ront le point de vue de tout lecteur pour le moins
familiaris avec la dmarche et l'essence des socits
secrtes, qui connat la nature du cur humain et les
mobiles de nos actions, qui est habitu juger avant
mme d'tre renseign sur le tout et l'ensemble des
circonstances, qui veut simplement condamner et
d'autant moins pardonner, car les passions, la peur et
l'intrt le dterminent agir ainsi elles prouvent
qu'ils grossiront toute l'affaire, que, partout, ils feront
entrevoir un danger et qu'ils smeront la discorde.
2) Que nulle institution au monde na t ce
qu'elle est devenue par la suite, une fois les concepts
purifis par l'exprience. Le plus rcent exemple des
colonies anglaises d'Amrique sert prouver combien
il est difficile d'astreindre des formes nouvelles et
inaccoutumes des hommes si attachs au pass et
leurs habitudes. Il dmontre que c'est une uvre du
temps, que le premier fondateur peut rarement ne
donner que de l'intrt et veiller la pense ; que tout
INTRODUCTION MON APOLOGIE
42
s'ordonne de soi-mme et prend consistance travers
la course du temps, selon les circonstances et les
accidents, d'aprs une utilisation intelligente des
conditions, mais quasiment jamais en suivant le
premier plan de l'inventeur. Ces crits peuvent bien
prouver que, peut-tre, un tel plan tait trop prcoce
pour ces temps-l et pour la forme prsente de l'me
humaine ; que, sans doute, toute cette institution ne
devait servir rien d'autre qu' renouveler une grande
pense et la jeter, telle une semence, parmi les
hommes, une pense qui doit sans doute d'abord
germer et parvenir maturit aprs plusieurs sicles.
3) Que mme cet Ordre, par sa naissance, fut pour
partie bauch et organis d'aprs des concepts em-
brouills, insuffisamment assimils, peu prouvs,
dnus de toute connaissance des choses et de l'hom-
me. Mais ils ne prouvent pas que cet Ordre ait t
encore aussi lacunaire et imparfait, ou que son tat
empira davantage quand clatrent les orages. Cet
Ordre ne s'est certes pas dbarrass de toutes ses
scories au cours de sa dernire priode ; il ne repr-
sentait pas non plus l'idal le plus lev d'organisa-
tion humaine ; il lui restait encore de trs gros dfauts
quand il fut dmantel. Mais, indpendamment de ce
fait, il s'est dans l'ensemble perfectionn dune
manire extraordinaire en comparaison de son tat
brut initial. Si, dans l'Apologie des Illumins , je prenais
la dfense de l'Ordre, toutes les raisons que j'y
allguais portaient sur cet tat final c'est--dire sur
l'Ordre tel qu'il stait constitu au moment de sa
dissolution et nullement sur le premier. C'est lui
que je dfends encore contre toutes les attaques de ses
opposants, et la suite montrera que j'en avais pleine-
INTRODUCTION MON APOLOGIE 43
ment le droit. De mme, ces lettres prouvent, selon
moi, que j'ai mal valu les dfauts de l'Ordre primi-
tif, et que j'anticipais toujours plus d'aprs l'volution
croissante de mes expriences ; elles attestent alors de
ce que j'affirme ici, savoir que mes propres concepts
se sont de loin en loin toujours plus affins. De l
vient aussi que dans son ge tardif, aprs 1780,
presque tous les premiers et plus anciens membres
lavaient compltement abandonn ou cess d'tre
actifs ; leur place taient entrs en scne de tout
nouveaux chefs et acteurs. Mais dirons mes
adversaires cette distinction entre le premier et le
second Ordre, entre le primitif et celui qui est si
perfectionn, n'est-il pas un prtexte creux visant
annihiler, d'une faon subtile et astucieuse, la force
probante de ces lettres, dont l'anciennet ne prouve
rien ? Comment puis-je dmontrer que cette distinction
est vraie et fonde ? En progressant dans mon
apologie, je le prouverai de manire ce qu'aucun
doute ne subsiste. Toutefois, je peux rendre ici mon
affirmation vraisemblable par les raisons suivantes :
a) Aussi loin que portent ces lettres, elles n'ont
engendr aucune forme dfinie et rien que quelques
plaintes et chamailleries ; tout n'y est que simple
supputation, encore rejete par les pages suivantes.
On ne s'est mme pas mis d'accord au sujet du nom
de la socit.
b) Jusque vers la fin de l'anne 1780, pas un seul
grade, l'exception des statuts gnraux et du degr
de Minerval
17
, n'tait achev ou labor. C'est vers la
fin de l'anne 1780, lors de mon retour de Mnich,
que j'ai termin d'abord celui d'Illuminatus minor : il
INTRODUCTION MON APOLOGIE
44
me fallut encore batailler et disputer toute l'anne
suivante pour le faire finalement adopter. J'avais
conu mon systme de l'idalisme en premier, au
cours de l'anne 1780, lors dune occasion que je
relaterai plus tard.
c) Aprs 1780, l'Ordre commena se rpandre
dans les autres rgions d'Allemagne ; de grands et
importants personnages y adhrrent, aux remarques
desquels je considrai qu'il fallait satisfaire de faon
consquente, si l'on souhaitait conserver chez eux la
bonne image qu'on leur avait donne au dbut, en
particulier par le grade d'Illuminatus minor. Ceci
m'imposa de faire de nouvelles connaissances ext-
rieures, qu'avec eux, j'aille demander conseil et que je
dploie toutes mes forces pour tablir ce qui pouvait
en quelque sorte correspondre leur attente extrme-
ment tendue. Le courage, la fermet et l'abngation
d'un si grand nombre de membres dans ces orages
violents et ces brutales agressions, n'en font pas moins
conclure une conscience pure et des principes
sublimes, desquels ils taient familiers. Ces principes
ne brillent pas aussi bien dans les lettres, mais on se
doute que, dans lintervalle, on a procd plusieurs
modifications importantes.
d) Et au lieu de toute autre preuve de ce que je fus
contraint de faire circuler la premire bauche et de la
perfectionner toujours plus, ce sont ces chicaneries et
ces dsordres sans fin qui ressortent, par lesquels rien
ne pouvait advenir et qui, comme ils devenaient
perceptibles, affaiblissaient le zle des subordonns.
Ces derniers devaient me rendre attentif l'ide et
la question suivante : d'o vient que toutes les choses
INTRODUCTION MON APOLOGIE 45
tablies pour le bien, ici, autant que dans le monde
politique, rencontrent de telles entraves et ne parvien-
nent jamais tre mises en places ? Si ces troubles ne
s'taient pas produits avant, je n'aurais probablement
jamais form l'ide essentielle, ni l'ultime et suprme
raffinement de mon systme. Le grade d'Illuminatus
minor lui-mme dmontre que jtais dj en train de
suivre cette piste ce moment-l. (Les crises en
question ont apport quelque bien, et j'aurais regrett
qu'elles ne se produisissent jamais.) Au cours de
mres rflexions sur cette question, il me fallut, com-
me tout autre, dcouvrir que leur raison d'tre rside
dans l'intrt si variable et les passions des hommes,
que leurs conceptions si diffrentes d'une mme
affaire entranent leurs clivages et leurs divergences.
Cette pense devait amener une autre interrogation,
celle de savoir s'il tait possible d'unir ces intrts, et
il fut dmontr que cette unification n'tait ralisable
qu'en un point de vue lev et gnral. Chacun peut
ici constater combien, sur cette voie, je dus dj me
rapprocher de la puret et de la perfection morale. Ici,
je remarquai et chacun ne le remarquera pas moins
comment toutes les entraves auraient t soudaine-
ment leves s'il m'avait t donn d'lever les hommes
au-del des intrts vulgaires et de les fondre dans le
creuset d'une finalit commune. Dsormais, cela
signifiait : Tu dois consulter et tablir des principes
propres obtenir cela ; tu dois, par cette unification
mme, insuffler cet intert suprieur pour le raliser ;
tu dois, au travers de cet intrt, faire en sorte de
dvelopper et de rendre parlants les effets salutaires
qui en dcoulent pour chacun et pour le monde
mme.
INTRODUCTION MON APOLOGIE
46
C'est ainsi que furent tablis les principes et les
enseignements que j'exposai publiquement dans
l'Apologie du mal et du mcontentement . prsent, je
pose la question suivante : est-ce un crime que de
former les hommes ces principes ? Ces personnes
peuvent-ils tre mauvaises et dangereuses ? Que doit-
il advenir du fait que des hommes de cette sorte se
perfectionnent au sein d'une ligue secrte ? Seront-ce
ensuite les bonnes institutions, d'utilit gnrale, qui
se heurteront tant d'obstacles ? Un dirigeant du
monde, qui il est en vrit demand de faire le bien
de ses sujets, peut-il s'opposer de tels principes ? Ou
bien serait-ce que leur ralisation est impossible ?
Si ce dernier cas est vrai, l'Ordre avait-il quoique ce
soit d'une cole de corruption, n'tait-ce pas tout
simplement une Rpublique platonicienne, une chi-
mre, une ide bonne et bienveillante ? Et cette bonne
volont, ce dsir exalt de servir peut alors bien tre
puni et dcri au point o nous le subissons... Mais je
suis galement convaincu que cette proposition n'est
pas une chimre. J'ai mise en partie ces penses
excution, je peux donner des exemples tirs de cette
cole, lesquels sont vraiment prconiss. Et ce que
l'on peut faire advenir pour un seul, on le peut aussi
pour plusieurs. Il y en avait davantage sur cette voie :
et je suis sr qu'au fil des annes, j'aurais, grce de
nouveaux associs, dcouvert des facilits dans une
affaire qui n'est difficile que parce qu'il n'y a personne
pour y travailler, pour s'encourager et se renforcer
mutuellement. Et donc je crois que le lecteur doit
considrer que beaucoup de socits naissent de la
puret des murs et des meilleurs desseins, pour
ensuite se dgrader ; mais que pour l'Ordre des
Illumins, on est parti de vises moins claires pour
INTRODUCTION MON APOLOGIE 47
clore son histoire sur de meilleurs plans ; que j'af-
firme, avec vrit, que ces lettres ne prouvent rien de
plus que ce que j'tais, que ce que l'Ordre tait
l'poque o elles furent crites ; qu'elles ne d-
montrent en rien que je le sois encore ou que l'Ordre
ft encore par aprs ce qu'il fut dans son enfance ;
qu'elles prouvent au plus haut point qu' cette
poque-l, je souhaitais promouvoir une divulgation,
que j'avais propos, en guise d'explication, quelque
chose qui n'apporta aucune clarification, qu' la
place, je livrai ce que je croyais moi-mme en tre une.
Mille autres sont encore rellement dans cette situa-
tion. Ma mystification a une fin. Je travaille pour
qu'elle ne disparaisse pas moins chez les autres ; cest
pour cela que je combats mes ides antrieures, celles
contenues dans mes crits publis. Je serais moins en
mesure de lutter contre elles de cette faon, si je ne les
avais dj connues et penses. Je tire mme profit de
mon propre exemple. Alors, o est mon crime ?
4) Ces crits prouvent qu'il est impossible aux
jeunes gens d'avoir la vue et l'exprience plus veilles
que celle d'hommes grisonnants et plus forms qu'eux
ce genre d'affaires. Que ceux-ci ont un esprit
singulirement plus vif et des impulsions trop
puissantes pour temprer leur feu et se dvier des
fausses routes sur lesquelles ils ont drap. Ils
prouvent que des affaires de cette sorte ne peuvent
jamais tre parfaites en un an ou en un jour ; qu'il est
souvent meilleur de sortir de l'imperfection pour se
hisser graduellement et se maintenir aussi ensuite l
o tous les autres ont chou, eux qui, au dpart,
taient plus accomplis. Ils prouvent que les hommes
INTRODUCTION MON APOLOGIE
48
ne se gurissent pas d'un seul coup de leurs habitudes
et de leur incessante prcipitation, encore moins dans
une telle institution, o l'on doit mnager ses gens en
vue du ncessaire secret, lieu o la contrainte ext-
rieure demeure compltement absente et o, par
consquent, les suprieurs doivent se distinguer et se
sparer des subordonns ; que, par suite, aussi long-
temps que font dfaut la formation et l'exemple indis-
pensables, l'troite cohsion, la force et la consistance
intrieures en particulier la tonalit dme
uniforme, qui est si essentielle , il doit forcment
sy produire mille manuvres insenses et inoppor-
tunes ; aussi longtemps que l'indolence, la prcipita-
tion, le zle trop impatient, l'imprudence, la pr-
somption, les reprsentations trop faibles, trop aveugles et
trop simplistes de celles qui considrent dun point
de vue trop lger leur objet et cette affaire si vaste et si
complique, qui rclament les fruits avant qu'ils ne
soient mrs et qui recourent aux rsultats lointains,
comme dans un rapport inappropri des moyens
une fin donne , aussi longtemps que l'ambition,
l'esprit autoritaire et l'intrt personnel encore trop
peu disciplins des membres, le triste dsir de briller
et d'apparatre partout au sommet comme un lment
important, et cent autres dfauts du mme genre,
existeront, il y aura des milliers de troubles et il faudra
faire mille dtours, prendre mille prcautions, dicter
des lois, et cela entranera sans cesse des lacunes, des
faiblesses, des vices et des dfauts. J'en veux pour
exemple toutes les loges et socits secrtes, tous les
hommes qui ont travaill ces questions, et je les
prends pour tmoins de mon assertion. Quelle loge au
monde pourrait se faire fort de livrer tous ses
documents au public, lui faisant une totale confiance
INTRODUCTION MON APOLOGIE 49
Pour ne trouver chez elle aucune des faiblesses propres
aux gens mauvais et qui pourraient, au dtriment de
leur puret, entraner des consquences fcheuses ? Et
ds lors, dans un systme qui ne doit pas tre un
simple passe-temps, o l'on doit agir sur l'homme
intrieur, travailler retoucher son caractre, quel
point ces difficults doivent-elles tre accrues ? Ces
crits d-montrent ainsi que, comme dans tous les
autres do-maines, et donc ici aussi, ce sont d'abord les
changes et les expriences qui font l'homme. Ils
dmontrent encore que cet Ordre tait moins une
vritable socit qu'une tentative, un entranement,
une cole dans laquelle devaient surtout se former des
hommes, qui, un jour, seraient capable de fonder un
lien durable, sublime et conforme aux besoins et aux
attentes des tres humains. Je dmontrerai par la suite,
de manire irrfutable, que nous tous, sans droger
cette toute nouvelle entreprise, savons peu ou prou
que toutes les socits secrtes qui ont exist jusqu'
maintenant ont, par manque de vrai projet et d'une
relle organi-sation, comme plus tard les errements et
dfauts des Illumins, cd l'une aprs l'autre, pour
tomber en ruine et s'teindre, ou pour revenir la
dernire ide de l'Ordre. Je prouverai que le pur et
authentique Art Royal des socits secrtes est une
chose qui, comme tout ce qui est bon, doit tre
dcouverte aprs mille fourvoiements ; qu'il est le
chef-d'uvre de l'intel-ligence humaine et le plus
haut raffinement de la socit civile.
5) Ces crits prouvent que si lon avait voulu se
permettre de mener les mmes investigations contre
plusieurs autres socits secrtes, en Bavire ou
ailleurs, on aurait lu ou vcu des scandales similaires,
INTRODUCTION MON APOLOGIE
50
voire pires. Ils prouvent que le proslytisme et la
volont de crotre, non dans les premiers instants,
mais certainement par la suite, est lune des cons-
quences inexorables de toute socit, non seulement
secrte, mais encore publique. La volont de crotre
elle-mme nest rien de plus que linstinct de perfec-
tionnement, si propre tous les hommes et mal
compris de la plupart dentre eux, qui dbarrasse du
mal. Ils prouvent donc quen de tels cas, on reproche
volontiers aux autres ce que lon fait soi-mme tous les
jours, que lon dcrie et rend suspect les autres pour
loigner ses concurrents et slever sur leurs ruines.
6) Ces crits prouvent que n'importe quel
adversaire des Illumins, avec son intelligence de cour
moins nave et moins franche, que recouvrent une
sournoiserie et un vtement d'autant plus grands,
dclarerait et dissimulerait, parmi davantage de mots
slectionns et ambigus, ce qu'il y recherche et ne
convoite pas moins de toute son me, ce qui, avec une
plus grande sincrit et un moindre danger pour
l'tat et les autres hommes, est ici pos et exprim. Le
Ciel voulut que les Illumins soient les seuls
matrialistes, distes et naturalistes de Bavire. Les
autres ne le sont pas moins, qui sont simplement
camoufls et plus sages. J'ai moi-mme aussi peu
implant le disme en Bavire qu' Rome ou en Italie.
Je l'y trouvai dj : et je donnerai par la suite la raison
pour laquelle les hommes de cette espce [les distes]
se trouvaient en grand nombre et quantit dans les
rgions prcisment les plus bigottes, et davantage
encore parmi les catholiques que les protestants.
Beaucoup de nos adversaires ont fait montre de zle
pour leur croyance et ne sont pour l'heure pas
INTRODUCTION MON APOLOGIE 51
meilleurs que nous ne ltions ; ils ont besoin de Dieu
et de la foi de leurs pres pour exterminer leurs
ennemis.
7) Ces papiers dmontrent que tout homme a ses
lubies et ses moments durant lesquels les sens dis-
tordent sa raison et mettent en scne des penses que
lui-mme rejettera ensuite, peut-tre dans l'heure qui
suit, lors d'une rflexion plus froide.
8) Ils prouvent que, par dsir d'un plus grand
bien, il peut facilement venir l'esprit d'un homme
qui, depuis sa jeunesse sous la conduite des Jsuites,
ne reut pas tout le temps les plus justes exemples de
vertu qui, par exemple, entendit louer un Saint
Crispin
18
d'avoir drob du cuir un autre afin den
faire des chaussures aux pauvres , de garder pour lui
un livre emprunt l'un de ses anctres en vue d'une
utilit gnrale ; que de tels exemples et illustrations
tendent laisser derrire eux de sombres traces, qui
rendent douteuse la mise en pratique des rgles
morales et suscitent les commentaires jsuitiques*.
* Cela me peinerait de voir quelqu'un dinjuste au point de
douter de ma moralit et de ma conviction actuelles, que
tout un chacun peut retrouver dans mes textes, et qui
jugerait d'aprs les concepts purils de ma jeunesse. Si,
parmi mes lecteurs, il en existe un qui na jamais commis
ces dtours et erreurs, et dont l'esprit se soit dvelopp sur
la base de bons principes, qu'il soit remerci de cette bont
par la Providence ; mais qu'il ne me rprimande point, ou
alors je douterai qu'il soit aussi parfait qu'il le prtend. Une
fois, il m'est arriv de suivre cette voie et, face cela, tous
les discours, crits ou dmonstrations sont autant d'efforts
INTRODUCTION MON APOLOGIE
52
ne servant pas grand'chose, sinon rien du tout. Mille
autres se retrouvent dans ma situation ; et je pourrais
presque demander qui, dans toute l'humanit, a agi ou
pens en homme mr durant sa jeunesse... Que le lecteur
prenne seulement patience, avant que j'expose, ici mme,
dans ce mmoire, le processus volutif de mon esprit, et il
dcouvrira que tout ce qu'il a lu de ces concepts, pse
encore bien peu par rapport ce qu'il doit encore apprendre
plus loin. Je peux dire que j'ai travers la quasi-totalit du
cours de toutes les vrits humaines ; j'ai invoqu les esprits,
dterr des trsors, questionn la Kabbale, jou au loto, il
fallait que je sois moi-mme initi toutes ces folies pour
en prouver l'inanit. Il n'y a gure que le mtal que je n'ai
pas transmut, la faute revenant l'indigence dans laquelle
j'ai toujours vcu... Que conclure de tout cela ? Que j'tais
fou, que le passage d'une trop grande crdulit et du
bigotisme l'incroyance est trs facile ; que jai beaucoup
pein pour me dpartir de ces erreurs, car je ne me voyais
pas divaguer sur leur voie, parce qu' chaque fois, je les
prenais pour la sagesse suprme. De l vient que je devais
parvenir mon tat d'esprit actuel par mille folies et
garements, que je ne me suis pas encore suffisamment
rectifi, et que pour cela, justement, je doive vivre tous ces
vnments, qui constituent pour moi une relle preuve.
Du reste, par la publication de ces documents, je crois
vraiment tre devenu, ces derniers temps, meilleur que je
ne ltais. Ai-je commis une faute en ayant t jadis ce que
je ne suis plus ? Cela mrite-t-il du respect ou un chtiment ?
, si quelqu'un doit expier des fautes et des vices depuis
longtemps carts, alors personne ne s'amliorera, chacun
persvrera opinitrement dans ses vices ; laissez-nous donc
dtruire les saints de notre calendrier ! Car il est faux que
semblables hommes, qui sont rellement dans le bien, qui
rsistent avec la plus grande force aux sductions venir,
atteignent leur perfection par les fautes et les erreurs !
J'aurais aim que mes ennemis et mes juges puissent dire
aussi bien d'eux-mmes qu'ils ont simplement commis des
INTRODUCTION MON APOLOGIE 53
erreurs. Ce que j'affirme ici sur moi-mme, pour mon
pardon, vaut sans exception, avec un droit encore plus
grand, pour tous ceux qui ont pris part cette association.
Eux aussi taient jeunes et se sont gars dans la voie de
l'erreur ; la plupart se sont dj depuis longtemps acquitts
de ce travail ; leurs expriences les ont dtromps, ils ne
sont plus tels qu'ils taient et je suis certain qu'ils sont
incomparablement plus sages et meilleurs que ce qu'ils
taient. Je fus justement meutri quand, dans ces lettres, on
cita nommment d'autres personnes au prjudice de leur
honneur, alors que les noms de tant d'autres que l'on a sans
doute voulu mnager, y sont ou bien compltement omis,
ou bien seulement dsigns par leurs initiales quand, dans
ma lettre un ami non pas au monde, ni dans le but de
leur nuire j'avais not, dans la plus intime confidence,
des informations errones, une rumeur qui, plus tard, se
rvlerait fausse. Je suis par excellence, avec d'autres,
parfaitement responsable de la dclaration Monsieur Le
Conseiller mdical et professeur Will
19
, qui en fut au plus
haut point bless dans son honneur. La conscience et le
devoir me commandent d'expliquer ici publiquement que
la rumeur, rpandue peut-tre par ses ennemis, ne fut pas
seulement dmentie, mais compltement convaincue de
fausset parmi les membres de l'Ordre ; qu'aprs la dissipa-
tion de cette rumeur, Monsieur le Professeur Will resta
encore quelque temps dans l'Ordre, comme le prouvent
mme de faon visible les lettres de la p. 302, et que c'est
seulement plus tard, il y a maintenant dj environ sept ans
eu prs dj sept ans, qu'il a pris lui-mme ses distances
avec l'Ordre et qu'il n'a pris aucune part, ni eu
connaissance de ses affaires ultrieures. Qu'a-t-on eu
besoin, lors des investigations, de mnager tellement
d'autres noms et, parmi ceux-l, celui de Monsieur le
Conseiller aulique von Eckarthausen
20
, en sa qualit de
commissaire ? Pourquoi avoir cherch, p. 332, dissimuler
sous un nom chiffr et ratur le jugement que je porte sur
lui, et pourquoi avoir nommment rvl ceux de
INTRODUCTION MON APOLOGIE
54
9) Ils prouvent que les recettes financires de
l'Ordre taient trs faibles, et qu'elles ne mritent
nullement d'tre taxes d'escroqueries.
10) Il est triste de devoir devenir son propre
louangeur. Je suis dans cette situation. Il me semble
que ces documents prouvent, qu'en dpit de toutes les
faiblesses dont ils m'accusent, je reste un esprit
ordonn et capable de voir loin ; que l'esprit de
dtail
21
s'accorde trs rarement aux larges vues ; que
les points de vue gnraux et les fins de l'me com-
blent trop et rendent souvent plus indiffrent qu'ils
ne devraient aux basses proportions ; que de tels
esprits passent volontiers au-dessus. Ces documents
sont ainsi la preuve qu'un esprit devrait d'abord
oublier ce qu'il a pniblement appris 20 ans
auparavant, sur lequel toute grande pense agit
vivement, qui apprend tout pour l'utiliser et le
dmontrer par les actes, qui a tt prouv et rprim
un plan immense avant que sa raison et les forces
ncessaires son exercice soient duques et dveloppes
beaucoup d'autres personnes qui n'ont pris que peu ou
prou part toute cette affaire ? Il faut croire que j'ai trs
souvent chang de jugement, non moins quant aux choses
que quant aux personnes, d'aprs une connaissance plus
juste et une meilleure intruction. Ds lors que ce change-
ment a t opr, que nombre de ces hommes me sont
mieux connus et que mon jugement leur gard est plus
juste, est-ce ma faute si leur honneur court un danger ? Cela
me blesse normment. Mais chacun comprendra qu'ils
ont moins t atteints par mon jugement, qui n'a plus
cours ces temps-ci et en ces circonstances, que par la haine
du rdacteur de ces crits.
INTRODUCTION MON APOLOGIE 55
au degr appropri, un esprit qui manque moins une
ferme volont que du discernement, qui ralise srieu-
sement prsent qu'il existe certaines grandes vrits
que l'on doit clamer avec fracas dans le monde pour
susciter l'attention des hommes et que les perscu-
tions y contribuent. Ils semblent me prouver que je
suis un homme qui n'avait ni lu ni entendu les
expriences utiles une telle entreprise, qui les avait
encore moins collectes grce ses propres preuves,
un homme qui devait d'abord se faire lui-mme et se
dvelopper la faveur des circonstances, un homme
qui, en l'absence de toute occasion, aurait bris sa
carrire sur tous les obstacles, qui, dans d'autres
conditions et une place plus active, ne serait peut-
tre jamais tomb sur de telles penses (probablement
son dtriment), qui aurait pu en produire beaucoup
d'autres si chaque gouvernement comprenait tout le
temps l'art de mettre chacun de ses sujets la place
qui correspond ses forces. Ils prouvent que j'ai
toujours voulu servir, que je ne connaissais pas encore
les vrais moyens, que j'ai chaque fois pens et agi
d'aprs une conviction encore insuffisamment affine,
mais avec la foi la plus solide que je pensais et agissais
aussi bien que je le pouvais.
11) Ces papiers prouvent enfin (de la meilleure
faon) que je suis le premier instigateur et fondateur
de cette ligue si dcrie.
Et voil que, tout coup, le secret si ardemment
attendu serait dvoil. Les montagnes sont sur le
point de natre et... c'est une souris qui vient au
monde
22
.
INTRODUCTION MON APOLOGIE
56
Oui ! Je suis cet instigateur, ce fondateur ; je m'y
reconnais sans honte. Avant dj, dans mon Apologie
des Illumins, addition (A), je m'y tais clairement
reconnu comme tel ; j'aurais parl encore plus claire-
ment dans ce passage si je n'avais promis de faire toute
la lumire devant la Justice, si je ne m'tais crdit de
la trop purile et impardonnable vanit de me faire
reconnatre sans rougir en tant que crateur d'un
systme auquel je dois, et lui seul, la tonalit et le
dveloppement actuels de mon me. Tous ceux qui,
jusqu' maintenant, ont eu un destin subi, trs amer,
et ceux pour lesquels il est imminent, ne peuvent me
convaincre d'avoir honte de cette situation, de
m'adresser des reproches, de la regretter. Les essais
rats, la destine et le chagrin, tels que je les ai vcus,
me persuadent en tous les cas de renoncer cette ide
pour l'avenir, de jurer de renoncer penser une
suite, voire de me dcider publier, pour liminer
toute mfiance, convaincre parfaitement le public et
pour la honte de nos ennemis, l'intgralit du
systme, avec tous ses grades, tel qu'il fut
compltement et dfinitivement rform ds 1783.
Mais regretter d'avoir produit de telles penses et de
les avoir partiellement mises excution, regretter
cela, je ne le puis. Il me faudrait regretter tout le bien
qui s'est produit grce cette entreprise, tout le
processus de fermentation que j'ai mis en route dans
beaucoup de ttes ensommeilles, tout l'intrt de
devenir meilleur, de s'efforcer, que je leur ai donn,
tous les exemples magnifiques de grandeur d'me et
de force spirituelle ports par tant de membres qui,
lors de ces orages si violents, de cet crasement gnral
et de ce dcouragement, ont abandonn leur patrie
comme on abandonne un hritage. Je devrais me
INTRODUCTION MON APOLOGIE 57
repentir du fait qu' prsent, tant d'affaires encore
fortement embrouilles par ma faute parviennent
leur dnouement et qu'elles soient dites. Je devrais
dtester le seul et meilleur moyen de me perfec-
tionner. Je devrais regretter d'avoir, dans mon
domaine si born, dvelopp une grande sphre
d'activit, et procur, grce aux forces qui som-
meillent en moi, l'occasion de m'lever jusqu'au
degr actuel. Bref, je devrais regretter de ne plus tre
tel que j'tais. Il est vrai que je ne fus jamais une
personne mchante ; j'ai toujours aim et honor la
Vrit et la Vertu ; mais dans ce cadre si subjectif, avec
cette conviction et cette alacrit, je n'ai que plus tard,
grce l'intrt, reconnu quelles sont les multiples
scnes et domaines qui ont veill en moi cet
enchanement de faits. Tous les principes que j'ai
exposs dans mon Apologie du mcontentement et ceux
qui le seront encore l'avenir, sont les rsultats de
telles expriences. Autrement, je n'aurais jamais fait
prouver, ni vcu moi-mme les mobiles et esprances
humaines, l'humeur actuelle des hommes, leurs
faiblesses, leurs failles et les causes essentielles qui les
engendreront l'avenir. Je pourrais mme dire que si,
dans cet enchanement, rien de plus ne s'tait produit
que mon loignement d'Ingolstadt, ce dernier aurait
t dj en quelque sorte prcieux et inoubliable. Il
m'tait ncessaire, pour un meilleur perfectionne-
ment,d'aller vers les autres hommes et de me com-
parer un idal suprieur, de me mesurer lui, et
combien me manque-t-il encore pour fonder la fiert
qui nat habituellement chez celui qui s'emploie
exclusivement l'instruction des jeunes. Mes con-
ceptions taient, dans beaucoup de leurs parties, trop
simplistes ; une correction leur tait ncessaire, qui
INTRODUCTION MON APOLOGIE
58
aurait t apporte par le commerce avec le monde et
les hommes de toutes les conditions. Je dois cet exil
la connaissance personnelle de nombreux grands
hommes d'exception. Grce cet exil, j'ai conserv
tout cela et davantage ; il forme l'poque la plus
remarquable de mon existence. C'est par lui que les
principes, dont les germes ne s'taient pas encore
suffisamment dvelopps en moi, sont parvenus la
maturit convenable.
C'est d'aprs cette hypothse que je procde ma
dfense mme. Et je trouve l, de tout ce que l'on peut
m'imputer charge, que seuls deux extraits me sont
opposables. Je fonderai donc ma dfense sur ces deux
seuls morceaux, car en eux sont contenus tous les
autres reproches. L'on peut me blmer 1) d'avoir cr
une socit secrte et 2) de l'avoir construite de cette
manire. On peut donc se demander :
1) si c'est commettre un vritable crime que d'tre
fondateur et instigateur d'une ligue secrte, ou bien...
2) si le crime ne rside pas plutt dans l'institution
elle-mme, dans les mesures que l'on y a prises. Mes
moyens taient-ils si abominables qu'ils le semblaient ?
Prouver tout ceci qui, comme je le crois, joue
mon avantage et renforce la conviction du public
devant la juridiction duquel cette affaire elle-mme
est porte par mes adversaires grce la divulgation de
ces crits fera l'objet dune apologie future. Que le
Ciel me dispense paix et sant afin de remplir le plus
tt possible ma promesse.
INTRODUCTION MON APOLOGIE 59
Le vritable Illumin ou
Les vrais rituels primitifs des Illumins
Par Johann Heinrich FABER
L'DITEUR AU PUBLIC
JE ne suis ni Illumin, ni Franc-maon, ni mem-
bre dun quelconque ordre secret. Je suis ce que l'on
nomme, dans la langue des lus, un profane. Dieu sait
si je suis pour cela pire ou meilleur. Ce ne sont pas les
occasions et les tentatives qui m'ont manqu d'entrer
dans de telles associations ; seulement, j'y ai toujours
trouv, parmi les prtendus initis et mme leurs
chefs, des hommes faibles et pcheurs, exprience qui
m'a rendu mfiant. Ainsi, me dis-je, ces hommes
pleins de mystres n'ont pourtant pas encore trouv
l'arcane infaillible qui rend les hommes bons et
heureux, et ils dcouvriront bien difficilement une
voie menant la perfection, plus accessible que celle
que jai suivie depuis mon enfance : Aime Dieu
par-dessus tout et ton prochain comme toi-mme ; ce
que tu veux que les autres te fassent, fais-le leur aussi,
et ce qu'ils refusent que les autres leur fassent, ne le
leur fait pas. Ainsi pensais-je et restai-je profane.
prsent, comment, dans ma profanit, j'ai t amen
diter les rituels des Illumins, c'est ce que je vais
exposer ici clairement et succinte-ment. L'une de mes
surs tait marie un certain bavarois N*, mort il y
a deux ans. Terrass par une crise d'apoplexie, il n'eut
pas le temps de prendre la moindre disposition.
* Je ne peux pas en dire plus, sinon son Excellence
l'Inquisiteur Kreittmeyer [baron de son tat] sera pris de
l'envie d'aller inqui-sitionner un mort...
Aprs son dcs, sa veuve dcou-vrit, enferms
dans une cassette, diffrents documents maonniques
et illuministes qu'elle m'envoya avec la recomman-
dation de les garder jusqu' ce que son fils, s'il ne lui
arrivait pas de prendre la robe, soit parvenu l'ge de
les utiliser. Car, ajouta-t-elle alors, mon bienheureux
mari fut un meilleur matre de maison, meilleur
poux et meilleur pre quand il se dpartit de ces
affaires. Je nai absolument pas la curiosit pour vice.
Je n'ai fait autrefois que survoler ces documents : si
cela peut rendre service, mon prjug l'gard de tous
les ordres secrets y est aussi pour beaucoup. L-dessus,
les belles histoires parlant des Illumins de Bavire
virent le jour ; mais elles ne purent m'inciter utiliser
ces papiers : pourtant, on a rcemment publi un
Systme des Illumins
1
amlior, sign par l'ex-
professeur Weishaupt, ainsi que quelques crits
Originaux de l'Ordre des Illumins sur ordonnance de
Son Altesse le Prince de Coire de Palatinat-Bavire ; ainsi
examinai-je avec attention les papiers qui m'avaient t
confis et estimai-je qu'il valait la peine de les faire
imprimer avec la permission de ma sur. Le public ne
peut se faire aucune ide vraie de l'affaire partir des
fragments drobs sur ordre du Prince de Coire, et
encore moins sur la base du systme des Illumins
amlior par Weishaupt. Ici, ce sont les vrais rituels,
leurs crmonies, leurs doctrines, leur but et les
moyens qu'ils employrent pour y parvenir, en un
mot : l'Illuminisme dans toute sa puret. Avec ce livre
disposition, tout homme libr des prjugs pourra
enfin statuer sur la question de savoir si les Illumins
sont dangereux pour l'tat et la religion. Je ne suis
sans doute pas assez connaisseur ; je puis dire cepen-
dant que mon sain entendement humain et ma foi de
INTRODUCTION MON APOLOGIE 64
LE VRITABLE ILLUMIN 65
charbonnier n'y ont rien trouv de bien choquant et
je pense encore que les Illumins, en tant que socit,
sont une bonne chose (ce qui n'est pas le cas de tous
ses membres pris en particulier), des gens utiles, dans
le cur desquels le bien de l'humanit est puissam-
ment ancr. Bien mieux : si j'avais diriger un petit
ou un grand royaume, je ferais en sorte que celui-ci
soit quelque peu illumin. Le bon prince, le bon
ministre et lhonnte homme d'esprit n'auraient rien
en redouter.
Pourtant, je peux tout aussi bien avoir tort. Alors,
cher public, lis toi-mme ce livre et sois juge.
H. v. L.
I
EXPOS PRLIMINAIRE
Conception gnrale de la
Socit des Illumins
Il existe certaines vrits, de saintes vrits, qui
projtent leur lumire sur la condition passe, pr-
sente et future de l'homme. Il en existe de certaines
qu'on les nomme Rvlation ou comme l'on voudra.
Elles rsultent de profondes recherches ou de tradi-
tions suprieures dont tout homme intelligent doit
prouver le besoin, car des doutes subsistent pour lui
au sujet d'un nombre incalculable de choses dans la
nature. Peut-il ou non voir ces doutes surmonts ? Les
interprtations que les diffrents peuples en ont con-
serves par l'intermdiaire de leurs prtres, de leurs
philosophes et de leurs chercheurs sont-elles vraies ou
fausses ? Aucun effort n'est dploy pour examiner ces
questions. Les passions, les rapports civils et beaucoup
d'autres entraves empchent la majorit des hommes
de se consacrer ces sujets. Il n'en allait pas ainsi jadis,
quand nos besoins n'taient pas si nombreux, ni nos
relations si complexes, nos passions si diversement
partages et stimules, quand les hommes ne consid-
raient les liens sociaux que comme des buts secondai-
res et non comme le centre d'intrt de leur existence ;
seul comptait pour l'homme l'accomplissement de sa
destine. Il se percevait comme membre de la chane
des cratures, en quelque sorte citoyen de la Terre.
Mais, peu peu, la vraie sagesse, la vision juste du tout
se rarfia davantage, s'imbriqua dans les lois humai-
nes, se faussa en suivant les orientations du sicle et
devint finalement le monopole d'un petit nombre de
personnes qui, loignes des obstacles gnants, culti-
vrent la vraie sagesse et la transmirent leurs succes-
seurs. En ce que ces hommes n'oublirent jamais
qu'ils taient tous ensemble citoyens de la Terre, leur
principal intrt demeura toujours insensiblement de
donner galement la multitude entrane par le
courant de la culture une direction telle qu'elle ne
parte pas trop la drive, aussi mene soit-elle par les
vnements du monde. cette fin ultime, ils dgui-
srent en chaque sicle leurs doctrines, les vrais prin-
cipes de la vrit, dans une enveloppe adapte leur
poque. Ils n'oublirent jamais que l'homme ne vit
pas simplement dans le monde pour spculer et tre
heureux et paisible, mais qu'il a aussi le devoir d'aider
et de consoler ses semblables.
Parmi les diffrentes coles de sagesse, qui se sont
donn pour tche d'enseigner les vrits sacres, de
prserver de la corruption et de s'employer au plus
grand bien de tous, se range sans aucun doute l'Ordre
des Francs-maons. Seulement, mme si son caractre
sacr intrinsque a gard sa puret, sa forme ext-
rieure, elle, est compltement corrompue. Et pour-
tant, combien pourrait-il uvrer ! Nous en sommes
au point o le monde a le plus grand besoin de cette
cole, car il a pris une si mauvaise tournure que,
dsormais, il faut vraiment tout reprendre depuis le
dbut et dfinir ltre humain de faon totalement
diffrente avant de pouvoir lui enseigner la sagesse
INTRODUCTION MON APOLOGIE
68
suprieure et le rendre utile cette dernire. La socit
dont il sera ici question prend en compte cette ralit
et est en mesure de dlivrer le profane. Elle compte en
son sein des hommes de grande science, forms par
plus d'une cole de sagesse, des hommes parvenus au
fate de toutes les socits secrtes et qui ont attir de
leurs entourages respectifs des personnes de tous les
systmes maonniques, qui savent de manire certaine
ce qui est bon, vrai et utile, et ce qui ne l'est pas. Mais
ils n'exigent pas qu'on les croit sur parole, simplement
qu'on les juge d'aprs leur conduite extrieure et leurs
actions sur le monde. Leur premier but reste en effet
d'agir pour rendre le monde meilleur et plus sage. On
doit s'efforcer d'oublier tout fait qu'ils ont des
secrets, n'envisager que ce qu'ils font pour le bien de
l'humanit en gnral. Toutes les sciences et toutes les
institutions du monde ont besoin d'une rforme, mais
un tel changement dans les principes ne doit pas tre
rendu public, ni trop rapidement mis en uvre. Il ne
faut pas non plus que ce soit une rforme qui dtrui-
rait plus qu'elle ne construit, et elle devra tre univer-
selle, tout embrasser, ne pas s'occuper de spculations
thortiques mais agir efficacement pour lever les
hommes leur dignit originelle. Si, jusqu' mainte-
nant, les meilleurs hommes se sont runis afin de
juguler la corruption, ils sont cependant particu-
lirement peu nombreux en Franc-maonnerie, car :
1) Elle est en partie compose d'hommes qui ne
s'lvent pas au-dessus du vulgaire ;
2) Ces hommes ne sont pas anims d'un seul
esprit, parce qu'ils n'y ont pas t forms ds leur
jeunesse, chacun prenant alors sa propre direction et
ne suivant que sa propre ide, tout comme on se laisse
gouverner par ses passions ;
LE VRITABLE ILLUMIN 69
3) On ne connat pas suffisamment ses adhrents,
on ne sait pas ce dont chaque membre est capable ;
4) Et pourtant, tous sont conduits d'une seule
faon et examins au cours d'une seule preuve (trs
incertaine), mais galement sans en subir aucune
2
;
5) Et ils arrivent la fin sans avoir rien vcu ; car,
en Franc-maonnerie, il n'y a non seulement aucun
systme fixe pour les vrits les plus communes, mais
les vrits suprieures n'y sont absolument pas trans-
mises ; alors, comment ces gens-l, si diversement
choisis et jamais amens aux connaissances les plus
universelles, pourraient-ils possder une sagesse sur-
naturelle ? Qui pis est, l'histoire de la Franc-maon-
nerie, ainsi que son vritable but, ne leur sont jamais
connus ;
6) La Franc-maonnerie actuelle ne se soucie gure
des obstacles qui se dressent sur le chemin de la
Sagesse et de la Vertu et par l, elle ne fera jamais rien
pour le monde ;
7) L'apparence, la force et toutes les passions y
sont flattes de faon grossire ou subtile, et l'intrt,
l'ambition, la vanit, la haine prive et les faveurs, le
fanatisme, la fraude et l'ignorance y ont toutes des
occasions de jouer leur rle ;
8) Chacun veut y apprendre pour soi, nullement en
vue du bien gnral, et rcolter des fruits l o il n'a
rien sem ;
Dans notre socit, au contraire, on a retranch
tout cela.
ad 1) Seuls des hommes prouvs fond y sont
admis et promus.
ad 2) On y forme les hommes graduellement, avec
un art insensible, grce quoi ils envisagent peu peu
INTRODUCTION MON APOLOGIE 70
toutes les affaires humaines d'un seul point de vue.
C'est pourquoi l'on y recrute de prfrence de jeunes
gens, car ils sont encore peu entachs de prjugs et
exigent moins d'avoir tout la fois. Les hommes mrs
doivent nanmoins traverser toutes ces preuves. On
ne dplore pas leur impatience, et quand ils rgres-
sent, on les laisse filer.
Cependant, quiconque persvre parmi nous et ne
tient pas pour nuls les effets que l'ducation peut
avoir sur l'ennoblissement de l'homme, quiconque
dmontre sa fidlit trouvera srement chez nous ce
qu'il recherche.
ad 3) On y sait les moyens les plus srs de bien
connatre ses membres.
ad 4) Puisque il existe toujours de petites
diffrences entre eux, personne n'agit de la mme
faon qu'autrui, mais chacun y est dirig et mis
contribution selon son orientation et ses capacits,
raison pour laquelle tout un chacun ou presque colla-
bore notre plan autant et aussi longtemps qu'il le
souhaite.
ad 5) Personne ny promet de secrets, car l'on ne
sait pas si cette promesse pourra tre tenue chacun.
Mais les Lumires contiennent tout ce qui, dans ce
monde, peut tre utile chacun dans son domaine
d'activit. A-t-il des doutes ? Ils seront levs et s'il croit
trouver plus rapidement davantage de choses et des
meilleures au sein dautres alliances, on lui permet
daller les y chercher. Il sera dailleurs difficile quel-
qu'un d'avancer parmi nous s'il n'est par Francmaon
du troisime grade.
Nos systmes sont solides et inbranlables ; leurs
fruits sont des connaissances et des dcouvertes
certaines.
LE VRITABLE ILLUMIN 71
ad 6) Nous uvrons pour attaquer la racine les
entraves du bien et, pour ce faire, nous avons choisi
les meilleurs moyens et les plus srs de rcompenser
extrieurement la Vertu, de rendre le vice terrifiant,
de subjuguer la mchancet et de combattre le prjug
avec courage, mais aussi intelligence. Cest un travail
digne de la sainte lgion des meilleurs hommes.
ad 7) Chez nous, ce ne sont pas la condition, la
rputation, etc. qui dcident. C'est le plus sage et le
meilleur qui rgne, mais sans que l'on sache que cest
lui qui rgne. Chaque passion prjudiciable voit son
mcanisme intrinsque tenu en bride. On se recon-
nat d'aprs la qualit, pas daprs le nom ; ainsi le
got personnel et la haine n'interviennent jamais.
L'ambition ne pourra jamais rien entamer, ni la curio-
sit, ni l'envie dtruire quoique ce soit. Le bavardage
trouve sa punition immdiate. Les larves du fana-
tisme, de l'ignorance et de l'imposture sont extirpes.
ad 8) chaque membre est expos un point de
vue partir duquel il peut uvrer pour le tout. Il lui
faut tre prt travailler l o la postrit pourra
rcolter des fruits. Sa vision personnelle ne doit avoir
pour lui de valeur qu'autant qu'elle promeut le bien
commun.
Quiconque est un homme de cette sorte, qui
tout cela semble important, est le bienvenu parmi
nous : car nous ne vendons pas la vrit, on ne nous
paye pas, et l o se tiennent les runions, les
membres, s'ils veulent se rassembler chaque mois, se
mettent d'accord pour prendre en charge les frais de
port et rgler les dtails. Nous ne recrutons donc pas
par intrt personnel. Il faut chercher entrer chez
nous avec dsir et une confiance sans rserve. C'est
seulement depuis peu que la socit pense davantage
INTRODUCTION MON APOLOGIE 72
LE VRITABLE ILLUMIN 73
son expansion, car le monde malade aura toujours
besoin d'aide ; c'est certainement la raison pour la-
quelle les fruits que nous proposons au public sont
visiblement devenus plus doux. Cependant, elle a dj
publiquement uvr de grandes choses, que lon a
attribu la Fortune ou la Bont.
Quibus Licet dun Illumin du territoire de Saxe-Thuringe
TABLEAU
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II
ILLUMINATI
1
re
Classe
I. LE NOVICIAT
Lettre de confirmation dun admissible
Je soussign, m'engage sur mon honneur et ma
rputation, en abandonnant toute rserve cache, ne
rien rvler des affaires qui m'ont t confies par
Monsieur N., relatives mon admission dans une
certaine socit secrte, personne, pas mme mes
amis les plus intimes ni mes parents ; je m'engage
ne jamais rvler la moindre chose y ayant trait, d'une
quelconque manire que ce soit, ni par mots, signes
ou regards, ni autrement ; il en va de mon admission.
plus forte raison m'a-t-on assur, avant de m'intro-
duire, que dans cette socit rien n'est entrepris contre
l'tat, la religion ou les bonnes murs. Je jure
galement de restituer sans dlai les crits dont je vais
tre avis et les lettres qui me sont destines, aprs en
avoir pralablement fait les copies utiles et compr-
hensibles par moi seul uniquement ; tout cela, aussi
vrai que je suis un homme d'honneur et que je veux
pour toujours le rester.
Fait le ... etc.
Instruction l'usage des Insinuants ou Rcipients
Extrait des statuts
Quand quelqu'un a tabli sa lettre d'engagement,
voici ce qui lui incombe :
1) Chacun doit tenir pour soi un journal o il
consignera prcisment tout ce qu'il reoit ou confie
l'O<rdre>, de mme que ce qu'il expdie sur demande.
2) Il doit reproduire fidlement les 1
er
et 2
nd
tableaux qui lui ont t soumis avant son admission,
puis les envoyer l'O.
3) Il livrera de temps en temps une description
exacte des capacits et caractres des personnes qu'il
aimerait introduire ou voir exclues de lO.
4) Il faut cependant souligner que les sujets pr-
sents devront avoir bon cur, le dsir de se former et
l'amour du travail. S'ils ne sont pas encore forms aux
sciences, lO peut les y aider grce ses enseigne-
ments. On pourra galement prsenter des artistes,
tout autant que des travailleurs manuels habiles et
considrs.
5) Chacun doit disposer de feuilles de papier
particulires et les destiner aux matires suivantes
mme aprs l'achvement d'une nouvelle conversation :
a) Collection des caractres, actions, mentalits
dhommes instruits et importants aux poques
anciennes et modernes.
b) Leurs nobles penses, leurs sentiments, leurs
INTRODUCTION MON APOLOGIE 78
sentences et ceux de leurs livres dont la lecture est
ordonne et conseille par l'O. Pour preuve de
l'application, on doit les envoyer sur demande.
c) la fin de chaque mois, tout le monde remet
son rcipiendaire un cahier scell portant l'inti-
tul : Quibus licet. Il doit y indiquer :
aa) Comment son rcipiendaire se comporte
son gard : avec ou sans application, avec
temprance ou brusquerie.
bb) S'il a des plaintes formuler l'gard de
l'O et de quelle nature elles sont.
cc) Si on lui a rclam de l'argent au cours
du mois et combien.
Si quelqu'un a une plainte particulire formuler
ou une proccupation intrieure, il n'aura qu' l'ins-
crire sous l'intitul Soli dans son Quibus licet, et s'il ne
souhaite pas le voir lu par le Matre provincial, qu'il
crive au-dessus : Primo.
6) On reoit un nom d'O. Et afin de l'employer
avec profit et science, on doit rassembler et pouvoir
livrer en son temps les donnes concernant l'histoire
du personnage dont on porte le nom.
7) Les affaires de l'O seront conserves dans un
contenant appropri, et un cahier portant lintitul Au
Rcipient ou Au Suprieur y sera joint. Au cas o l'on
tombe gravement malade, ce dernier doit tre scell.
8) On doit conserver des copies sommaires de ce
qui est expdi par l'Ordre, y compris tous les
modles de tableaux, instructions, etc. Les lettres et
originaux d'injonctions doivent tre retourns.
Remarque : Pour l'instruction des jeunes gens qui
ne sauraient pas bien crire, il sera trs facile, en guise
de message, d'utiliser des feuilles volantes ; on crira
LE VRITABLE ILLUMIN 79
par exemple en haut de l'article : Amour et, la
suite, tout ce que l'on a rassembl sous ce terme. Les
papiers seront rdigs en alphabet.
INSTRUCTIO
Pro Insinuantibus s.<ive> Recipientibus
Extrait des statuts
1) Chacun a le devoir de proposer ou d'insinuer
quelques membres.
2) Si un adhrent souhaite soumettre la candida-
ture d'un sujet apte, il doit, selon les directives, en
esquisser le portrait fidle et circonstanci sous forme
de tableau ou punctatim, et le transmettre l'O par le
biais de son Recipient ou du Q<ibus> L<icet>.
3) Quand l'Insinuans reoit le facultatem reci-
piendi (aptitude du rcipiendaire), il doit se mettre
l'uvre prudemment, afin d'tablir un rapport juste
et prcis de tout le processus, puis attendre les pro-
chains ordres secrets.
4) Il doit aiguiller le Recipiendum partir de sa
propre exprience et selon l'instruction de ses Sup-
rieurs, par des conversations qui rendent aise la
transition vers un rapport d'intrts, ou par la trans-
mission d'opinions appropries et difiant l'me, de
faon ce que le dsir d'entrer dans un telle socit ne
naisse pas en lui dun seul coup, mais progressive-
ment. cette fin, les uvres anciennes et modernes
sont utiles. Snque, Platon, Cicron, Isocrates,
Marc-Aurle, pictte, etc. Chacun peut mme pro-
poser des livres modernes, adapts la tendance et au
besoin du candidat, comme l'ouvrage de Abbt
3
, Vom
Verdienst [Du Mrite] ou les crits philosophiques de
Meiners
4
, certaines uvres de Wieland
5
, etc. en
gnral, dans cette classe, tous les livres riches en
INTRODUCTION MON APOLOGIE 80
LE VRITABLE ILLUMIN 81
images et maximes morales. En de pareils discours et
actions, il est ncessaire que l'Insinuatus se dvoile, et
si le candidat fait montre de zle et de son dsir d'tre
introduit, il doit en exprimer la demande. Mais on ne
lui prsentera l'engagement qu'aprs des demandes
rptes.
5) Aprs l'admission, il devra nanmoins s'expri-
mer par crit sur les arts ou sciences dans lesquelles il
souhaite tre vers. On lui fera raliser et transmettre
les tableaux. Tout cela sera remis en main propre au
Suprieur ; de mme sera remis au prpos, en un
certain lieu, la petite somme d'argent proportionne
sa situation, afin de couvrir les frais. Mais c'est aussi
lui qui le remboursera s'il souhaite se retirer avant
l'initiation. Chaque mois, en certains lieux, on verse
une petite contribution, mais sans en recevoir
quittance.
6) Alors, on donne limptrant un nom d'Ordre,
et on lui procure un pensum qu'il doit complter avec
ses lignes d'aptitudes. Ce pensum gnral sera lui aussi
remis avant la fin de la priode probatoire.
7) Afin que l'O puisse apprcier l'assiduit de
l'imptrant, l'tendue de ses connaissances ainsi que
sa prsentation, il sera engag transmettre chaque
mois au moins une demi-feuille d'crits moraux ou un
petit pensum de nexu sociali [sur ses rapports sociaux]
qui sera compos au gr des situations.
8) Durant la priode probatoire, le Recipiens d-
taille point par point avec son subordonn les statuts
gnraux de l'O et les lui explique.
9) Il lui donne galement un Chiffre d'O, ais
retenir, lui indique la manire d'crire, comment
raliser le journal et son Quibus lic. et, si besoin est,
lui donne copie de ces consignes ; il doit lire avec lui
de bons livres, se fait montrer ses excerpta et s'efforce
en gnral de l'clairer et de le prparer.
10) Le Recipiens doit avoir en vue l'accomplis-
sement le plus juste des statuts, tout dclarer son
Suprieur immdiat, mais ne pas distribuer les blmes
trop facilement.
Statuts Gnraux de l'Ordre
Pour le soutien et la sret des membres de cette
association, qu'ils soient potentiels ou actifs, et pour
prvenir toute supposition infonde et tout doute
anxieux, l'O dclare avant tout qu'il n'a nullement
pour dessein d'encourager les opinions et actes
portant atteinte l'tat, la religion, aux bonnes
murs ou aux siens. Toutes ses intentions et son
effort visent uniquement veiller l'intrt de l'hom-
me pour l'accomplissement et le perfectionnement de
son caractre moral, inspirer l'esprit d'humanit et
de socit, empcher les mauvais desseins de se
raliser, aider la Vertu opprime et indigente contre
l'injustice, songer l'avancement des personnes
mritantes et rendre universelles les connaissances
humaines encore majoritairement caches. Voil le
but dclar de l'Ordre ; tout le reste compte pour rien.
Si les membres devaient un jour rencontrer ici ou l
quelque chose d'inattendu, ils peuvent tre assurs
que, contre l'usage de certaines autres associations,
l'on y promet moins, mais l'on tient plus. Cependant,
un membre qui voudrait entrer dans l'O dans l'espoir
d'une grande puissance ou richesse future, pourrait ne
pas y tre le mieux accueilli.
1) Puisque, pour la conservation d'un tel but, le
secours mutuel, la bonne entente et l'obissance
indfectible sont ncessaires, les membres ne doivent
INTRODUCTION MON APOLOGIE 82
jamais perdre de vue la fin dernire de l'O, et songer
que tout ce qu'ils paraissent accomplir pour l'O sert
en ralit lavancement de leur propre bien, que tous
les membres unissent leurs forces pour travailler leur
flicit mutuelle.
2) Ainsi doivent-ils se considrer les uns les autres
comme les amis les plus fidles, mettre de ct toute
haine et toute envie, prserver leurs curs de tout
intrt personnel prjudiciable et se comporter de
faon gagner non seulement les curs de leurs
frres, mais galement ceux de leurs ennemis.
3) En se frquentant, ils doivent s'habituer une
attitude pose, amicale et, en gnral, s'astreindre la
plus grande perfection intrieure et extrieure.
4) On exige de tous les membres d'aimer l'huma-
nit, d'tre vertueux et honntes, les arts et les sciences
dont la nature nous a dots tant faits pour cela.
5) Chaque membre doit donc propager l'indus-
trie, l'habilet et la Vertu ; ceux qui en sont capables
doivent diffuser galement les arts, les sciences et le
bon got, et chercher radiquer ce qui sy oppose.
6) En outre, l'O recommande avec nergie la
modration, l'amour de la famille et le contentement
vis--vis de sa propre condition (lesquels sont d'or), le
respect des anciens, des Suprieurs et des hauts servi-
teurs de l'tat ; l'amiti et l'amour envers les frres, la
courtoisie et la compassion envers tous les hommes.
Celui qui exige des autres le respect doit aussi aller
vers les autres avec dfrence et attention.
7) Remplissez vos fonctions dans la socit civile
avec fidlit, application et constance ; dirigez vos
familles en bons pres, poux et seigneurs ; ou bien
obissez en tant que fils, serviteurs, subordonns ;
celui qui nglige les devoirs de son tat et de sa
LE VRITABLE ILLUMIN 83
fonction, manquera aussi aux devoirs de l'Ordre.
8) Bien que toutes les diffrences de condition
dont on se revt dans la socit civile disparaissent au
sein de l'Ordre, il est cependant ncessaire de rester
dans les limites de ltiquette, particulirement quand
des profanes sont prsents, et de faire preuve de la
prudence approprie.
9) Les membres plus anciens ont acquis plus de
connaissances, en ont tir davantage profit et, pour
cela, accdent aux hauts grades ; il peuvent tre Sup-
rieurs. Aussi les salue-t-on avec une dfrence tmoi-
gnant dune vritable attention et dune haute estime,
sans ramper servilement.
10) Plus la courtoisie d'un frre qui vous
rencontre est grande, plus vous devez tre attentif lui
rendre la pareille. Ne vous autorisez jamais la
familiarit tapageuse ; vous devez vous aimer
constamment, et l'exprience enseigne que rien ne
coupe plus facilement l'amiti la plus forte et la plus
intime qu'une trop grande galit de niveau.
11) Les Suprieurs sont nos guides, ils nous diri-
gent dans les tnbres et dans l'erreur, nous dtour-
nent des voies impraticables. La souplesse et la docilit
deviennent la rgle, et mme la reconnaissance. Nul
ne se refusera donc suivre celui qui uvre pour son
mieux.
12) L'O exige donc de ses membres un sacrifice de
leur libert, certes pas absolu, mais en tous les cas, s'il
reprsente un moyen en vue d'une grande fin. Les
ordres des Suprieurs sont toujours prsums
conduire au but. Car les Suprieurs voient plus loin,
plus en profondeur dans le systme c'est pour cette
seule raison qu'ils sont nomms Suprieurs.
13) Ils connaissent les hommes, savent qui ils ont
INTRODUCTION MON APOLOGIE 84
devant eux, et par consquent, n'abuseront pas de leur
prestige et n'oublieront jamais qu'ils doivent tre de
bons pres. Toutefois, l'Ordre a arrt quelques
mesures afin de se prserver des oppresseurs, des fiers,
des imprieux et autres personnes du mme genre.
la fin de chaque mois, en effet, tous les subordonns
donnent leur Suprieur ou au Recipient une ou
plusieurs feuilles cachetes portant l'intitul appropri
la circonstance : Quibus licet ou bien Soli ou Primo.
Sur cette feuille, il dclare :
a) Comment son Suprieur le rencontre et
procde avec lui.
b) Quelles plaintes il veut formuler contre
l'Ordre.
c) Quels ordres le Suprieur lui a exprims au
cours du mois.
d) Combien il a pris d'argent ce mois-l.
14) Tous les mois, chacun doit remettre ce cahier,
qu'il ait quelque chose exposer ou une plainte
formuler, ou qu'il n'ait rien dire. Pour l'tablir avec
moins de peine, chaque membre se prpare, ds le
dbut du mois, l'une ou l'autre feuille, y consignant
tout ce qui lui arrive personnellement et la cachte
la fin du mois.
15) Cette rgle exigeant l'envoi d'un papier est
effective tous les grades, et personne n'en est
exempt. S'il est interrompu, le subordonn tombe
sous le coup d'une amende proportionne ses
moyens, de mme que le Suprieur qui omet de
l'envoyer ou de le rclamer en temps voulu. Le
Suprieur doit le transmettre le dernier jour du mois.
16) Afin que tous les membres soient anims
d'une seule me et qu'il n'aient, autant que possible,
qu'une seule volont, des livres leur sont imposs,
LE VRITABLE ILLUMIN 85
qu'ils doivent lire et partir desquels ils peuvent se
former. Par ces travaux mensuels, longs d'une demi-
page au moins, et laide des instructions dispenses
lors des runions, les Suprieurs et les Frres auront
l'occasion d'apprcier aussi bien leur prsentation,
que le zle et l'accroissement de leurs connaissances.
17) Chacun est inform par son Suprieur des
livres lire. En gnral, on n'exclue aucun de ceux qui
contribuent former le cur. Pour les nouveaux, on
recommande des fabulistes et dautres textes riches en
images et maximes morales ; on prfre en particulier
que les membres se nourrissent de l'esprit des Anciens
et qu'au final, ils pensent et observent davantage qu'ils
ne lisent.
18) Le Recipient de chaque candidat est galement
son Suprieur. Toute personne qui s'est vue rvler
l'existence de l'O et qui, dans le mme temps, a fait sa
demande pour entrer dans l'alliance, doit attendre les
prochaines instructions de celui qui l'y a fait entrer,
c'est--dire celles de son Recipient.
19) Tout le monde a la permission de proposer et
d'insinuer de nouveaux membres. Aussi, tous les
membres doivent, pour chacune des personnes qu'ils
souhaitent voir admises ou exclue de l'O, tenir des
fiches particulires sur lesquelles ils consignent les
actes et discours rvlateurs de leurs mes ; en
particulier les plus infimes, ceux o la personne ne
croit pas tre observe. Puisque tous les jugements que
l'on exprime, de mme que toutes les actions nous
trahissent, il ne manquera jamais matire pareilles
notes.
20) Les notes dterminent toute la suite donner.
Il faut donc qu'elles soient trs correctement tablies
; qu'elles soient plus racontes que rflchies. De ces
INTRODUCTION MON APOLOGIE 86
notes doit immdiatement ressortir pour le Suprieur
le caractre du candidat, que ce soit pour ladmission
ou l'exclusivam.
21) Puisque l'homme possde deux cts, l'un bon et
l'autre mauvais, l'Ordre exige que les membres ne
s'habituent pas n'en considrer et nen dcrire
qu'un seul. L'humanit ncessite que l'on reconnaisse
le bien galement chez son ennemi, que l'on vante sa
probit. Il ne faut pas vouloir statuer sur les hommes
partir d'une seule action ou de la seule relation qu'ils
entretiennent avec nous.
22) Pour voir si les candidats effectuent ce qui a
t dict jusque l, s'ils largissent leurs connais-
sances, s'ils rfutent et nient leurs prjugs, s'ils
perfectionnent leur caractre moral en un mot, s'ils
veulent devenir des membres dignes , l'O demande
prouver leur fidlit, leur silence, leur application,
leur attachement et leur obissance.
23) Ainsi, l'O a aussi arrt une certaine dure au
cours de laquelle les candidats doivent tre soumis
cette preuve. Les jeunes gens ont une priode
probatoire de 3 ans, d'autres de 2 et d'autres encore,
d'une seule anne. Il dpend de l'assiduit de la
maturit, du zle et de l'application du candidat de
raccourcir cette dure.
24) Pendant que le candidat lit les livres prescrits,
il travaille tudier son prochain, tout noter avec
application, il prend des notes selon une certaine
mthode approprie et cherche digrer ce qu'il a lu
et le dire avec ses propres mots.
25) Nombre de notes, de remarques, beaucoup de
caractres esquisss, de causeries consignes avec des
gens que l'on a rencontrs parlant avec passion, de
mme que l'excution des statuts de l'O et l'obis-
LE VRITABLE ILLUMIN 87
sance au Suprieur, sont la voie la plus sre de
l'avancement.
26) Parmi les observations, les remarques
physionomiques, les rgles dcouvertes, le jugement
des caractres humains rendent un grand service.
Mais l'on recommandera essentiellement de consid-
rer les objets non de manire trangre, mais
personnelle.
27) Outre toute la philosophie pratique, l'O
s'occupe de la nature entire et d'histoire naturelle,
avec les affaires politiques et l'conomie, les arts
libraux, les sciences nobles et les langues.
28) Lors de son admission, le candidat exprime
dans quel art ou science il souhaite tre vers ; il doit
se rendre familiers les ouvrages qui vont en ce sens, en
reproduire des passages consquents, montrer ces
derniers son Recipient comme preuve de son
application et les envoyer d'aprs les statuts.
29) Parmi les premires dmonstrations de ses
capacits, il y a les tches que chacun doit traiter,
dcomposer et prsenter au terme de sa priode
probatoire.
30) Lors de son admission, le candidat change
aussi son nom contre un autre, savoir un nom
d'Ordre ; il doit lire, rassembler et noter tout ce qui le
concerne.
31) Puisqu'il doit s'habituer une prudence et
une discrtion particulires, il ne frquentera aucun
membre durant toute sa priode probatoire :
a) Afin de ne pas pouvoir se dissimuler et, par
suite, tre tenu sous observation ;
b) De sorte qu'il prendrait un risque vouloir
causer contre des membres de l'O ; il se rendrait ainsi
coupable d'une trangression des statuts qu'il ne pour-
rait contester.
INTRODUCTION MON APOLOGIE 88
32) C'est aussi pour cette raison, et parce que l'on
ne sait jamais si celui avec qui l'on converse est d'un
grade lev ou infrieur au sein de l'O, qu'il n'est pas
permis de parler aux membres rencontrs du moment
de sa rception, des degrs, des dispenses, ni aux frres
prsums de l'O de la moindre affaire relative celui- ci.
33) Les absents crivent leur Suprieur tous les
14 jours, franco de port ; les assidus rendent visite
leur Suprieur au moins une fois par semaine. Si le
Suprieur a du temps, il partage sa semaine entre ses
attitrs ; il lit, note et conduit les causeries d'instruc-
tion qu'il a avec eux. 34) De ce que le candidat reoit
de son Suprieur, il tire tous les passages ncessaires et
qui se comprennent d'eux-mmes, puis il renvoit ou
restitue chaque fois tous les originaux. Tout ce qui
est cach a plus de charme et dattrait. En outre, les
Suprieurs ont ainsi plus d'occasions de raliser des
observations. L'Ordre se prserve plus srement de
l'infiltration des puissances inopportunes et de la
prsomption nourrie par la curiosit espionne. Les
desseins humains et honntes peuvent tre moins
entravs, et les clats des tyrans et des partisans, plus
facilement touffs.
35) Afin de pourvoir aux diffrentes missions et
pour porter secours aux Frres pauvres, l'O rclame
habituellement de chacun, lors des runions, une
petite contribution proportionne ses moyens
rien de plus.
36) Rien d'autre ne sera pay et, de mme, le
candidat sera rembours si, comme il le peut, il dsire
se retirer avant l'initiation. Du reste, il n'en va pas de
mme en tous lieux, ceci valant en fonction des
besoins et des circonstances. Le candidat s'apercevra
trs vite que, chez nous, il ne peut tre question de
fraude.
LE VRITABLE ILLUMIN 89
37) Vraiment, on y a non seulement les mains
libres, mais elles reoivent encore l'assistance de l'O.
Pour les autres, les contributions seront notes et
reportes des circonstances plus favorables.
38) Cependant, en ce que ces contributions sont
extrmement faibles, puisqu' la diffrence d'autres
associations o le seul fait d'entrer cote 100
Gulden
6
, voire plus, on concevra aisment qu'une
uvre si immense cote de grandes sommes d'argent,
ne serait-ce qu'en frais de port et de voyage ; ainsi
espre-t-on que ces dtails raliser et acquitter ne
soient pas trop accablants du point de vue des Sup-
rieurs et des subordonns.
Chiffre simple l'usage des Nophytes
m - 1 c - 10 s - 18
l - 2 b - 11 t - 19
k - 3 a - 12 u - 20
i - 4 n - 13 v - 21 p. ex. 11.8.17.2.4.13
h - 5 o - 14 z - 22 B E R L I N
g - 6 p - 15 y - 23
f - 7 q - 16 x - 24
e - 8
d - 9
INTRODUCTION MON APOLOGIE 90
III
ILLVMINATI.
1
re
Classe
II. MINERVAUX
Le mdaillon en mtal dor ajour suspendu au
cou des Minervaux par un sautoir vert herbe large de
trois doigts chez les Minervaux dirigeants, ce
dernier est de mme couleur mais un peu plus large,
et se porte en bandoulire, de droite gauche
reprsente une chouette tenant un volume dans ses
serres. Dans ce livre ouvert sont inscrites 4 initiales :
P. M. C. V.. La chouette plane au-dessus des nues,
au centre d'une couronne de laurier. Le Motto signifie :
Per Me Caeci Vident [Par moi les aveugles voient].
Le signe de reconnaissance consiste tenir la main
plat au-dessus des yeux, comme lon a coutume de
faire quand une lumire trop forte nous blouit.
La griffe que l'on fait en serrant la main d'un frre
consiste en trois lgres pressions exerces avec le petit
doigt.
Chaque anne sont communiques deux paroles.
Le nom d'un lieu et celui d'un personnage. On
demande par exemple : O la plus grande lumire
brille-t-elle ? Rponse : Sagunto. Qui la voit le plus
clairement ? Rponse : Hanno.
LE VRITABLE ILLUMIN 91
Formulaire
pour un protocole d'initiation destin aux absents,
candidats avancs qui ont des scrupules tre reus de
la mme faon que les jeunes.
Protocole
pour l'initiation du Frre N<om> dO<rdre>.
Vous constaterez facilement, partir des crits de
l'Ordre qui vous ont t transmis, que ce degr de l'O
est fix, de manire insigne, pour former les jeunes
gens devenir des membres mritants et vous ne serez
donc pas surpris que les Suprieurs clairs aient non
seulement :
1) Arrt pour ces jeunes gens une longue priode
probatoire, mais aussi :
2) Exig d'eux une grande obissance et une
dpendance totale l'O. Car puisque ce dernier prend
chez les jeunes disciples la place des parents et des
professeurs, qu'il leur promet un asile et une direction
vers le bien, il importe l'O d'tre certain que chaque
pas effectu par eux soit conforme aux principes de
notre sainte et troite association. Du reste, il faut
envisager l'entre dans l'O comme un contrat rcipro-
que. En chaque candidat, l'O acquiert seulement un
homme dont il n'est pas encore certain qu'il se desti-
nera entirement nos buts sublimes ; l'imptrant
pntre cependant dans une socit peuple de beau-
coup d'hommes honntes et prouvs : l'O n'a rien de
plus esprer d'un tel ajout qu'un ventuel collabora-
teur assidu ; en revanche, les nouveaux entrants peu-
vent attendre tous les avantages de cette association
solide et tendue. Et comme ces perspectives leur sont
communiques de la manire la plus dsintresse et
que, enfin, toutes les obligations excepte celle
INTRODUCTION MON APOLOGIE 92
d'tre discret s'teignent aussitt s'ils souhaitent en
partir ce qu'ils peuvent faire tout instant
quand l'on exigera d'eux ce qu'ils ne peuvent accom-
plir, il est fort quitable que l'O cherche s'assurer
qu'il n'y ait parmi eux aucun membre incapable ou
destructeur de l'unit du plan d'ensemble. Si les
Suprieurs clairs raccourcissent leur dure de proba-
tion, ils sont de facto admis au sein de notre socit.
Mais rpondez dabord :
1re question : Quel concept vous faites-vous de
cet Ordre ?
2 : Avez-vous pourtant song qu'en vous
imposant des obligations, vous bornerez votre libert
naturelle ?
3 : Avez-vous galement rflchi au fait que
l'O, dans certaines circonstances, exigera de vous la
plus stricte obissance ? Que l'on ne vous rendra pas
toujours compte des raisons pour lesquelles on vous
ordonnera une chose qui pourrait vous tre dsagr-
able ?
4 : Comment ragiriez-vous si vous
rencontriez un jour, au sein de l'O, une personne que
vous avez en aversion ou qui vous est hostile ?
5 : Savez-vous maintenant ce que nous
attendons de vous ? Et qu'en exigez-vous en retour ?
Jusque l, le protocole sera rdig sur des folio
pour tre envoy ensuite l'absent, outre le certificat
du grade de Minerval. L'intress le lira dans le dtail,
remplira les espaces prvus pour ses rponses et
rdigera sur un cahier particulier la formule du
serment, dans la mesure o il souhaite le prter. Puis
il renverra le tout. Si les Suprieurs sont satisfaits, il
lui sera rpondu :
Cette demande est honnte et raisonnable. Je
LE VRITABLE ILLUMIN 93
soussign, mandataire de l'O, vous jure, au nom
de nos Suprieurs clairs, de tous les membres et
de l'O tout entier, protection, justice et
assistance. Nanmoins, l'O ne rpondra jamais
d'un malheur que vous vous attireriez par votre
faute ou pour vous tre targu de la puissance et
des secours de l'O. En outre, je vous assure, une
fois encore au nom de l'O sacr tout entier, que
vous ne trouverez chez nous rien qui aille contre
l'tat, la religion et les bonnes murs. Si vous
tes dsormais rsolu entrer dans notre O,
veuillez recopier ci-aprs le serment joint la
prsente.
Nom d'O de l'Initiantis.
Suite quoi l'on renvoit le protocole du candidat
qui prte son serment et le signe.
Statuts
pour les Minervaux
D'aprs la remarque prliminaire sur les statuts
gnraux de l'O, il est acquis que ce dernier vise en
gnral l'expansion du bonheur mais aussi, en
particulier, le perfectionnement du caractre humain
et l'instillation d'ides plus nobles et plus dignes.
Puisque le perfectionnement de l'entendement et
l'largissement des connaissances en est un moyen
indispensable, ils restent la principale proccupation
de l'O au niveau de cette classe.
Cette dernire, en effet, est en quelque sorte
l'cole laquelle les membres se forment en vue de
donner aux autres les instructions ncessaires, celle o
chacun se voit mettre en main l'auxiliaire qu'il
n'aurait jamais trouv en ne se fiant qu' lui-mme.
D'o sa dnomination. Mais les membres sont soit
INTRODUCTION MON APOLOGIE 94
des apprenants, Minervaux, soit des instructeurs,
Minervaux Illuminati.
Les consignes et les ordres quil sagit en premier
lieu dobserver sont les suivants :
1) L'O, comme cela ressort des statuts, cultive
tous les arts et toutes les sciences, l'exception seule-
ment de la thologie et de la jurisprudence dans leurs
acceptions gnrales. Par consquent, chaque adh-
rent, au cours de son existence, doit rassembler tout
ce qui concerne les sciences et les arts dans lesquels il
s'est reconnu vers lors de son admission, particulire-
ment ce qu'il y a en eux de plus rare et de plus ardu,
et il le prsentera au moins une fois l'an ou plus
souvent si on lui en fait la demande son Recipient
pour preuve de son zle et de son obissance.
2) Chaque membre travaillant est en outre
autoris rclamer des contributions et des moyens
dans sa province pour les sciences et les arts qu'il a
choisis comme principaux objets de son tude. Si l'un
d'entre eux se voit prescrire par le Suprieur de son
cercle une matire vraiment difficile laquelle il a
longuement travaill, et dont il souhaiterait volontiers
livrer quelque chose d'abouti, tous les membres du
district sont obligs de lui communiquer l'ensemble
de ce qu'ils ont dj rassembl sur le sujet, ou bien, au
cas o ils n'auraient rien trouv, de collecter
spcialement ce qui sy rattache et de le lui envoyer
dans le dlai d'un an. Chacun doit donc organiser ses
notes cette fin. La manire de noter est dj
connue.
3) Dans les grandes villes, o se tiennent
davantage de runions, des rgulateurs particuliers et
des listes appropries aux arts et sciences sont
distribus. De mme, les membres sont affects aux
LE VRITABLE ILLUMIN 95
classes particulires d'aprs les sciences et les arts qu'ils
ont choisis ; dans chaque branche sont dispenses des
instructions.
4) L'O collecte aussi des lments sur les biblio-
thques, les matires naturelles, les antiquits, la
diplomatie et tout membre doit s'astreindre en
dcouvrir, pour les destiner un usage gnral.
5) Le Suprieur de chaque localit possde un
Catalogum desideratorum sur lequel est indiqu ce qui
manque l'un ou l'autre, ou ce qui est difficile
fournir, chaque membre tant associ pour sa
recherche et pour le lui procurer. Mais, rciproque-
ment, tout ce qui, parmi les desiderata, est list par les
membres concernant de pareils moyens, sera publi
au sein du district afin de le rendre acqurable par
change, achat ou crdit.
6) Afin d'encourager davantage les membres
travailler et pour rcompenser quelque peu leurs ef-
forts, l'O pose annuellement une ou plusieurs
questions accompagnes de prix : il tient chacun d'y
concourir librement ; cependant, le prix et le lance-
ment sont fixs une fois pour toutes en fonction de la
difficult la tche que la question engendre.
7) Les traits doivent tre rdigs proprement et
remis par chacun son Recipient ou Suprieur de
runion. La livraison en sera ensuite assure par ce
dernier.
8) Les traits, tout comme les autres travaux,
discours et occupations mensuelles de l'O, ainsi que
les lments rassembls autour du Nom d'O, restent
la proprit de ce dernier, de sorte que l'auteur ne
peut jamais les faire imprimer, cependant que l'O en
a le pouvoir, sans prjudice pour son auteur.
9) Puisque il n'est pas possible d'organiser unifor-
INTRODUCTION MON APOLOGIE 96
mment la librairie sur le pied anglais dans toutes les
provinces et, qu'avec cela, les crivains particulire-
ment jeunes ne sattachent pas trop aux libraires, l'O
reprendra ses membres tous les ouvrages utilisables,
les imprimera ses frais et laissera aux membres la
charge de leur usure, souscription et prvente : il faut
entendre par l que les bagatelles, brochures manus-
crites, libelles, etc. en sont exclus et que chaque auteur
se soumet une censure humble et raisonnable. Les
uvres qui exigeraient une censure trop ferme ne
seraient pas acceptes et seraient renvoyes leurs
auteurs.
10) Il a dj t dit que pour allger les dpenses
de l'O, en particulier la coteuse correspondance,
chaque Minerval aura soin de donner tous les mois
une petite somme, ce sur quoi tout le monde tombe
d'accord au vu des circonstances.
11) Si quelqu'un veut accomplir un voyage ou
visiter un pays tranger, il doit en aviser son Sup-
rieur, pour pouvoir profiter des avantages de soutien,
de connaissance, etc. qui sont rservs aux degrs
suprieurs.
12) Si un frre tombe malade, les autres se relayent
pour le consoler, le distraire, lui procurer assistance et
soulagement. Si sa maladie est grave, les crits de l'O
doivent tre rangs en lieu sr et restitus une fois sa
sant recouvre. Si le fr. meurt, les membres lui
tmoignent les derniers honneurs, sa mmoire tant
clbre ensuite par un discours en assemble.
13) Ce qui a t stipul dans les Statuts gnraux
propos du journal, des dolances mensuelles sous
scells, des descriptions de caractres et autres choses
semblables, continue galement tre effectif ce
grade.
LE VRITABLE ILLUMIN 97
14) Parmi les devoirs que chacun doit principale-
ment observer dans ce grade, o il est cherch mener
singulirement de lavant tous ceux qui souhaitent
tre promus, on compte :
a) Le contentement quant sa condition et sa
destine.
b) Une bonne conomie domestique.
c) Le respect et l'amour de ses parents.
d) Le respect l'gard de toute autorit de l'O
comme de l'tat.
e) La vnration et la haute considration des
Anciens.
f) Le respect l'gard de tous les instituts savants,
particulirement les coles, les socits savantes et les
universits ; galement renforcer leur floraison et leur
rputation.
g) La recommandation de frres dignes et connus,
leur dfense contre les mdisances et les diffamateurs.
15) En somme, chacun doit chercher prter
main forte autrui, le mettre en possession des
moyens de la connaissance et en clairer la voie.
16) Dans cette classe, l'O rclame d'tre considr
uniquement en tant que socit savante grce
laquelle l'exemple et l'instruction rendent le cur
meilleur et gouvernent l'intelligence.
17) Donc, lisez assidument, mditez sur ce que
vous avez lu et prfrez ensuite lusage de votre propre
sens un autre qui vous est tranger ; pensez et dites
votre manire ce que d'autres ont pens et dit ;
n'admettez aucune opinion sans en avoir examin
l'origine, l'auteur et la raison d'tre : entranez-vous
ainsi accomplir la tche ; lisez ce qui lve l'me et
meut le cur ; transmettez-le aux autres ; pensez
INTRODUCTION MON APOLOGIE 98
mettre en pratique et utiliser ce qui a t lu et pens.
Avant tout, explorez l'homme, non pas tant partir
des livres que de votre propre fond, en partant de
l'observation des autres et des conclusions tires de
situations similaires touchant ces derniers.
Crmonie dInitiation
Doivent y tre prsents :
Le Suprieur ou un Delegatus en tant qu'Initians.
Le Secrtaire ou un autre Frre en tant qu'Actuarius
[greffier] ;
Le Recipiens du candidat en tant que parrain ;
Le Recipiendus [rcipiendaire] (Initiandus).
L'initiation se droule en soire, volets clos, dans
une pice claire seulement par trois lampes. L'une
delle est couverte d'un verre dpoli et pose sur la
table autour de laquelle sigent les Deputati [dputs].
Le Suprieur Initians porte galement un couvre-chef
vert. Deux autres lampes sont poses quelques pas
de l, sur deux consoles ou autres meubles.
Les prsents sont dcors de leurs bijoux d'O et
aussitt que le Recipiens accompagn du candidat,
pntre dans la maison o se droule la crmonie, le
Suprieur lui dclare ou lit, selon ce que stipule
l'instruction, qu'il a obtenu le droit d'tre initi. Il lui
demande ensuite s'il demande encore srieusement
tre reu dans l'O et, si celui-ci rpond que oui, on lui
retire son pe et on le fait conduire par son Recipiens
dans une pice sombre prive de toute lumire. Le
Recipiens l'y fait asseoir et lui dclare : Rflchissez
ici encore une fois pour savoir si vous restez dtermin
intgrer l'O L-dessus, le Recipiens s'loigne en
abandonnant l'Initiandum ses mditations.
LE VRITABLE ILLUMIN 99
10 15 minutes plus tard, le Suprieur frappe
deux coups distincts ; le Recipiens les rpte contre la
porte de la salle obscure dans laquelle est assis l'Ini-
tiandum, puis y entre pour demander au candidat s'il
a bien rflchi et s'il est encore prt sauter le pas. S'il
a rpondu positivement, le Recipiens, aprs avoir frap-
p deux coups et attendu ceux qui lui sont rpliqus
par le Suprieur, pntre dans la pice d'initiation en
apportant la rponse du candidat, sur quoi l'Initians
dclare : Alors conduisez-le ici ! Le Recipiens fait
s'avancer l'Initiandum et lui dsigne la place qu'il doit
occuper, quelque distance de la table autour de
laquelle sige le reste de l'assemble ; puis l'Initians
portant la coiffe lui pose la question suivante :
I.) quoi aspirez-vous ? N. d'O, pourquoi tre
venu jusqu'ici ?
On laisse d'abord rpondre l'Initiandum, mais on
lui dclare qu'il est de coutume que son Recipiens
qui prend alors la place du parrain au cours de cette
scne rponde pour lui chaque fois, et qu'il devra
toujours exprimer la fin de ces rponses si et dans
quelle mesure il est ou non d'accord.
Recipiens : Membres augustes de l'O illustre. Aprs
la priode probatoire approprie qui s'est coule (si
l'Initiandus en a t dispens, le Recipiens le fait se
rasseoir. N. d'O l'en remercie infiniment) et aprs
mres rflexions, N. d'O rclame son admission et
vous prie de bien vouloir l'accepter si, d'autre part, il
la mrite aux yeux de l'O.
II.) Initians : En vertu de vos aptitudes, qui ont t
rapportes nos minents Suprieurs, et des preuves
requises qui leur ont t transmises, vous avez t
reconnu digne de devenir l'un des ntres. Je vous
souhaite bonne chance ! et je vous exhorte excuter
INTRODUCTION MON APOLOGIE 100
correctement tout ce qui sera exig de vous si vous ne
voulez pas quitter l'O ni perdre les avantages de
l'union fraternelle et manquer toute la finalit de l'O.
Dites-moi, N. d'O, quelle ide vous faitez-vous de
cet O ?
Recipiens : N. d'O sait, d'aprs les statuts et les
entretiens, que le vrai but affich de l'O est l'entraide
fraternelle, l'assistance la Vertu opprime, le perfec-
tionnement du cur et de l'intelligence.
III.) Initians : Cest l une conception juste et vrai
de notre illustre O. Vous appprendrez vous-mmes,
par la conviction, les changes et les communications,
qu'il en est vritablement ainsi ; vous aurez tt fait de
voir par vous-mme que son but n'est ni la puissance,
ni la richesse, ni de commettre des attentats contre
ceux qui dirigent le monde, ni de fomenter la chute
des gouvernements spirituels et temporels. Si c'est de
ce point de vue que vous vous reprsentez l'O, vous
seriez dans l'erreur ; et pour ne pas que vous pntriez
plus avant dans ce Sanctuaire vnrable avec de tels
espoirs tmraires et trompeurs, l'O, si vous le souhai-
tez, vous librera totalement par mon entremise. Vous
n'aurez plus aucune obligation qu'un parfait silence.
Vous tes aussi libre qu'auparavant. Hormis le cas o
il y aurait eu de votre part injure ou trahison, vous
n'avez pas la moindre chose redouter de l'O. Sou-
haitez-vous vous retirer ou persistez-vous dans votre
dcision prcdente ?
Ici, le candidat donne lui-mme sa rponse, cette
dernire tant consigne comme les autres.
IV.) Initians : Avez-vous aussi pleinement rflchi
au fait que vous vous imposez de nouvelles obligations
et que, de cette manire, vous bornez votre libert
naturelle ?
LE VRITABLE ILLUMIN 101
Recipiens : N. d'O a tout bien mdit ; il est
parfaitement matre de sa volont ; il est convaincu
que l'homme est impuissant et quil n'est rien sans le
secours des autres ; que sa totale indpendance lui
serait nuisible ; que l'homme a besoin des autres en
toute situation, dans toute direction et pour tout
secours. C'est pour cette raison que N. d'O est entr
dans cet OIllustre, pour tre apte se lier aux membres
honorables qui en font partie et pour le faire plus
correctement encore grce son introduction aux
grades suprieurs.
V.) Initians : Avez-vous pleinement rflchi au fait
que l'O, dans certaines circonstances, exigera de vous
la plus stricte obissance, que vous devrez vous taire et
obir ses consignes ? Que vous aurez peut-tre
supporter des ordres dsagrables, qui entreront en
conflit avec vos sentiments ?
Recipiens. N. d'O sait que dans toute socit bien
ordonne, il doit exister des suprieurs et des subor-
donns ; il sait qu'en raison des faiblesses de l'individu
et des ncessits de la vie en socit, cela est indispen-
sable. Il s'est d'ores et dj impos silence et obis-
sance en intgrant l'O ; pourquoi ne devrait-il pas
obir aux affaires de l'O dont il est convaincu qu'elles
ne sont que bonnes, qu'elles font l'honneur de
l'homme, et qu'elles ont des vises utiles, tant pour le
tout que pour les membres pris en particulier ?
Si N. d'O devait un jour recevoir un ordre qui,
parce qu'il n'en peroit pas la raison, lui serait moins
agrable, il y obirait cependant, car il sait que ce qui
est dsagrable l'homme n'est pas toujours vraiment
mauvais et que ce qui lui est agrable, n'est pas
ncessairement bon. Il est convaincu que ses sacrifices
n'auront pas tous une cause rationnelle, mais quils
seront faits uniquement pour son bien et celui de l'O.
INTRODUCTION MON APOLOGIE 102
VI.) Initians : Certainement ! N'acceptez jamais
d'ordres qui ne soient profitables, bnfiques et clai-
rants ; s'ils ne tendent au but gnral ou ne conservent
l'ordre et l'activit. Mais, encore une fois, je dois vous
donner hsiter : vous pourrez aussi rencontrer parmi
les membres des personnes dont vous vous mfiez ou
qui, prcisment, pourraient tre vos ennemis ; si vous
tiez anim de cette haine prive, vous pourriez, sans
dsobir aux Suprieurs ni tre parjure l'O tout
entier, devenir pourtant tide et ineffi-cace.
Recipiens : N. d'O dtruira pareilles animosits, il
considrera tous les membres comme des frres ;
chacun, ses yeux, semblera mriter le respect que l'O
estime d tous les membres.
VII.) Initians : Ces explications nous suffisent.
Mais avant de pouvoir vous autoriser une entre plus
large au sein de l'O, je veux encore entendre les
conditions sous lesquelles vous souhaitez y entrer.
prsent, dites-moi : qu'exigez-vous de lO ?
Recipiens : Tandis que N. d'O, par sa soumission,
transfert l'honorable mandataire et, travers lui,
l'O illustre son droit sur lui, il se garantit aussi auprs
de l'O que ce dernier existera pour sa sret et son
plus grand bien, autant que pour le bien de l'en-
semble, qu'il se proccupera de lui et l'aidera pour
tout, en change de quoi il s'engage obir lO,
honorer tous ses membres et employer ses forces au
mieux de ses intrts.
VIII.) Initians. Ce dsir est juste et raisonnable. Je
vous promets (ici, il le nomme par son N. d'O, retire
son couvre-chef et se lve), en ma qualit de manda-
taire de l'O sublime, au nom de nos illustres Sup-
rieurs, de tous les membres de l'O dans sa totalit,
protection, justice et secours. En revanche, l'O ne
LE VRITABLE ILLUMIN 103
prendra jamais sur lui le malheur que vous vous
attireriez par votre faute ou par les coups que vous
auriez ports la puissance et au soutien de l'O. En
outre, je vous assure, une fois encore, que vous ne
rencontrerez jamais chez nous quoique ce soit qui aille
contre la religion, l'tat ou les bonnes murs.
Cependant, ( ce moment l, l'Initiandus est appel
par son N. d'O et on lui pointe une pe sur la
poitrine), si tu devais devenir parjure ou tratre, tous
les membres seraient appels prendre les armes
contre toi. Ne crois pas que tu serais en scurit ; l o
tu fuirais, le dshonneur, les reproches de ton cur,
la vindicte des Frres que tu ne connais pas te pour-
suivraient sans cesse jusque dans ton for intrieur.
(L'pe est ensuite repose sur la table). Si vous
persistez dans votre dcision d'tre reu parmi nous,
prtez le serment suivant : (on fait s'agenouiller l'Ini-
tiandum, main plat sur la tte, et on lui demande de
rpter littralement le serment qui suit. La Bible est
pose ouverte sur la table et ces paroles : Que Dieu
me vienne en aide ! , l'Initiandus tera sa main et
posera trois doigts sur la elle :
Moi, N. d'O, je reconnais devant Dieu Tout
Puissant et devant vous qui incarnez le pouvoir de l'O
illustre au sein duquel j'espre tre admis, que je
connais ma faiblesse et mon impuissance naturelles,
qu'en dpit de tous les privilges dus au rang, aux
honneurs, aux titres et aux biens temporels que je
peux possder dans ma vie civile, je n'en demeure pas
moins un homme comme les autres ; que tout comme
j'ai reu ceci de mon prochain, je puis le reperdre
cause de lui, et qu'ainsi, le secours et l'attention
d'autrui me sont indispensables ; je chercherai par
tous les moyens possibles les mriter. Je ne ferai
INTRODUCTION MON APOLOGIE 104
jamais usage de ma rputation prsente et venir, ni
de ma puissance au dtriment du plus grand bien
gnral, mais pour m'opposer rsolument aux enne-
mis du genre humain et de la socit civile, en fonc-
tion de mes forces et de ma situation. Je promets et je
fais en outre le vu de servir l'humanit en toutes
occasions, de prendre sa dfense avec passion, de
perfectionner mes connaissances et ma volont, et je
veux mettre mes jugements utiles au service du bien
gnral, dans la mesure o cela sera exig de moi pour
le bien-tre et en faveur des statuts de la prsente
socit.
Je promets galement un silence ternel dans une
fidlit et une obissance toute preuve tous les
Suprieurs et rglements de l'O. En ce qui con-cerne
les affaires de l'O, je renonce loyalement mes
intrts privs et mon enttement, autant qu'
l'usage illimit de mes forces et de mes facults. Je
m'engage considrer le plus grand bien de l'O
comme tant le mien propre et je suis prt le servir
aussi longtemps que j'en serai membre, le servir avec
mon sang, mon honneur et mon bien. Si je devais agir
contre le bien de l'O illustre, par prcipitation,
passion ou mchancet, je m'exposerais toutes les
vengeances et chtiments que m'infligeraient mes
Suprieurs.
De plus, je jure vouloir intervenir et conseiller
dans les affaires de l'O selon mes meilleures connais-
sances et ma conscience, en faisant le sacrifice de mon
intrt personnel. Je jure aussi de considrer tous les
amis et ennemis de la Socit comme tant les miens
propres, et de ne pas me venger contre eux, mais de
me comporter leur gard comme me l'imposent les
directives de la socit.
LE VRITABLE ILLUMIN 105
Je ne suis pas moins prt me soucier de son
accroissement et de sa propagation, de toutes les
manires et par tous les biais possibles, et dy em-
ployer toutes mes forces.
cette fin, je me dpartis de toute rserve secrte
et promets tout cela suivant la vraie ide de la socit
qui m'impose ce serment et, comme l'expression le dit :
Que Dieu me vienne en aide !
L-dessus, il appose sa signature sur le procs
verbal et le Suprieur lui dclare :
1) Que pour lheure, il naura pas encore connais-
sance de tous les membres de l'O, mais seulement de
ceux de sa classe qui se runissent sous la direction du
mme chef. Qu'on le mettra nanmoins en possession
des moyens de dcouvrir quelques uns de ceux qu'il
n'a encore jamais vus. (Ici, on lui donne les signes,
attouchements et mots qui sont changs chaque
anne.)
2) Qu'il doit, dans le dlai d'un mois, envoyer une
liste de ses livres honntes et rares ; la forme du
catalogue lui sera communique par son Recipient.
3) Qu'il doit en mme temps esquisser des
rflexions sur les questions suivantes :
a) Quelle finalit escompte-t-il de l'O ?
b) Quels moyens veut-il employer pour parvenir
cette fin dernire ?
c) Que ne souhaite-t-il pas rencontrer au sein de l'O ?
d) Quelles personnes espre-t-il ne pas y croiser ?
L'O voit par l quel point un membre se repr-
sente le systme tout entier et apprend connatre des
gens que l'on recommande trop souvent, sous un
aspect qu'ils n'auraient autrement pas considr en
propre ou qu'ils n'auraient pas su remarquer.
INTRODUCTION MON APOLOGIE 106
Crmonie dIntroduction
Celui qui a pour la premire fois l'autorisation
d'assister une assemble s'appelle un Introducendus.
Le plus jeune des Minervaux est charg de dire,
lors de son entre en runion, qu'un fr.<re> est dans
le vestibule. (Le Parrain ou le Censeur doit cependant
lui dclarer auparavant que celui-ci n'a pas le droit de
prendre part la runion avant qu'on ne vienne le
chercher.) Aussitt que le dernier Minerval a annonc
cela, le Suprieur dpche le fr. Censor pour examiner
s'il s'agit bien d'un vrai frre.
Le Censor fait le signe d'blouissement, sort, rcla-
me au nouvel entrant les mots et le signe, rentre
nouveau aprs avoir frapp les deux coups habituels et
entendu leurs rpliques venant de l'intrieur, et
proclame : Il a prouv par les mots, signes et attou-
chements qu'il est un vrai frre !
Le Suprieur ordonne alors qu'on le laisse entrer ;
et le Censor va le qurir. En entrant, le Censor et
l'Introducendus font le signe d'blouissement, de
mme que les frres prsents, jusqu' ce que le Sup-
rieur y rponde. Ils s'approchent ensuite de la Pyra-
mide, devant laquelle ils s'inclinent, et vont se poster
devant le plateau du Suprieur. Aprs que le Sup-
rieur ait exig les mots et le signe de l'Introducendo, il
lui demande s'il veut accomplir avec fidlit et sans
rserve secrte ce quoi il s'est engag lors de son
initiation. Si sa rponse est affirmative, le Suprieur
l'invite s'agenouiller, poser les trois doigts de sa
main droite sur le cur et rpter ceci :
Je jure devant Dieu, aux Suprieurs et mes
frres bien-aims d'accomplir tout ce dont je me suis
charg lors de mon initiation et ce que j'ai promis par
crit en engageant mon honneur.
LE VRITABLE ILLUMIN 107
Le Suprieur le fait alors se relever, l'embrasse et
demande au fr. Quaestor le sautoir de l'O et son
symbole, qu'il lui met autour du cou, puis il lui
explique que l'on remet ce bijou d'O chaque mem-
bre de cette classe, non comme si l'on cherchait par l
la grandeur et le prestige ou que les fr. voulaient
s'accoutumer aux dcors et aux signes de respect, mais
bien plus afin qu'ils apprennent considrer que seule
la Vertu et la science peuvent donner droit la
noblesse et aux privilges, que les signes extrieurs
sans la valeur intrieure de l'me n'illuminent jamais
une intellligence claire et qu'ils ne doivent jamais
lui ter ni ses souhaits ni ses dsirs. Un vrai sage doit
partout chercher la beaut de l'me, sans prvention
ni adoration servile de la rputation extrieure, et
s'lever au-del des prjugs vulgaires. Le sautoir
auquel est suspendu le symbole de l'O possde une
double signification : il symbolise premirement les
chanes du prjug qui ont li notre entendement
depuis notre jeunesse et, deuximement, l'attache-
ment de liens amicaux et grgaires par lesquels le
fanatisme est d'autant plus aisment dtruit que les
forces sont unies ou grce auxquelles on peut, soi-
mme et les autres, conqurir une hauteur spirituelle
o l'on ne fait que rarement un seul homme. Ltre
humain abandonn lui-mme n'a pas assez de puis-
sance ni de forces pour raliser cet uvre, il prouve
chaque occasion la ncessit de sunir aux autres et
d'une entraide sociale o lui-mme n'est pas indis-
pensable. L'oiseau de Minerve, allgorie de la Sagesse
et de la recherche nocturne, doit nous rappeler au
travail et l'action sans lesquels on ne peut rien faire
de grand. Mme un sage pourrait la dshonorer : aussi
doit-il s'examiner, quand il porte ce symbole, afin de
INTRODUCTION MON APOLOGIE 108
voir s'il n'a commis aucune action qui le rendrait
indigne delle, de cette union. Pour que chacun puisse
s'examiner tout instant, on ne laissera pas entrer
tous les fr. en mme temps, mais l'un aprs l'autre.
Aprs quoi le Suprieur prononcera une phrase,
soit en improvisant, soit celle qu'il aura crite avant,
et le Censor lui dsignera sa place.
Statuts et crmonies
pour lassemble des Minervaux
Les jours de runion sont dtermins par le
calendrier. Des assembles extraordinaires sont fixes
(commandes) par ordre des Suprieurs ou selon les
circonstances. Le temps et les conditions des runions
dpendent de la disposition des locaux. Le Suprieur
le fait annoncer autant de Frres que ncessaire. Si
le nombre de membres devient trop consquent dans
un lieu donn, on organise davantage de runions
sous le mme commandement, ou sous un autre. Le
lieu de runion doit tre protg par un vestibule
verrouill. Cest par lui que lon accde la salle
dassemble ; les autres issues devront tre condam-
nes et gardes contre les indiscrets. Dans la salle sont
poses trois petites tables ; lune est situe en hauteur,
l o le Suprieur et les invits sigent, lgrement en
retrait ; la deuxime est situe plus bas avec une
chandelle et sert au lecteur attitr ; la troisime est
installe quelque distance sur le ct de celle du
Suprieur ; on y met une bougie de cire : cest elle
que prennent place les officiers de Chancellerie. Sur
la table du Suprieur se trouve la lampe blanche
abat-jour ; aux pieds de son plataeu est adosse une
reprsentation de Pallas et, de part et dautre de
celle-ci sont disposes les deux lampes verres colors.
LE VRITABLE ILLUMIN 109
De cette table aux autres, qui sont installes en contre-
bas, se trouvent les siges o les membres prendront
place. Au centre se trouve la pyramide. droite du
Suprieur qui prside, on aura mis une chaise vide. Au
dbut, la pice nest claire que par trois lampes. Les
membres se runissent dans le vestibule ou dans une
autre salle, en attendant que le Suprieur les appelle
lun aprs lautre par le signal. Si le Suprieur nest pas
dj dans la salle de runion, il annonce aux prsents :
Chers Fr., lheure de nos travaux est venue. L-
dessus, il rentre, tte couverte, et revt son bijou dO.
Cependant, sil est dj dans la salle de runion, il
donne un signal par deux coups et le Censor annonce :
Chers Fr., le travail nous appelle ! Aprs deux
coups auxquels il doit tre rpondu par le Suprieur,
il entre tte dcouverte, sincline devant la pyramide
et fait le signe dblouissement au Suprieur qui ne se
dcouvre pas et reste assis ; il se dirige ensuite vers sa
place, droite du Suprieur o il occupe la premire
chaise du rang, et met son bijou dO. De mme, le
Cancellarius ou, dfaut, le Quaestor vient sa suite
au signal des deux coups, lesquels doivent toujours
tre rpts lextrieur et rpliqus de lintrieur. Le
Cancellarius sassoit sa place, le Quaestor, en-haut
gauche sur la premire chaise. Puis le Secretarius entre
et va prendre place la table de Chancellerie ; les
autres membres entrent ensuite un par un, en com-
menant par le plus ancien initi. Le dernier verrouille
la porte. Quand il est procd une intronisation,
cest le Censor qui sen charge. Les coups sont pro-
duits laide dune cl.
Une fois tout cela effectu, lintroduction peut
avoir lieu. Quand tout le monde est assis et fait
silence, le Vnrable se lve, salut les prsents en tant
INTRODUCTION MON APOLOGIE 110
son couvre-chef, le faisant passer du visage la poi-
trine, puis se recouvre la tte, se rasseoit et dit : Cher
fr. Censor, lassemble est-elle couvert ? Le Censor
fait une rvrence et le signe dblouissement, exa-
mine et vrifie la serrure de la porte, puis revient sur
ses pas, fait le signe, une rvrence et dit : Illustre
Suprieur, lassemble est couvert.
Le Suprieur : Cher fr. Censor, il ne suffit pas
quelle le soit ; commencez votre office : voyez si
aucun fils des Tnbres nest prsent parmi nous.
loignez tous les profanes.
Le Censor savance, sincline, fait le signe dblouis-
sement et dit : Fr. Quaestor, donnez-moi les mots
de passe. Le Quaestor sexcute et tous les autres
suivent en donnant au Censor, qui va de lun lautre
pour se les faire dire loreille et voix basse. Ces
mots sont : , ,
7
Une fois cela vrifi, le Censor annonce, avec le
crmonial habituel : Illustre Suprieur, il ny a dans
cette assemble aucun fils des tnbres. L-dessus, le
Censor donne galement les mots de passe au Sup-
rieur qui les reoit debout et tte dcouverte. Si le cas
doit nanmoins se prsenter que quelquun ne puisse
donner les mots de passe, le Censor, au lieu des paroles
ci-dessus, dira : Illustre Suprieur, il y a parmi nous
un fils des tnbres. Le Suprieur rpondra alors : Nous
ne le reconnatrons pas tant quil ne se fera pas
reconnatre de nous ; rclamez-lui une nouvelle fois
les mots et corrigez-le. Le Censor sexcutera et lui
imposera comme amende pour sa dfaillance lqui-
valent dun mois de cotisation. Sil ne peut toujours
LE VRITABLE ILLUMIN 111
pas donner la formule, tous les prsents scrieront :
, ,
8
. ces mots, le dfaillant
sera contraint de quitter la runion sance tenante.
Une contribution prleve sur la caisse des ncessiteux
pourra lui tre rendue, avec laccord du Suprieur, au
cours de la mme runion. Une fois que tout cela est
effectu, le Suprieur frappe les deux coups habituels,
retire son chapeau de la faon indique plus haut, et
aprs stre recouvert la tte, proclame en tant labat-
jour de la lampe : Chers fr., qui parmi vous peut voir
la Lumire ? Tous les fr. font le signe dblouis-
sement jusqu ce que la lampe soit recouverte par
labat-jour.
Le Suprieur : Vous voulez voir la Lumire, mais
vos yeux sont faibles. Celui qui veut voir la Lumire
doit avoir le cur pur ; pure doit tre sa raison, pures
ses penses, ses mots et ses actions. Quil observe nos
prceptes sacrs. Cher frre Censor, navez-vous
aucune plainte formuler contre les frres prsents ?
Sont-ils purs en penses, mots et actions ?
Le Censor : Illustre Suprieur, si je dois diriger les
autres, suis-je pour autant pur en penses, mots et
actions leurs yeux ? Si alors le Suprieur a une
plainte formuler contre le Censor, il lui donne le
cahier de dolances portant le titre : Amliore-toi et
change. Si au contraire il na aucune plainte, il dit : Je
te trouve honnte ; est-ce nanmoins le cas des autres
fr. ? Sur quoi le Suprieur frappe ses deux coups et
interpelle le Quaestor : Cher fr. Quaestor, si les Fr.
ont le cur pur, assurez-vous quils aient piti des
frres pauvres. Alors le Quaestor se lve, prend le
tronc aumnes et la prsente avec une rvrence au
Suprieur en disant : Ayez piti des fr. pauvres ! Il
doit toujours tenir son chapeau devant louverture de
INTRODUCTION MON APOLOGIE 112
la bote afin que nul ne puisse voir ce que chacun y
verse, puis il fait le tour du rang. Il dpend du gr de
chacun de donner ce quil veut. Mais il doit donner
quelque chose. Il est bon de souligner quen assem-
ble, chacun est nomm par son Nom dO ou par son
titre de charge. Pendant que le Quaestor fait ainsi le
tour, les deux chandelles sont allumes, et une fois
accomplie cette uvre de charit par lassemble, le
Suprieur, par deux coups, donne le signal douver-
ture de la runion. Quand personne nest expres-
sment dsign pour le faire, le plus jeune fr. donne
lecture dune ode pour llvation de lme.
Ode la Sagesse
9
Enfin chuinte le fidle oiseau nocturne
prsent quil fait nuit
Aux tourelles dsertes
O, certes, jusqu la fin du jour,
Il sommeille, philosophe solitaire,
Dans les ruines, le lierre et la crainte.
La voix solennelle fait appel,
veille, hle les environs,
Lair vide lui rendant ses chos.
Je lentends, je tai entendue
Aime de Minerve, me convoquant
Au trne de la Sagesse.
Elle aime le calme de la nuit frache ;
Quand rit la ple face de la Lune,
Nul appart ne trompe.
Lobscurit de la folie
Porte lhabit brillant du soleil
Et sa robe colore.
LE VRITABLE ILLUMIN 113
Pallas, desse des Arts,
Source de mes joies dont la grce
Nous rend gais et meilleurs ;
Toi, dune sublime beaut,
Vnre autant quadore,
Tu domptes les mortels !
Lme silencieuse, je vole vers Toi,
Tandis que ta poitrine offerte
Nexprime aucune passion ;
Le souhait vain des insenss fuit
Mon cur qui te prte allgeance,
Et respire lair meilleur.
Que mon vu au pied de Ton Trne
Ne soit pas la gloire paonesque
La pompe du bonheur, la couronne
De Cythre. Que ce jeu de dupes
Soit le salaire des mes trompeuses
Pour leur fiert, leur vanit, leur avarice.
Toi qui donne les plus grands biens,
Ma favorite, aim par Toi,
Pour tre beau, par Junon.
Rien nest riche comme un dsir combl
Rien nest fort comme dans ma poitrine
Sauf le Seigneur au-dessus de moi.
Quand lclat du bonheur se ternit
Les roses de notre envie se fanent
Peut-tre peine closes ;
Car lImmortelle se rit de nous ;
INTRODUCTION MON APOLOGIE 114
Ton laurier en dpit du temps
Toujours fleurissant, vert.
Sous Ta protection je mprise
Les mots de la stupide insulte
Que me fait linsens ;
Son gras sarcasme ne matteint pas
Ni le ton fin de la malice
Qui me dcoche de faux traits.
Je fuis vers Toi, avec gaiet,
Les tourments de notre plerinage
Envie, tapages, peines, luttes
la paisible halte nocturne
O flotte la sainte ombre de Platon
ternellement belle, comme Toi.
Jentends le flux de lIllisus
10
Fumant me dire ce qui est bon
Beau et accompli.
La sage bouche guidait Athnes,
Le jeune homme lcoutait, ravi,
Plein dune crainte respectueuse.
Elle lui donnait les solides vrits
Brisait sa libert sauvage,
Il la sentait uvrer ;
Le bruit des passions se taisait,
Le got de Vertu dominait
Dune force caressante.
LE VRITABLE ILLUMIN 115
Elle me guide dans le labyrinthe
De la vie, o par lerreur aveugle
Ma raison se disperse ;
Quand pour moi elle dissipe le Mal,
Et me mne par toutes les tnbres
Au bonheur et au bien.
son regard pers lphmre
Lombre de bonheur du fou fuit,
Visage trop color :
Elle voit, malgr son dguisement,
Que tout, tout nest que vanit
Excepte la Vertu.
Aprs avoir donn lecture de cette ode, celui qui
en tait charg retourne sa place. Sur ce, le Chance-
lier ou le Secrtaire publie les ordres, missions, de-
mandes, etc. Aprs cela, on donne lecture des Statuts,
savoir dabord les gnraux puis ceux du grade ;
parfois aussi, seulement ceux-ci ou ceux-l, selon les
circonstances.
Puis le Suprieur dclare : Les prceptes de nos
sages fondateurs nous unissent, chers fr., pour rendre
notre esprit meilleur et lclairer lors de nos assem-
bles. Alors, coutez dabord les enseignements de la
Sagesse que jai fait miens, puis dites-moi avec quelle
nourriture vous sustentez votre esprit. L-dessus, le
Suprieur lit un quelconque beau passage tir de la
Bible, ou bien encore de Snque pictte, Marc-
Aurle, Confucius, etc. Cet extrait doit tre choisi en
correspondance avec les vices enracins quil convient
de transformer. Une fois cette lecture faite, le
Suprieur dit : Je vous ai nourri et moi avec
INTRODUCTION MON APOLOGIE 116
de lEsprit des Anciens, de la Bible. Ny a-t-il person-
ne parmi vous qui souhaite nous instruire de son
propre travail ? Sur quoi les fr. donnent lecture des
travaux quils ont eux-mmes accomplis, ou de ceux
qui ont t envoys par dautres. Ensuite, chacun se
lve lun aprs lautre aux deux coups du Suprieur et
se voit interrog comme suit :
1) Quel livre lit-il ?
2) Quest-ce quil a lu dans lintervalle ?
3) En particulier, qua-t-il dcouvert de clairement
profitable ?
4) Quels travaux a-t-il accomplis pour lOrdre ?
Puis, le confrencier dsign pour ce jour de
runion lit un discours ou un trait qui doit tre
dordre pratique et ne pas consister en loges. Lors de
certains jours de fte, cest le Suprieur lui-mme qui
prononce le discours. Il aura soin, en gnral, de
choisir un petit texte lire souvent avant de clturer
la runion. Quand tout cela est fait, le Suprieur
frappe les deux coups habituels et dit : Chers fr., il
fait clair dans mes yeux et dans mon esprit ; pouvez-
vous aussi voir la Lumire ? Sur quoi il te labat-
jour de la lampe. Les Fr. se lvent, la considrent un
instant et font tous avec le Censor, exception faite du
Suprieur, le signe dblouissement, quand celui-ci
leur dit : Vos yeux voient plus clairement, votre
esprit est plus joyeux ; vous avez fait un pas de plus en
direction de la Lumire ; mais vous navez pas encore
dissip en vous toutes les tnbres et toute timidit.
Allez, et prparez-vous encore au Grand Jour de la
Lumire !
L-dessus, il souffle la lampe, se lve, salue les fr.
tte dcouverte et ajoute : Frre Censor, instruisez-
nous dune maxime. Le Censor en dit une, aprs
LE VRITABLE ILLUMIN 117
quoi le Suprieur signe le procs-verbal et le met sous
scells avec les autres documents. Ainsi se conclut la
runion ; les membres peuvent ensuite se rjouir
autour dagapes, dans la mme maison ou ailleurs.
Mais il faut ici remarquer :
1) Quelles ne seront pas payes sur la caisse.
2) Que lon ne pourra consommer ni plats de
viandes ni bire, mais seulement des fruits, du pain et
du vin que lon aura nanmoins coup deau.
3) Que la mesure et la moralit la plus stricte
doivent y rgner.
A) La peinture accroche au-dessus du sige du
Suprieur doit reprsenter loiseau de Minerve
monte sur la tte de mduse, avec un casque, un
bouclier et des lances.
B) Cest le symbole du tapis couch au sol, sur
lequel une pyramide est peinte.
INTRODUCTION MON APOLOGIE 118
Gravure de Pierre-Philippe Choffard (1730-1809) tire du
Jugemen de Pris de Barthlmy Imbert.
(Amsterdam, Paris, 1772)
CALENDARIUM
Lanne de notre chronologie commence aprs le
21 mars. Les jours restants sont reports sur notre
mois suivant.
Le 1
er
mois, Pharavardin
11
, du 21 mars la fin
avril, est de 41 jours. Ses jours de fte sont a) le
premier jour du mois, soit le 21 mars et b) chaque
nouvelle lune.
Le 2
e
, Adarpahascht, mai. Sont sacrs a) chaque
nouvelle lune, b) le 7
e
jour.
Le 3
e
, Chardad, juin. Sont sacrs a) chaque
nouvelle lune, b) le 24
e
jour.
Le 4
e
, Tirmeh, juillet. Chaque nouvelle lune
y est sacre.
Le 5
e
, Merdedmeh, aot. Comme au-dessus.
Le 6
e
, Schaharimeh, sept.. Sont sacrs a) chaque
nouvelle lune, b) le 28
e
jour.
Le 7
e
, Meharmeh, oct.. Chaque nouvelle lune
y est sacre.
Le 8
e
, Abenmeh, nov.. Comme au-dessus.
Le 9
e
, Adarmeh, dc.. Jours sacrs a) chaque
nouvelle lune, b) le 21
e
et le 27
e
jours.
Le 10
e
, Dimeh, janvier. Jours sacrs a) le
premier, b) chaque nouvelle lune.
Le 11
e
, Benmeh, fvrier. Chaque nouvelle
lune y est sacre.
Le 12
e
, Asphandar, mars. Ne comporte que
20 jours. Sont sacrs chaque nouvelle lune et le
dernier jour ou Jour de lquilibre entre le Jour et la
Nuit.
Les jours sacrs dsignent par excellence ceux
auxquels sont consacrs les petites et grandes assem-
INTRODUCTION MON APOLOGIE 120
bles de lO, et ceux destins aux travaux des fr. Pour
lO. La chronologie elle-mme, ainsi que lexpression
Jezdegerd
12
sont tirs dune poque remarquable de
lO. On crit ainsi par exemple, au dbut du prin-
temps de lanne du Seigneur 700 : 70 Jezdegerd. La
chronologie authentique et originelle remonte incom-
parablement plus loin, comme cela sera dmontr en
son temps.
Remarque
Quand le dbut du printemps tombe plus tt ou
plus tard que le 21 mars, on commence compter
lanne au jour o le Soleil entre en conjonction avec
le signe du blier, et lon rattache les jours qui restent
au premier de nos mois.
Le 29 Pharavardin 1153 correspond au 18 avril 1783.
700
Dont on retranche 70
630
Plus 1153 ce qui donne
1783
LE VRITABLE ILLUMIN 121
IV
ILLUMINATI
2
e
Classe
I. Le Petit Illumin
(Illuminatus minor)
Instruction
pour les Suprieurs des Petits Illumins
Il est dj acquis de ce qui prcde, que lon doit
attendre de ce grade la premire instruction en vue de
la formation et de la conduite des Minervaux, que la
grande majorit de ces derniers doivent avoir reue
ce grade. Cest l que commence proprement parler
la formation initiale. Par consquent, si un Suprieur
souhaite prsenter quelquun au Suprieur direct, il
faut quil soit, parmi les Minervaux dirigeants, le
meilleur, le plus zl et le plus travailleur. Aprs en
avoir reu lautorisation, il fixe un jour pour la
rception. ce propos, il convient de souligner :
1) Que le nouvel admissible ne doit pas savoir
quil est propos un avancement.
2) Quon se runira comme lors dune assemble
de magistrats.
3) Quun dput sera pralablement nomm,
lequel devra tablir le rapport suivant (annexe A).
INTRODUCTION MON APOLOGIE 122
4) Quune chaise restera vide quelques pas aux
cts du Suprieur.
Cependant, cette runion est extraordinaire et
rserve aux rceptions ; elle nest pas frquente.
Les assembles ordinaires se tiennent galement
tous les mois, un jour dtermin par les Suprieurs.
Le discours de rception consiste ici en un texte
portant sur des passages obscurs et encore travailler,
partir duquel les Minervaux de cette classe pro-
duisent des commentaires et des discours pratiques ;
le thme est donn par le Suprieur ; chaque ru-
nion, un discours de ce type doit tre lu.
Puisque lobjectif final de cette classe est de former
des gens conduire et guider les Minervaux vers
lesprit et les principes de lOrdre, il faut :
1) Que chaque Illuminatus minor puisse prendre
en charge deux ou, selon ses dispositions et le bon gr
du Suprieur, trois voire quatre Minervaux, en
suivant les consignes et les ordres du Suprieur ; quil
puisse dautre part choisir aussi ceux pour lesquels il
est le plus apte de tous.
2) Quil inculque tous ses candidats les principes
contenus dans ce grade, quil les forme en ce sens et
quil y consacre tous ses soins. Ils doivent devenir son
propre objet dtude attentive ; par eux, il sexercera
connatre les hommes.
3) Quil aille leur rendre visite quotidiennement
ou que ceux-ci viennent le voir. Il doit tre attentif
toutes leurs inclinations, paroles, gestes, dfauts et
vertus.
4) Que lors des assembles, il lise les observations
quil a faites durant le mois coul ; quil indique
comment il lui a appliqu les prceptes souligns ici,
quelles consquences en rsultent et comment il
pourra les employer, ce quil y faudra changer, etc.
LE VRITABLE ILLUMIN 123
Ces observations ne doivent pas tres menes la
lgre et avec relchement, lattention devant au
contraire tre dirige sur les plus fines subtilits. Il
serait inacceptable que quelquun recourt une
chappatoire quand il naurait rien remarqu de plus
durant le mois en cours : car puisque tout homme
doit parler et agir durant tout un mois, ne rien
pouvoir produire trahirait ouvertement la paresse de
lobservateur et le Suprieur ne saurait tolrer pareille
ngligence. Chacun doit ramener avec lui ses
observations et les conserver pour un usage futur.
5) Que si quelquun a un doute quant la manire
dont il doit procder avec son subordonn, il puisse
requrir lopinion des autres membres et quil parle
ensuite de toutes celles quil sest forges.
Aprs avoir accompli ce travail, on le couche sur
la papier et on le met en ordre dans le tableau dress
par les Minervaux magistrats ; on laura mis au propre
et expdi au Suprieur direct. Ce ne peut pas tre un
Minerval qui naurait t mandat pour linstruction
dun Illumin ou que lon naurait que partiellement
intgr cette assemble.
Le Suprieur note dans son compte-rendu tabli
pour son Suprieur direct, dans quelle mesure les
Illuminati minores ont mis en uvre leurs instructions.
Entrent ici aussi en jeu les petites choses moins
importantes concernant la classe des Minervaux ; elles
seront consignes et expdies. Et puisque le Sup-
rieur participe toutes les runions de Minervaux et
dIllumins quand elles se droulent dans le mme
lieu, cest lui qui sera le rfrant ordinaire de son
assemble : mais toute assemble de Minervaux o
celui-ci fera dfaut se verra dsigner un autre rfrent.
INTRODUCTION MON APOLOGIE 124
Hormis linstruction qui suit (annexe D) et celle
pro recipiendibus, les Illuminati minores ne conservent
rien par-devers eux. Cependant, tout un chacun peut,
aussi souvent quil le souhaite en salle de runion, lire
en compagnie de son Suprieur les annexes A, B et C,
mais jamais il nen emportera chez lui le moindre
exemplaire.
Puisque dans cette classe commence la formation
fondamentale, le Suprieur ne pourra jamais assez
inculquer tous les prsents la plus grande rectitude
et la plus grande ponctualit vis--vis de leurs subor-
donns. Ici, une indulgence et une bont trop
grandes, voire prcisment la ngligence et la paresse,
seraient un crime dont linfluence aurait des cons-
quences dsastreuses, tant sur les grades infrieurs que
suprieurs. Aussi, la plus extrme vigilance est de
rigueur lgard du troupeau qui nous est soumis et
confi. Par consquent, cest au Suprieur et lui seul
de faire le plus correctement possible les tableaux
concernant les membres de cette classe et dy noter
soigneusement comment se comportent ses gens dans
lducation selon les rgles dictes. Pourtant, ne
croyez pas que le Suprieur, qui mne des hommes et
les forme durablement, puisse avec cela suivre toutes
leurs lenteurs. Les hommes sont duqus par des
encouragements continuels, raisonnables, donns au
moment opportun, par de bons exemples et une
attention persvrante. Lil du berger fait prosprer
le troupeau, et la prvoyance dhommes bons,
vigilants et infatigables produit des hommes bons.
Alors si vous voulez rcolter, cultivez votre champ,
prenez soin de lui et patientez jusquau temps des
moissons et de votre rcompense.
LE VRITABLE ILLUMIN 125
Annexe A
Allocution pour ladmission dun
Illuminati minoris
Il a dj t dit prcdemment quun Dput
prsente le candidat son insu, afin de demander son
avancement.
Le Dput : Illustre Suprieur, jai une communi-
cation vous faire.
Le Suprieur : Sur quoi porte-t-elle ?
Dp. : Un membre de notre illustre O, de la classe
des Minervaux, dsire tre promu.
Sup. : tre promu dites-vous ? Cela dpend de lui,
de ce quil a ou non accompli ce quexige son
avancement : les renseignements qui mont t
transmis moi ainsi quaux autres Suprieurs
nindiquent pas quil se soit suffisamment distingu
pour rclamer son admission dans la classe des
Illumins.
Dp. : Cest dj un homme expriment, chez qui
cette inquite attention est trs prsente.
Sup. : Il peut avoir beaucoup vcu, mais ce dont il
a besoin pour atteindre notre fin, il ne la pas vcu : il
peut avoir vu tout ce quil voudra dans le monde ;
aussi le considrons-nous, du pointde vue de notre
but, comme quelquun qui a besoin de notre direction
et de notre conduite. Il peut avoir vcu normment
de bonnes choses, mais aussi des mauvaises. Celui qui
sen est port garant ne doit pas se sparer de lui.
Lexprience du monde est bnfique, mais elle nest
pas encore lexprience vcue au sein de lOrdre.
Chaque situation requiert des instructions et des con-
signes spcifiques ; celui qui ne se soumet pas notre
doctrine na aucune valeur nos yeux.
INTRODUCTION MON APOLOGIE 126
Dp. : Il na pas seulement lexprience du monde :
il est aussi Maon et, par consquent, il possde une
certaine connaissance des coles secrtes de sagesse.
Sup. : Si tel est le cas, il aura galement appris que
ceux-ci promettent souvent beaucoup mais tiennent
peu leurs promesses. Pourtant, a-t-il dj t satisfait
par la franc-maonnerie ou par une autre socit
secrte ? Pourquoi ny est-il pas rest ? Que vient-il
chercher parmi nous ?
Dp. : Une meilleure instruction ; mais il croit que
nous pourrions peut-tre aussi tenir nos promesses.
Sup. : Ce sont l les paroles dun homme qui a
souvent t abus dans ses grandes esprances. Peut-il
nanmoins nous juger de mme avant davoir con-
naissance de la fin dernire ?
Dp. : Il ne peroit encore chez nous aucun signe
distinctif de limportance de la tche. Il souhaite en
avoir des preuves.
Sup. : Nous ne lui en donnerons pas, nous ne lui
promettons rien et cela doit dj constituer une preu-
ve pour les gens perspicaces. Il nous faudrait trahir ce
que nous devons soigneusement taire si nous voulions
le convaincre avant le temps de la grandeur de notre
institution. Sil na pas foi en notre probit ni en notre
sagesse, quil pense ce quil voudra. Est-il trop inquiet
pour patienter jusquau rsultat ? Ne veut-il rien
accomplir pour acclrer le dveloppement de lOrdre ?
Quil reste alors o il est et quil nous juge comme il
lui plaira. Nos fondations ont t coules de telle sorte
que la prvoyance soucieuse et la formation de nos
frres seraient risibles si elles ntaient le prlude de
grandes choses. Il nous est gal davoir beaucoup ou
peu dinitis. Nous ne prions personne de rester par-
mi nous. Nous navons que faire de largent ou de la
LE VRITABLE ILLUMIN 127
puissance et de la renomme. Tous les hommes qui ne
sont pas forms nos desseins ne nous sont daucune
utilit. Sil dit tout cela de nous, quil sen tienne au
but qui lui a t expos dans les Statuts gnraux de
lOrdre. Sil ne croit pas que tout ce que nous faisons
conduit ce but, quil sorte.
Dp. : Mais de cette manire, nous gagnerons bien
peu de membres...
Sup. : Nous nen voulons ni nen cherchons
plthore. LO ne consiste pas dans la quantit. Un
seul homme se conformant nos perspectives a plus
de valeur que mille personnes agissant de leur propre
chef, et un seul qui ne se comporte pas selon les
Statuts peut, par son mauvais exemple, entraver et
dtruire lOrdre tout entier.
Dp. : Cependant, comment pourrait-on attein-
dre de grands desseins sans un grand nombre dex-
cutants ?
Sup. : Ce quoi nous aspirons ne sera pas accom-
pli par le nombre. Le travail est meilleur quand il est
effectu sur plusieurs sicles, avec une marche assure,
que lorsquun faux-pas dtruit le travail de plusieurs
centaines dannes.
Dp. : Lon ne voit encore nulle part le fruit de
notre travail. Illustre Suprieur, ce ne sont pas l mes
doutes : je parle au nom dun autre.
Sup. : Peut-tre que le fruit de notre travail con-
siste en ce que le monde ne soit pas encore plus
mauvais. Celui qui souhaite tout faire dun seul coup
ne fait rien. Les grandes transformations sont provo-
ques par dinfimes prparatifs. Ce que nous accom-
plissons doit tre prenne. Le temps lui appartient.
Aussi longtemps que vous ignorerez cela, vous ne
serez pas encore lhomme qui doit dsirer davantage.
INTRODUCTION MON APOLOGIE 128
De quelle aide peuvent tre les expriences pour un
homme qui na encore rien vcu ? Les fruits ne sont
jamais donns trop tard quand ils doivent durer.
Dp. : Mais personne nentend parler de notre ligue.
Sup. : Il ne le faut pas non plus. Une partie de
notre force rside dans notre dissimulation. Et tout
prendre, on ne nous connat que trop et nous avons
t suffisamment infiltrs.
Dp. : Cette dissimulation veille chez mon ami le
soupon que lO serait une chose nouvelle.
Sup. : Il est galement en droit de le penser ; il peut
mme croire que nous lavons nous-mmes fond.
Celui qui vient chez nous par amour de lAntiquit,
mais qui ne senchane pas au bien de la cause, nest
pas le bienvenu. Puisque, de toute faon, nous ne
pouvons lui donner pour le moment aucune explica-
tion ce sujet, chacun ne pourrait-il pas se considrer
lui-mme comme fondateur de cette socit ? Puisse-
t-il se voir comme le premier bienfaiteur de lhuma-
nit ! Il y a plus de grandeur planter un arbre pour
la postrit quand on ne peut plus se reposer soi-
mme son ombre, que de jouir des fruits de nos
grands-parents sans continuer planter. Ce nest pas
parce quil remonte lAntiquit que notre O Illustre
est bon. Il a encore produit bien peu de choses par
rapport ce quil reste faire. Mais votre candidat
semble craindre le travail : il sassirait volontiers la
table dresse pour jouir du travail des autres.
Dp. : Ce nest pas ce que je souhaite. Mais il
dsespre de progresser au sein de lOrdre si lon ny
emploie que des hommes parfaits.
Sup. : En ce cas, nous serions morts depuis long-
temps. Nous restons toujours des hommes ; et
beaucoup de faiblesses subsistent sans doute encore en
LE VRITABLE ILLUMIN 129
nous. Nous sommes contents quand, avec le temps,
les dfauts diminuent. Mais nous pouvons aussi tre
fiers de ce que notre alliance se maintienne aussi pure
que peut ltre une institution humaine. Sil a
dcouvert parmi nous des hommes immoraux, ce
nest certainement que dans les grades infrieurs, l o
lon doit prendre le risque de ce qui peut advenir des
personnes et, si ces dernires chouent, on peut les
exclure sans toujours faire preuve de discernement.
Mais elle ne pourront jamais nuire lO, et mme
avec toute la puissance et les richesses du monde, il
leur serait impossible de slever parmi nous. Plus les
degrs sont levs, plus purs et clairs sont nos
membres, mais galement plus rares. Au plus haut
grade, ils ne vivent plus que pour la perptuation ; les
Mystres crs sont certainement utiles trs peu
dhommes. Pour les atteindre, lhomme doit passer
par toutes les formes de purification. Et lon nous dit :
Ce serait une joie alcyonnienne que de trouver un
tel tre humain, et lon verrait dabord de quelle
lvation la nature humaine est capable.
Dp. : Mais combien faut-il de temps pour y
parvenir ? La vie est presque trop courte pour cela.
Sup. : Autant que lon en a besoin pour se purifier
des scories : certains mettent plus longtemps, dautre
moins. Il dpend de chacun dy mettre la main, qui
de bonne heure, qui avec assiduit ; on peut dire que
chacun progresse par luimme. LO ne peut que
donner les indications pour ce faire. Sil ne les suit
pas, sil nest pas attentif tout, il laissera fuire distrai-
tement les occasions, il se verra lui-mme dans une
trop haute lumire, souponnera trop peu ses dfauts,
ne cherchera pas les amliorer, il touffera en lui les
reprsentations et inclinations que lO tente dveiller
chez lui.
INTRODUCTION MON APOLOGIE 130
Alors, il pourra simputer lui-mme, et non
lO, la responsabilit de sa rgression, de son obscur-
cissement ou de son dpart sans avoir atteint le but.
Cest l notre manire de procder, et ce nest pas tant
nous qui lavons tablie que le Crateur, en la fondant
sur la nature des choses. Nous avons les mains lies.
Mais tout en agissant, nous utilisons tous ceux qui
nous enseignent vritablement la sagesse, et quicon-
que natteint pas chez nous la fin natteindra jamais
autrement le vrai but. Voici cependant une remarque
pour le faible : si malgr toute son honnte applica-
tion il natteint pas le but, pas un de ses travaux ne
recevra de rcompense. Chaque grade possde une
instruction substantielle. Tous les membres peuvent
concourir la perfection du Tout ; chacun de nos pas
nous rapproche de la perfection, de llvation ; cha-
que grade donne de nouvelles perspectives, un nou-
veau point de vue pour des activits dignes dun
homme raisonnable. Chacune de ces activits est une
composante essentielle de notre flicit ; elles nous
rendent capables duvrer pour dautres, dengendrer
le Bien et de produire divers avantages flagrants. Celui
qui cherche chez nous satisfaire ses passions y
cherchera en vain : Mais quiconque rclame de
grandes Lumires, celui qui il importe de rendre son
cur meilleur et daccomplir la dignit de sa nature,
pourra, chaque priode de sa vie, dcouvrir chez
nous autant quil sera capable den supporter. Car les
hommes ne croient-ils pas que cest une affaire aise,
le travail dune journe que de se transformer tout
dun coup, aprs avoir assimil, au milieu des bruits
du monde, avec tous ses mauvais penchants, dsirs et
procds, parmi les mauvais exemples, ce que lon a
reu dune ducation mal faite et de mille prjugs ?
LE VRITABLE ILLUMIN 131
Combien defforts peut coter laction dveiller chez
eux ne serait-ce que le soupon, lide quils pour-
raient tre meilleurs en changeant leur vision, en
rduisant leurs anciennes pratiques pour en cultiver
dautres, pour renforcer les nouvelles en leur donnant
la force de celles qui taient nuisibles, en empchant
que celles-ci ne se rveillent, en les dracinant, en les
y rendant attentifs par linstruction, en installant en
eux la mfiance, mme l o elles paraissent dans leur
plus grand clat ?! Est-ce la faute de lO si, en la
matire, quasiment tous ne sont encore que des
enfants, sils sont malades et plus malades encore
quand ils semblent tre leur maximum de sant ?!
Honneur celui que lO autorise, dans les classes
infrieures, fournir la preuve quil appartient aux
meilleurs hommes, quil a, en raison de ses dfauts,
moins doccasions et de capacits de devenir excellent
quand il est en leur puissance. Par suite, notre classe
la plus basse ennoblit dj jugez de ce que les plus
hautes produisent... Et que celui qui cela ne semble
pas juste retourne labme duquel nous avons t
tirs un jour. Et maintenant, digne fr., qui est donc
cet insatisfait qui formule des plaintes si amres, qui
veut rcolter l o il na pas sem, qui voit avec plaisir
que dautres mains et dautres ttes lui ont dj
prpar le travail, ont dj uvr, pour lui qui rcla-
me tout mais ne donne rien, qui veut sonder les
Secrets de la Nature toute entire mais ne connat pas
encore son propre Moi, qui veut voir sans les yeux...
Comment se nomme-t-il ?
(Pendant ce temps-l, le Dput aura pris le
candidat par la main, laura fait se lever et conduit
devant le Suprieur.)
INTRODUCTION MON APOLOGIE 132
Le Dput : Sil nourrissait des doutes, votre instruc-
tion la rassur. Illustre Suprieur, je vous prie une
fois de plus de lui accorder son avancement.
Le Suprieur : Nom dO, vous rclamez donc votre
promotion, de nouvelles connaissances ? Si votre
pense correspond ce que le frre N. dO a expos
en votre nom, je ne peux vous laccorder. Grogne-
ments, impatience, insatisfaction ne sont pas les voies
par lesquelles on y parvient. Aucun grade ne se laisse
extorquer par la violence, ni acheter par quoi que ce
soit. Nous ne nous encombrons pas des insatisfaits.
Aucun homme na le droit de se plaindre de la struc-
ture fondamentale, car il dpend du bon vouloir de
chacun de secouer ce joug aussitt quil le souhaite et
daller chercher ailleurs son contentement. Mais il se
peut que vous soyez dans lerreur ; peut-tre vous
mconnaissez-vous ou avez-vous insuffisamment con-
sidr votre intrt par rapport celui de la socit. Je
vais pourtant vous communiquer un enseignement
que chacun, ce degr de lOrdre, a dj reu. Il vous
rassurera, comme je lespre, que vous soyez ou non
satisfait. Asseyez-vous et accordez-moi toute votre
attention.
(Le rcipiendaire prend place ct du Suprieur,
sur la chaise qui lui est rserve, et le Dput retourne
sa place habituelle)
LE VRITABLE ILLUMIN 133
Annexe B
Instruction pour une meilleure apprciation de
la structure interne de lOrdre et
sur ce quil exige de nous
Quand parmi les hommes nat une alliance en
vue dun but particulier, cest le signe que de tels
hommes nont pas encore tout ce quils dsirent,
quils cherchent encore quelque chose et quils met-
tent dans cette chose quils recherchent et qui leur
manque une partie de leur flicit, laquelle est
imparfaite jusqu ce quils lobtiennent. Lamour du
but est la premire chose que le membre de toute
socit doit prouver. Et plus cet amour est grand,
plus nous nous reprsentons ce que nous cherchons
comme essentiel notre flicit, et plus solide est
lalliance.
Tous les hommes ne cherchent pas la mme chose
dans une socit. Les diffrentes humeurs engendrent
des souhaits diffrents. La socit la plus parfaite serait
celle qui satisferait aux vux honntes et raisonnables
de chacun.
Mais il existe certaines imperfections gnrales
dans le monde, que le sage et lhomme intgre de
chaque sicle aimerait voir radiques. Quand nous
voyons que, dans notre beau monde, tout homme
pourrait tre heureux, mais que notre propre flicit
est souvent gne par des douleurs trangres et la
mchancet des insenss, et que, par consquent, il
nest pas durable, que les mchants sont si puissants,
plus puissants que les bons, que le penchant au vice
est si fort, que la lutte isole contre lui est strile, que
lhonnte homme peut peine ltre sans en tre puni :
le souhait nat naturellement quun jour, les hommes
dignes et nobles puissent se rencontrer au sein dune
INTRODUCTION MON APOLOGIE 134
ligue prenne qui ne pourrait jamais tre dissoute ni
profane, pour devenir redoutable envers les m-
chants, aider tous les bons sans distinction afin de se
procurer elle-mme paix, contentement et scurit,
afin aussi denchaner les vices par les moyens les plus
puissants, de les amenuiser par des moyens qui feront
progresser la Vertu et la bnvolance, et qui rendront
plus efficaces, plus forts et plus attirants les charmes
encore faibles de la Vertu, des outils qui seraient bass
sur les forces les plus hautes de la nature humaine. Un
tel objet pour une fraternit secrte ne serait pourtant
pas seulement le plus innocent, non : cest le plus
noble que puisse souhaiter un homme de raison et
pensant correctement. Mais o se trouve cette socit
dexception, ce fondement et cette prfiguration du
Ciel sur la Terre ? O se trouve lOrdre qui cherche
moins nouer entre ses membres des liens domes-
tiques ou autres, nourrir et veiller des passions et
des souhaits trompeurs, qui travaille uniquement
linstruction et au perfectionnement des tres
humains et qui doit pour cela offrir des dispositifs srs
et fonds, un Ordre au sein duquel les relations
politiques ne peuvent entraner aucun changement,
qui juge les hommes simplement daprs leur vraie
bont et leur valeur intrinsque, o la dissimulation
est tellement inefficace, o toutes les tactiques du
mchant sont rendues inefficientes, o chaque Vertu,
o la moindre action morale contient sa rcompense
certaine et immdiate, o lon agit seulement daprs
des perspectives grandioses et universelles, o lon est
rendu insensible tout intrt vulgaire et incit
nagir que dans ce qui est grand et universel, o lme,
face tout grand projet, est transporte dans un noble
et fervent enthousiasme ; o se situe la socit qui
LE VRITABLE ILLUMIN 135
explique les problmes jusqualors insolubles ? Com-
ment faire triompher nouveau le bien sur le mal ?
O se trouve la socit qui rassemble les esprits les
plus aptes de chaque classe, qui les encourage, qui
montre leur courage teint lintrt de travailler et
de sdifier, qui tire chaque penseur de la poussire et
le met en lumire, qui multiplie linfini les chemins
de la connaissance en accroissant le nombre de ses
membres, qui runit les plus grands esprits par un lien
indestructible o tous travaillent la main dans la
main, o le plus faible devient linstructeur du plus
fort, o la vision de lun devient celle de tous, o
lignorant peut dj commencer savoir, o celui qui
sait beaucoup fait une halte, o aucune connaissance
ne se perd mais est perptue dhomme homme
parmi les lus ? O se situe cette source de toutes les
connaissances, de toutes les sagesses anciennes et
modernes, ce sjour de paix, ce refuge pour les
malheureux, cet asile contre les perscutions ? Que
serait-ce si notre Ordre tait cette socit ? Mrite-t-il
votre adhsion ? Non seulement votre adhsion, mais
galement le plus grand effort possible de vos forces
actives ? Oui ! Vous avez trouv cette socit, cest elle
si vous ne la profanez pas. Mais aucun mot, aucune
action nest ici exige de vous.
Si vous navez encore jamais entendu parler delle,
dplorez avec nous notre destin, celui de devoir nous
dissimuler ce point pour une uvre si grande et si
dsintresse.
moins que vous ignoriez quel point les
mchants sont puissants et que la Vertu peut souvent
se changer en crime. Nous ne fmes pas toujours ce que
nous sommes aujourdhui ; nous navons pas toujours
travaill comme nous le faisons maintenant ; le temps
INTRODUCTION MON APOLOGIE 136
de laccomplissement nest pas encore venu, et celui
du combat et de la lutte est encore long ; il nest pas
termin. Ne prenez pas la tche la lgre ou comme
si elle tait dj aboutie envisagez-vous vous-mme
comme fondateur de cette ligue : ayez suffisamment
daudace pour plaider les bonnes choses, assez de
courage pour ne pas vous laisser dtourner de la voie
droite par le faux clat et les instincts passionns.
Savez-vous aussi combien il sera exig de vous pour
tout cela ? Et que vous devrez commencer travailler
dabord contre vous-mme ? Avez-vous correctement
mdit sur ce quune telle socit compose des hom-
mes les plus dsintresss et les plus clairs, peut et
doit accomplir ? tes-vous pleinement prpar ne
pas tre ici un membre inutile, ou souhaitez-vous
vous en ouvrir nous ? Dcelez-vous dans nos pre-
mires dispositions le commencement dune fonda-
tion qui promet de grandes fins, ou bien avez-vous
quelque chose objecter ? Auriez-vous organis les
choses autrement ? Ou peut-tre que le but ne vous
semble pas suffisamment noble et gnral ? Nous vous
pargnons la rponse et nous sommes convaincus
quun homme avec un esprit et un cur tels que les
vtres, pour ressentir sa sainte dtermination, nenvi-
sagera pas une telle perspective dun regard lger.
Jugez maintenant si nous promettons trop quand
nous affirmons que nos instituts nous mettent en tat
de connatre plus que le reste des hommes, dagir
davantage que les autres. O se trouvera le sige de la
Sagesse, o fera-t-on des dcouvertes, o seront
accomplies ces grandes choses si elles ne le sont pas ici ?
O les hommes les plus intelligents uniront-ils leurs
forces afin de travailler et demployer des procds
dont le reste du monde ne dispose pas, et o y sera-t-
LE VRITABLE ILLUMIN 137
on amen par le plus court chemin ? Mais si vous avez
trouv de plus grandes et plus utiles institutions pour
le monde, encore une fois, libre vous de rebrousser
chemin. Nous ne voulons pas vous abuser avec de
fausses attentes. Vous ne devez nous juger que daprs
nos institutions et ne pas croire que nous ayons dj
atteint un quelconque but.
Mais ne croyez-vous pas, Mon Ami, que lon ait
besoin de moyens particuliers pour de grands desseins ?
Croyez-vous que tout homme lev au-dessus de la
multitude en soit galement capable ? Pensez-vous
que cette prparation soit luvre dun jour ? Que
nous possdions le procd magique ou bien simple-
ment tout autre moyen de changer dun seul coup
tout le mal en bien ? Croyez-vous que chacun puisse
ici agir selon son instinct ? Au sein de notre alliance,
chacun doit avoir le regard tourn vers le mme but,
ne faire que ce qui y conduit assurment et dlaisser
tout le reste. Tout doit tre pleinement accompli par
rapport ce but : et si ce discours a cr en vous un
penchant vers cette finalit, cest que notre esprit
plane et sest pos sur vous. Il voit dans votre cur et
ne vous abandonnera pas ; vous serez appel
accomplir ce qui est crit. Pourtant, mieux aurait valu
pour lhomme quil ne naisse jamais : le froid et
lindiffrence demeurent chez celui qui ne peut pas
tre anim du dsir de devenir bon et grand. Pour
nous, il est perdu comme nous le sommes pour lui. Sa
noblesse est afflige et se lamente de ce quil puisse
exister des tres humains capables de rester froids et
insensibles lintuition de la distinction et de la
dignit de sa nature ; vous avez tous perdu une me
qui cheminait sur la voie de llvation.
INTRODUCTION MON APOLOGIE 138
Dans cette perspective, il ne doit exister parmi
nous quune seule volont. On ne doit pas remarquer
dans vos actes que la vtre est multiple. Tout doit se
rassembler au sein dun unique intrt ; dfaut, vous
natteindrez pas ce que vous recherchez et qui vous est
si cher.
Tout homme nen est pas capable. Mme le
meilleur natteint pas en une fois la grandeur dme et
la matrise des passions. Ce si ncessaire renoncement
de lme ne nat quaussitt lamour du but devenu
primordial ; sans cette orientation vers luniversel, ce
but difficile atteindre reste pure spculation. Pour
autant, nallez pas croire celui qui na la bouche que
le bien gnral : ses actes devront parler. Nos moin-
dres actions doivent conduire au but. Cest par ce
biais, dabord, que nat lunisson, le lien troit sans
lequel toute socit reste fragile. Toutes les actions ny
mnent pas aussi srement, du moins pas celles qui
tendent satisfaire notre intrt priv. En tout acte, il
faut considrer la relation quil entretient avec le
Tout. Il est clair quau sein dune socit, chacun ne
peut agir sa guise ; il doit quelques fois sacrifier sa
libert : veut-il agir comme sil ntait en charge que
de lui-mme, tout un chacun souhaite-t-il agir ainsi ?
Alors le but sera forcment manqu. Il doit donc
exister des Suprieurs ; ces derniers ne sont Suprieurs
que parce quils ont une vision densemble de tout le
systme, parce quils ont subi les prparations. Ils ont
donn des lois ; pourtant, quiconque obit leurs lois
ne suit pas le sens particulier de certains hommes,
mais accrot son avantage, qui ne vise rien dautre qu
accomplir le si prcieux but. Les Suprieurs savent
mieux que quiconque quelles actions mnent assur-
ment ce but ; il est par consquent normal de suivre
leurs consignes.
LE VRITABLE ILLUMIN 139
Si nous ne sommes pas amens plus loin, si nous
ne sommes pas promus aussi rapidement que nous le
souhaitons, nous pouvons nous convaincre que cela
est d au fait que nous ne sommes pas encore aussi
parfaits que nous devrions ltre, que nous ne voyons
pas assez clairement, que nous ne nous sommes pas
suffisamment hisss au-dessus des passions et des
intrts privs. Les Suprieurs ne peuvent pas avoir
dautre raison dtre. Ils peuvent contempler le mon-
de entier depuis le plus haut degr. Souvent aussi,
nous aurons nous retenir afin de tester notre assidui-
t, notre constance, notre indulgence : il y a vritable
preuve quand les souhaits intimes ne sont pas tou-
jours satisfaits, quand la tmrit, lamour-propre, la
volont de domination, la volupt, lhabitude sont
combattus. Peu dhommes le supportent longtemps,
mais ces gens rares accdent au bonheur, la srnit,
limmortalit. Quel soulagement que dappartenir
ce petit nombre dtres nobles qui se voient levs
au-dessus de tant dautres hommes trop faibles pour
toucher au but ! Cest ce qui nous rend ce petit cercle
de Frres si prcieux, eux qui ont pareillement rsist
avec endurance aux fausses sductions. Il est vrai
quaucune lutte nest plus pnible que celle qui nous
confronte nous-mmes, mais elle est aussi plus
honorable. Ce renoncement soi est ce par quoi vous
devrez montrer ce que vous tes en mesure de faire.
Cela demandera des efforts, mais ce que lhonneur
doit procurer cote de la peine. La porte de notre
Sanctuaire est ferme aux infrieurs. Vous serez prouv
de multiples faons. Peut-tre que lOrdre vous mon-
trera justement le contraire de ce que vous dsirez...
(Il fait le signe dOrdre de ce grade en pointant
lindex vers le ciel, comme pour prvenir)
INTRODUCTION MON APOLOGIE 140
Soyez attentif, retenez bien tout cela. Vous
nentendrez sans doute pas de sitt cet avertissement.
Mais quand le danger dtre vaincu sera extrme,
vous verrez ce signe. Souvenez-vous de lheure de
votre initiation et de ces mots dalarme : faites atten-
tion de ne pas tomber. Voici la devise de ce grade :
Cave ne cadas [garde-toi de tomber]. Votre chute
serait dautant plus scandaleuse et dangereuse si je
devais vous confier la direction des autres. Vous tes
responsable de votre exemplarit, car leurs regards
sont dirigs sur vous. Prenez soin de ces jeunes lves,
avec assiduit et consciencieusement ; ne croyez pas
que cette classe soit insignifiante parce que votre soif
de mystres ny serait pas tanche. Cette classe est le
fondement de lOrdre ; vous y travaillerez aux
fondations dun difice qui doit durer, pour la
concorde profitable au genre humain.
Cette classe ne contient aucun Mystre, mais
conduit au plus grand des Mystres, celui que
beaucoup dsirent si ardemment, quils ont si souvent
recherch en vain : lArt de diriger les hommes, de les
mener et de les tenir au Bien, daccomplir avec eux
tout ce qui semblait jusquici ntre quun rve pour
le plus grand nombre, et seulement possible pour les
plus clairs.
Cest en outre lArt de faire tout le Bien sans contre-
partie, de combler les manques, dcarter tous les
obstacles, dextirper le mal la racine ; pour faire
court, ce que toutes les institutions, lducation, la
morale, les consitutions tatiques et mme la religion
ne parviennent pas accomplir.
LE VRITABLE ILLUMIN 141
Annexe C
Instruction pour la formation de
collaborateurs utiles.
1) Observez bien chacun de vos subordonns.
Considrez les situations dans lesquelles il sont sus-
ceptibles dtre autrement quils ne le devraient : cest
ce moment-l quapparat jusquo on la amen.
Examinez-le l o il ne pense pas tre observ : l o
le dsir de renomme et dacclamations, la peur de la
critique, du dshonneur et de la punition ne peuvent
avoir aucune influence sur ses actes. Notez tout cor-
rectement ; vous gagnerez infiniment pour vous et vos
gens.
2) Mais vos passions, vos inclinations et aversions
ne doivent avoir aucune influence sur vos observa-
tions. Nallez pas croire quun homme soit abolument
bon parce quil possde une bonne et flagrante qualit
; aussi peu serait-il mauvais quand une tache trop
voyante lassombrirait. Tant danalyses des hommes
passent sur ces vices, alors quils se laissent voir au
premier coup dil.
3) Ne vous laissez pas non plus dtourner par les
gens qui font montre de brillantes facults intel-
lectuelles, dont on pourrait supposer quelles ont t
hisses au-dessus des mentalits communes ; ils ne les
perdent que trop souvent dans la commerce intime,
sont fiers, trop libres, suffisants, querelleurs, et tandis
que nombre dentre eux peuvent connatre et dmon-
trer les principes les plus sublimes, peu ressentent en
revanche ce quils sentendent si bien raconter ; il
leur manque alors souvent la partie la plus noble : un
cur bon et pur. Par suite, ne vous laissez pas sduire
par quelquun qui vous donne raison : cest la diff-
rence entre le fait dtre convaincu et celui daccepter
INTRODUCTION MON APOLOGIE 142
concrtement un principe. Un jour, il vous donne
raison sur tout et le lendemain, il fait le contraire. Ou
bien il ne vous a donn raison que parce que, sur le
moment, il tait entran par votre loquence, ou
parce quil vous courtisait ou encore par crainte,
peut-tre aussi pour vous sonder. Les actes doivent
montrer si lon convainc et si lon est pntr de
vrit. Des plus douteuses est lapprobation que
quelquun vous donne en entendant des vrits qui
vont lencontre de son intrt ou qui contredisent
son inclination favorite et ses aptitudes ; cest au
temps quil appartient de les combattre. La preuve
que ceux-ci sont extirps sera donne au travers de
beaucoup de longues preuves, et la plupart y
succomberont.
4) Ne faites pas trop vite confiance aux riches et
aux nobles ; leur conversion est lente. Ceux-ci
connaissent trop peu la misre et le besoin ; ceux-l
amnent avec eux les prjugs de leur rang et veulent
absolument tre premiers. Ces choses ne se dracinent
pas si rapidement et ressortent la moindre
occasion.
5) Ce que vous devez surtout chercher et avoir le
plus grand soin de former chez vos gens, cest le bon
cur ; mais tous ceux qui se targuent den avoir nen
ont pas forcment. Il en va comme de la sant : tant
quon la, on ne la remarque pas. Celui qui ne bouche
pas ses oreilles aux lamentations de douleur du
misrable, ni son cur la douce piti, celui qui, pour
le malheureux, est un ami et un frre, celui qui aime
toutes les cratures et qui, dessein, ncrase pas le
vermiceau qui rampe sous son pied, celui qui possde
un cur pour lamour et lamiti, qui reste stoque
dans ladversit, infatigable quand il impose une
LE VRITABLE ILLUMIN 143
bonne chose commence, intrpide quand il sur-
monte les difficults, qui ne se moque pas des faibles,
dont lme est sensible tous les projets, avide de se
dresser contre tous les intrts grossiers et de sillustrer
par de grands bienfaits, qui fuit loisivet et ne tient
pour inutile aucune des formes de connaissance quil
a loccasion dacqurir, mais qui se donne pour tude
principale la connaissance des hommes, qui a le cou-
rage de suivre son cur, de passer outre aux acclama-
tions de la foule et des grands, l o il faut agir pour
la Vrit et la Vertu... Voil ce quest lhomme pour
nous. Et cest daprs cette mesure que vous devez
former vos subordonns, largir leur me, les dtour-
ner du vulgaire. Celui qui sen tient trop au dtail a
un horizon trop troit, et celui qui ne sait pas se placer
au-dessus des rapports limits ne nous est daucune
utilit.
6) Avec vos subordonns, lisez de bons livres,
aisment abordables, riches en images et qui lvent
lme. Entretenez-vous souvent avec eux, non avec la
tte, mais avec le cur. Si dautres doivent se rchauf-
fer votre contact, vous devez vous-mmes tre incan-
descants. Votre discours doit tre vivant, cependant
que la pure simplicit du cur et linnocence doivent
guider votre parole quand lloquence fait dfaut. Il
faut que vous sachiez veiller les dsirs ardants, les
dcisions. Vos gens doivent se languir de lheure o ils
pourront concrtiser tout cela. Vous devez montrer
que pour vous, la chose est srieuse, que vous tes
imprgn de la vrit et de la bont de la cause, quil
ne sagit pas de spculation, que vous avez prouv ce
que vous dites. Mais prenez garde que vos actes ne
disent le contraire. Du reste, pas de dclamation
dgoulinante, pas de morale sche, pas de mtaphysi-
INTRODUCTION MON APOLOGIE 144
que subtile et inutile qui ne rendent pas lhomme
meilleur. Tout doit tre limpide, plein dimages et
dexemples, la proposition doit tre applique un
seul cas, les consquences, limportance et lutilit
doivent tre soulignes.
7) Agissez surtout pour lamour du but ; mieux,
dcrivez-le avec grandeur, avec importance, en lien
avec les intrts propres et les passions dominantes de
chacun. Toute personne honnte se ralliera vous,
croira trouver ce qu'il cherche et le trouvera.
Dpeignez la misre du monde ; montrez avec force
ce que sont les gens et ce quils peuvent tre ; ce quils
devraient faire, quel point ils mconnaissent leur
propre intrt, comment l'Ordre le promeut et
comment les fondations rvlent dj leur clat dans
la classe la plus infrieure ; ce quoi ils doivent encore
sattendre plus tard.
8) Gagnez-vous lamour, la confiance, mais aussi
la considration et le respect ; vitez la familiarit et
loccasion dapparatre dans toute votre simplicit en
prsence des subordonns.
9) Parlez toujours de lOrdre avec srieux et
majest ; il le mrite.
10) Faites adopter par les subordonns la
rvrence et la haute considration due aux Sup-
rieurs. Faites-leur saisir la ncessit de la subordina-
tion au sein dune socit bien organise : les exemples
du militaire et d'autres tats vous en donneront
loccasion. On enseignera le plus nergiquement
possible comment il convient de se comporter vis--
vis des Suprieurs, aussi bien quand on les respecte que
quand on aurait envie den tre mcontent.
11) Vos subordonns doivent travailler, lire,
penser, prouver, agir. Exercez-vous avec eux, veillez
LE VRITABLE ILLUMIN 145
leur courage, montrez-leur quel bnfice procure
chacun de leurs travaux. On travaille volontiers quand
on aperoit devant soi le profit quon en retire ; quand
on ne nous rend pas la chose difficile ; quand on nous
a montr lintrt prochain ; quand on ne nous a pas
expos laffaire comme quelque chose de trop aride,
dinsignifiant ou de spculatif. Vous trouverez dj ce
qui manque vos gens, mais vous devrez traiter
chacun selon sa propre conformation, afin de rendre
lobjet sduisant. On peut tout faire avec les hommes
si lon sait utiliser avantageusement leurs inclinations
dominantes.
12) La plus grande science pour lhomme est la
connaissance des hommes. Rendez-la minemment
intressante vos lves, lhomme qui y prend got
ntant pas perdu pour nous : il apprend par l lArt
de juger les autres et de se considrer lui-mme de
telle sorte que les autres le jugent bon, il devient
attentif lui-mme et se perfectionne.
13) Commencez avec vos gens par de petits
exercices. Au cours de la conversation, posez-leur des
questions faciles, qui visent savoir comment, au
mpris de toute reprsentation, lon doit sonder ltre
humain. Au dbut, les questions doivent tre simples,
de sorte que la rponse puisse tre galement
verbalise. Mme si vous connaissez vraiment mieux
le sujet, laissez, pour commencer, les rponses de
votre lve paratre meilleures que les vtres ; cela
veille le courage, et vous trouverez bien une fois
loccasion de formuler votre opinion. Assimilez-vous
eux, communiquez-vous rciproquement vos
remarques sur des matires comme la physionomie, la
dmarche, la voix, etc.. Glorifiez vos lves, dites
lun quil a de grandes dispositions pour devenir un
INTRODUCTION MON APOLOGIE 146
connaisseur des hommes, mais quil lui manque
seulement de la pratique ; louez un autre pour son
action en socit, afin quil apprenne encore ; recom-
mandez-leur de jeunes gens curieux afin quils deman-
dent recevoir la mme instruction et quils l'admi-
rent. Ils voudront ainsi toujours plus se montrer et
sinstruire en enseignant aux autres.
14) Et vous voyez maintenant combien d'efforts
cela cote damener les hommes l o on les attend ;
ainsi ne manquerez-vous aucune occasion de rpandre
partout, autant que vous le pourrez, des principes
sains, dveiller le courage et la dtermination ;
cependant, notez bien ceci : on ne parvient rien
grce la quantit. Celui qui veut changer tout le
monde ne change personne. Ainsi, partagez-vous ce
travail avec les membres de ce grade habitant dans
votre localit. Choisissez un, deux, voire au maximum
trois Minervaux auxquels vous accordez le plus de
prestige et de crdit, et avec lesquels vous vous tes le
plus souvent lev : mais offrez-leur tous vos efforts et
vos soins. Vous aurez assurment accompli une
grande chose en formant trois bons tres humains au
cours de votre vie. Ensuite, ceux-ci doivent tre lobjet
de leurs observations, de votre attention soutenue. Si
une manire de les traiter choue, essayez-en une
autre jusqu ce que vous trouviez la bonne. Vous
devez chaque fois savoir quoi votre homme est
dispos, combien il espre, quelles tapes interm-
diaires lui font encore dfaut pour ouvrir le passage
aux premiers principes. LArt le plus grand est aussi
dutiliser le vrai moment opportun. La chaleur est
souvent ncessaire, le flegme aussi : cependant, ce
nest pas vous que vos gens doivent attribuer ce
changement, mais eux-mmes. Vous devez tre
LE VRITABLE ILLUMIN 147
l'outil invisible. Rien nest entrepris ni contredit dans
lmotion : coutez-le mme sil a tort. Ne jamais
rfuter les conclusions mais les principes ! Attendez le
moment o cela peut se faire et o vous pourrez
ouvrir votre pense ce sujet, sans donner lapparence
de la contradiction : le mieux, si vous parvenez
larranger, est que vous meniez la mme discussion en
sa prsence et avec quelquun dautre, auquel vous
attachez moins dimportance ou avec lequel vous en
avez convenu ; par suite, il ne sera quun auditeur et
ne prendra pas partie, et ainsi, les raisons lui seront
exposes dans toute leur force !
15) Ne lui prsentez pas toujours les vices et
lacunes que vous souhaiteriez voir changs en lui,
comme tant ses propres dfauts. Relatez-lui ce quil
a fait comme si ctait un tiers qui lavait fait ;
demandez-lui conseil ce sujet, il doit devenir son
propre juge, mettre lui-mme lavis qui le concerne.
16) Mais tout cela va lentement, trs lentement.
Ne laissez pas la fatigue et le temps vous attrister car
des annes devront scouler. Aucune seconde nest
perdue, et le fondement doit tre solidement tabli.
Donc ne prcipitez rien. Il faut que vos subordonns
deviennent rsistants et habiles. Lisez, pensez, coutez
et regardez souvent une mme chose lie ce qui nous
arrive le plus souvent et faites ensuite ce qui engendre
une habilet qui deviendra finalement lhabitude de
penser ainsi et pas autrement. Par consquent, votre
art doit consister mettre sous les yeux de vos gens les
devoirs et principes quils doivent cultiver, afin quils
se souviennent de ce qu'ils doivent devenir.
17) N'exigez pas trop d'un seul coup. Traitez les
disciples avec prudence, de manire paternelle, et avec
attention. Ne dsesprez pas quaucune amlioration
INTRODUCTION MON APOLOGIE 148
ne se produise. Tout arrive partir des hommes. La
plupart sont mauvais uniquement parce qu'ils ne
trouvent aucun intrt tre bons. Il sagit de le leur
montrer.
18) Les mobiles des actions provenant de l'duca-
tion et de lexprience, de mme que leurs principes,
doivent tre sonds et, s'ils ne valent rien, peu peu
affaiblis pour que dautres soient inculqus et conso-
lids leur place. Ds lors, il ny a plus lieu de rsister
; cest en cela que consiste la profonde Sagesse.
19) considrer la quantit de religions, constitu-
tions dtat, sectes et socits, on voit combien les
hommes peuvent tre prisonniers des choses dans
lesquelles ils sont ns et ont t levs mme si
celles-ci nont aucune valeur et quelles sont mprises
par les autres , quils avancent manifestement en
contrariant leur intrt et en sacrifiant leur vie, leur
bien et leur sang aux systmes les plus absurdes. Si un
moine stupide peut, par son exaltation, amener le plus
intelligent des hommes lui rvler ses penses les
plus secrtes, on se convaincra vritablement que les
gens peuvent tre pousss tout si lon comprend
seulement leurs faiblesses, et quune raison et une
conviction rares dirigent leurs pas, tels lhabitude et le
prjug. Si lon peut nous imprimer de lenthou-
siasme pour la dmence, il doit bien appartenir ce
type de procd de pouvoir accrotre le poids de la
Vrit et de la Vertu. On se sert en effet du mme
moyen utilis par la tromperie qui vise le mal, pour
imposer le Bien ; cela ne peut pas rater. Les mchants
peuvent tout parce que les bons sont trop inactifs et
trop craintifs. Il y a des occasions o lon doit aussi
montrer son fiel afin de prserver les droits de lhumanit.
LE VRITABLE ILLUMIN 149
20) Dites vos gens dtre attachs lOrdre
uniquement pour la bont du but ; que son Antiquit,
son expansion, sa puissance, sa richesse, tout leur est
indiffrent. Ils ne doivent avoir en vue que le bienfait
de la chose, linstitution, la manire de traiter les
affaires, linstruction, lemploi des moyens, le choix et
la conduite des membres, lordre, la cohrence, la
subordination, le respect des Suprieurs, de leur sages-
se, les diffrentes reprsentations dvnements divers,
les difficults dans la progression, le dsintres-
sement, lgalit de rang, llimination des prjugs.
Un penseur trouvera bientt quune telle socit nest
pas impossible sous le Soleil. Il percevra alors aisment
quau sein de cette institution, son ambition, son
amour du pouvoir, son exigence de paix et de scurit,
sa soif de secrets et de visions mystrieuses ne seront
pas oublis, mais galement stimuls. Cependant, il
ne doit et ne peut se reprsenter tout ceci en tant que
but principal : ce ne sont que les consquences natu-
relles de ce pourquoi on le prpare, consquences qui
n'apparaissent jamais si tout un chacun nalimente
son propre but selon ses forces, afin daboutir dabord
leurs mobiles. Il doit dans un premier temps
apprendre le grand Art de dsirer avec raison.
21) Dites tous vos gens, sans timidit ni scru-
pule, que lOrdre ne prie personne d'entrer ou de
rester : il lui est indiffrent davoir peu ou beaucoup
de membres, quils soient riches ou pauvres, fils de
princes ou artisans. Il recherche le moins possible les
importants et les riches, car ceux-ci conviennent rare-
ment ; ils peuvent sestimer heureux dtre admis :
habituellement leur heureuse condition et leurs posi-
tions les empchent d'envisager quel point lhomme
a besoin dautrui, raison pour laquelle ils sont
INTRODUCTION MON APOLOGIE 150
rarement bons. Mais nous ne les excluerons pas com-
pltement sils s'intgrent et ne cherchent pas faire
valoir leurs relations mondaines. Ils doivent appren-
dre ce quest la vraie noblesse et accepter de voir se
tenir trs au-dessus deux un homme qui, daprs son
opinion, se situe au-dessous deux dans le monde
civil. Celui qui cela semble amer peut nous aban-
donner et devenir notre ennemi : nous ne le craignons
pas ; il se nuira lui-mme en manquant l'occasion de
devenir, grce notre soutien, ce quoi lappelait
doublement sa condition et sa naissance, en quoi il est
prsent dpass par le plus petit. Nous nenvions
dailleurs personne pour la joie de parvenir plus rapi-
dement et plus srement au but au sein dune autre
alliance, nous regrettons seulement de ne pas avoir
connaissance d'une telle socit, o cette trans-
formation se produit rapidement ou dans laquelle on
sait lart demployer de petites gens mdiocres de
grandes choses, ou encore d'enseigner de tels hom-
mes des connaissances plus hautes, qui n'ont encore
aucun principe solide bas sur les vrits les plus
communes. Si, par miracle, semblable socit devait
cependant exister, nous sommes convaincus quelle
approuverait nos prudentes dispositions et quelle ne
favoriserait pas l'homme pour lequel ces dernires ne
seraient pas raisonnables. En attendant, nous subsis-
tons pour nous-mmes, nous nous en tenons aux
honorables instructions des Suprieurs, nous travail-
lons en paix et ne suivons personne. Observez ces
indications et formez encore deux personnes daprs
vos principes, vous aurez fait beaucoup pour le
monde.
22) Exploitez soigneusement les instants o votre
lve est mcontent du monde, o il nen va pas
LE VRITABLE ILLUMIN 151
conformment ses souhaits, ces occasions durant
lesquelles le plus puissant ressent combien son pro-
chain lui est ncessaire et combien de meilleures
institutions sont encore crer en ce domaine. Ici,
vous devez rendre encore plus sensible lme atten-
drie, montrer lutilit dune alliance secrte dhommes
prouvs. Ce ne sont pas les instants qui vous man-
queront o vous pourrez pntrer par ce ct faible
chez les puissants.
23) Ne croyez pas trop facilement que si vos
subordonns s'adressent votre volont d'aprs les
instructions, dans un cas prcis, ils le feront aussi
certainement dans dautres. Ce n'est pas pour autant
une tactique. Cest peut-tre la crainte, lespoir ou la
satisfaction d'une passion qui lont provoqu : les
hommes ne deviennent pas entirement bons si vite.
Souponnez plutt le pire ; le cur frivole est trop
changeant.
24) Ne nourrissez chez personne des espoirs trom-
peurs. Promettez peu pour pouvoir tenir beaucoup.
Donnez du courage aux vaincus ; cherchez contenir
la dmesure de celui qui est trop tmraire par le
caractre inquitant et la reprsentation du danger.
Dans le malheur, lhomme raisonnable doit esprer et
dans le bonheur, il doit craindre.
Vous disposez prsent de linstruction pour
devenir un guide des hommes bon et sr.
Perfectionnez ainsi l'arme des nobles et des lus, et si
votre propre flicit vous ft jamais chre, soyez
rsolu, selon notre instruction, autant que mille
hommes qui, par leur mchancet, pourraient tre si
facilement bons et qui aimeraient sarracher la fatale
Ncessit. En effet, la plupart sont mauvais unique-
ment parce que la masse des mchants concentre
INTRODUCTION MON APOLOGIE 152
toute la puissance entre ses mains, afin daccomplir le
bonheur ou le malheur, et parce que la Vertu semble
ne pas survivre lombre de cette masse, de mme
quelle parat se taire, supporter, se courber ou mme
servir le vice. Croyez-nous, nous le savons par exp-
rience : prenez sa force au vice, annexez la Vertu
cette excroissance qui nous est si malheureuse, et le
monde entier deviendra bon. Mais le vice nest fort
que parce que les bons sont trop inactifs ou trop
prcoces, trop violents pour entreprendre quoique ce
soit, car ils se sparent ou se laissent sparer, car ils ont
toujours confiance en lavenir sans prparer une telle
rvolution ; car le temps doit tout accomplir et quils
prfrent se blottir en attendant, plutt que dagir
contre le vice. Mais ces hommes louablement bons ne
sont bons que ngativement ; certes, ils sabstiennent
de toute offense, mais en mme temps, par crainte,
pusillanimit et paresse, ils ne font pas non plus
obstruction au mal quils pourraient empcher. Sils
taient convaincus que la Vertu ne consiste pas dans
la simple patience, mais essentiellement dans lactivit
et le travail et non dans le repos et linsouciance, ils
seraient tirs de leur sommeil ; il sont faibles parce
quils laissent passer toutes les occasions de se
renforcer ; il perdent courage, dsesprent l o se
trouve lesprance de la victoire, et, pour cette raison,
sont vaincus et mis dans les fers, car ils vont jusqu
rendre hommage au vice sans lui rsister ni y mettre
un terme ; parce quils le respectent ouvertement et
quen mme temps, ils le dtestent intrieurement ; ils
accueillent le mchant dans leur foyer, lui procurent
toit et abri, le flattent et le carressent pour ne pas
perdre davantage et vont jusqu lui mettre en mains
les armes dont il usera son encontre ; ils prfrent
LE VRITABLE ILLUMIN 153
passer alliance avec le vice, font silencieusement avec
lui des affaires secrtes avant de consulter lhomme
noble pour sunir lui contre la mal. Quelle morale
peut justifier cette farce honteuse et indigne ? Loin de
cette basse politique, chacun de vos pas devrait se
diriger vers la Vertu et pitiner courageusement le vice
sur leur chemin. Unissez fermement vos soutiens.
Vous deviendrez forts et imbattables. Si tu es trop
faible quand tu es seul, alors supporte jusqu ce que
tu deviennes plus fort, mais npargne aucune
occasion de te renforcer. Cherche de laide auprs de
tes frres, ils ne tabandonneront pas si tu es lhomme
que tu dois tre. Crois fermement en lOrdre, il peut
tout si lon suit seulement son instruction. Nous
travaillons restituer lhomme mritant son salaire
jusqualors arrach illgitimement, rendre leurs
forces aux faibles, ceux qui sont tombs, les moyens
de samliorer, aux mchants, leurs chanes et l'hu-
manit, sa haute dignit. C'est la deuxime Canaan
qui nous fut prdite, la terre d'abondance et de
bndiction que nous contemplons un tant soit peu
de loin, hlas. Fuyez, profanes, nul de ceux qui nont
t bnis ne sapprochera du sanctuaire gard par la
lgion lue, mais entrez ici, tres nobles, avec respect
et crainte, recevez dj de loin notre bndiction.
Venez, malades et vous qui souffrez ! Si vous ntes
pas ici guris de vos crimes, doutez de votre rdemp-
tion.
INTRODUCTION MON APOLOGIE 154
Annexe D
Instruction remise aux Illuminati minores
Puisque la direction de la classe infrieure est
confie ce degr de lOrdre Ill., on ninculquera
jamais assez aux membres de celui-ci l'importance de
leur office. La classe des Minervaux constitue la
fondation de l'Ordre ; si cette base est mauvaise, on
ne peut songer atteindre aucun but plus lev. On y
parvient en suivant quatre tapes :
1) Sur le type de propdeutique.
2) Sur la formation des Minervaux.
3) Sur la conservation du zle et
4) Sur lobissance et la subordination.
I. Il sagit dabord de dispenser une instruction sur les
principes des Ill. Sup. en lien avec la prparation.
Ce sont les mmes que ceux qui sont poses en vue
de lexpansion de lOrdre ; mais la prudence la plus
extrme doit tre de mise. L'esprit d'expansion qui
incite les autres socits commettre tant de faux pas,
doit ici tre totalement radiqu. Notre alliance nest
pas faite pour tout le monde : seuls les hommes
choisis peu-vent prendre leur part de ce bonheur ;
mais ces derniers sont encore peu nombreux dans le
monde ; et nos efforts seront un jour rcompenss par
le genre humain, quand nous aurons augment le
nombre dhommes nobles. Ainsi, et bien que l'O ait
dispers ses membres dans toutes les parties du
monde, on nen trouve encore quun petit nombre,
particulire-ment dans les grades suprieurs. La trs
longue prparation rend de toute faon plus difficile
la question de la propdeutique, par quoi lOrdre ne
la souhaite que quand elle peut srement avoir lieu.
LE VRITABLE ILLUMIN 155
A) Ces principes, les Illumins doivent :
1) Bien les inculquer leurs subordonns,
2) Ne donner, lors du processus de recrutement,
que ceux auxquels ils peuvent se reporter,
3) Expliquer et employer celui qui, parmi eux,
nest que brivement prescrit dans linstruction
lusage des Recipients.
B) En choisissant les candidats, on doit examiner :
1) Leur cur. Quils soient des hommes loyaux,
sensibles, de bonne composition, poss, moraux,
consquents.
2) La raison. Ils doivent tre capables, savants, avides
de savoir, attentifs.
3) Le temprament et lducation. Ils doivent tre
actifs, vifs, de murs fines, ne pas tre fiers mais
discrets, humbles, magnanimes, contents, sociables,
mesurs, gnreux et bons htes.
4) La condition extrieure. On recrutera autant de
jeunes gens que possible et ceux qui pourront avoir
remercier un jour lO de leur subsistance, mais on
vitera ceux qui sont trop dmunis, car ils pourraient
tre charge pour lOrdre ; ensuite, ils devront pos-
sder des mrites exceptionnels. Les affinits et autres
relations civiles doivent aussi entrer en considration.
Mais si lhomme est dune bont exceptionnelle, tout
autre critre passe au second plan.
C) Pour chaque nouvelle personne recruter, le
vn.<rable> Suprieur doit correctement senqurir
de chacun de ces sujets et en instruire les Recipients.
Une fois le candidat admis, on passe au deuxime
point capital :
INTRODUCTION MON APOLOGIE 156
II. Celui de la formation ultrieure. Voici ce quil
faut faire :
A) La plus juste connaissance de la mentalit du
subordonn sera acquise :
1) Si le Suprieur traite son subordonn avec
suffisamment damnit pour que ce dernier lui
tmoigne une confiance filiale et quil dvoile chacune
de ses penses.
2) Sil lobserve et le fait examiner correctement.
Cest pourquoi les Illumins doivent se rpartir la
surveillance des Frres et tenir des Diaria sur les
moindres remarques concernant les actes apparem-
ment les plus insignifiants de leurs subordonns,
diaria quils compareront ensuite lors des runions,
la suite de quoi ils tabliront les listes de conduites
quil conviendra dexpdier.
3) Pour cela, donnez faire des pensa [devoirs].
Quand on veut savoir, par exemple, ce que pense
quelquun dun sujet donn, on doit lui faire faire un
exercice. Il aura non seulement loccasion de mditer
plus avant la question, mais le Suprieur verra aussi
toute la force des fondements contre lesquels il doit
travailler sils ne sont pas bons. 4) Le Suprieur doit
de temps autres saisir loccasion de mettre le
subordonn lpreuve, comme si, par exemple, il
possdait lintelligence du monde, pouvait se taire,
etc.. Une fois quil connat ses gens, il parvient
savoir :
B) Comment les traiter et les aiguiller. ce stade,
naturellement, on fera entrer en ligne de compte le
temprament et dautres circonstances : rien de
gnral ne peut donc tre dit ce sujet. Cependant,
des moyens peuvent tre indiqus dont il faut se
servir, savoir essentiellement :
LE VRITABLE ILLUMIN 157
1) De bons exemples pour chaque type de vertu et
de talent,
2) La relation avec les subordonns, dans laquelle
le srieux et la considration doivent tre associs
une bont et une amiti prvenante. Le Suprieur,
mme le Suprieur inconnu, doit, dans son commerce
avec les infrieurs, se caractriser par une certaine
dignit vnrable.
3) Linfluence de lesprit de lO par lequel tous les
membres de celui-ci seront anims dun noble en-
thousiasme et ne tiendront quun seul discours son
propos. Pour y parvenir :
a) On ne doit jamais parler de lO sans crainte
respectueuse ni enthousiasme.
b) On doit voquer, chaque occasion appro-
prie, le dsintressement de son but, sa formi-
dable organisation, lexcellence de ses membres et
la difficult dacqurir ces grands avantages, de
faon exciter le dsir dobtenir ce bonheur par
laccomplissement de ses devoirs.
4) Enseignements, instructions et mises en garde.
Il ne sert rien de faire de froides dclamations, de
rpter souvent des morales lnifiantes, de dispenser
des cours puisants. Il ne faut pas trop imposer les
bonnes actions ni protger des mauvaises. Les
discours vigoureux, convenant aux circonstances, un
mot prononc au moment opportun quand lme est
dispose l'accepter, enfin, la lecture dcrits spiri-
tuels et le commerce avec le monde raffin doivent ici
faire le plus grand bien.
5) Lorganisation prcise dans les affaires.
6) Enfin, la direction pratique vers toutes les
vertus qui ont t requises. Si les membres sont
forms de cette faon, cela veut dire quon a compris
INTRODUCTION MON APOLOGIE 158
lArt de leur montrer combien la mise en pratique de
chaque Vertu entrane son propre intrt, et ainsi,
tout est fait pour les rendre fidles lO.
III. Cette fidlit est obtenue :
1) Si on ne nglige pas les subordonns, quon les
runit souvent, quon les maintient dans lactivit,
quon les voit, quon leur parle, quon renouvelle
toujours les impressions et quon les met en situation
de prfrer lO.
2) Quand on a lev tous les doutes qui pouvaient
grandir en eux afin que ceux-ci btissent parfaitement
sur la bont de la cause ; mais si sa propre connais-
sance ne suffit pas, il demandera conseil un Sup-
rieur plus minent.
3) Quand on provoque de grandes attentes sans
rien promettre : une parole jete par moments sur les
explications futures, comme si de rien ntait, mais en
restant toujours extrmement mystrieux ; et quand
on augmente lattrait et la curiosit grce au secret !
4) Quand la conduite du Suprieur est toujours
mesure, plus amicale ou plus rserve, selon les
rapports de conduite des subordonns.
5) Quand le Suprieur sefforce de mettre en avant
le mieux possible les qualits quapprcient particuli-
rement les subordonns.
IV. Ensuite, il sera plus facile dobtenir son respect,
son obissance et sa docilit, en particulier :
1) Quand on en donne soi-mme lexemple vis-
vis des Suprieurs plus minents,
2) Que lon ordonne peu, et rien par arbitraire,
mais quon limpose avec fermet,
3) Que lon rcompense ceux qui sont dociles et
punit inflexiblement les transgresseurs.
LE VRITABLE ILLUMIN 159
4) Quon loigne les rcalcitrants de faon
courtoise.
5) Quon donne peu de blmes, mais quils soient
nergiques,
6) Quand on vite la familiarit avec les subor-
donns.
7) Quon esquive toutes les occasions de recevoir
des bienfaits de leur part et que lon agit par cons-
quent avec dsintressement, uniquement pour le
plus grand bien du tout.
8) Quand on ne brille jamais avec ses meilleures
rflexions, que lon ne msuse pas de son prestige
pour imposer ses opinions aux subordonns. Quand
on est reconnaissant de tout son savoir envers lOrdre
et que lon attribue tous ses ordres aux Suprieurs plus
minents.
Dans tous les autres cas, qui sont trop nombreux
pour tre dvelopps ici, on sen remettra la facult
de juger des Illumins et aux conseils des Suprieurs.
INTRODUCTION MON APOLOGIE 160
V
ILLUMINATI.
2
e
Classe
I. Le Grand Illumin.
(Illuminatus major)
Introduction
Les loges de ce grade sont de deux types : soit
destines aux travaux habituels, soit aux rceptions.
Les premires ne seront pas autrement dcores que
pour les loges dOfficiers. Les membres y sigeront
galement en habits cossais, cest--dire avec des
tabliers de cuir verts, le bijou de loge la boutonnire,
et prendront place lun aprs lautre autour dune
table. Le Grand Matre, les deux Grands Surveillants
en chef et le Secrtaire Secret sont ceux-l mmes qui
remplissent ces offices dans les hauts grades ou parmi
les Illumins dirigeants ; ils y occupent la mme place.
Il sera trait de la loge de rcepetion et de son
agencement ultrieurement. Les deux seront ouvertes
et fermes dans les formes qui suivent ; dans chacune,
on posera les questions du catchisme et la parole qui
circule au sein de lOrdre tout entier sera donne
avant la fermeture.
LE VRITABLE ILLUMIN 161
I. OUVERTURE DE LA loge DES FR.FR. COS.
Le Grand Matre : lordre mes Frres.
Le 1
er
Grand Surveillant rpte la formule.
Le 2
nd
Gd. Surv. fait de mme.
(Les fr.fr. font le signe)
Gd. M. : Trs Estim.<able> Fr. 1
er
Grand Surveil-
lant ! O le Franc-maon cos. travaille-t-il ?
2
nd
Gd. Surv. : En un lieu sacr, dans le silence de
la nuit, loin de la rumeur du monde et labri des
oreilles profanes.
Gd. M. : Fr. 2
nd
Gd. Surv., voyez si nous pouvons
ici travailler en sret.
2
nd
Gd. Surv. (y va, vrifie que tout est sr,
verrouille la porte et revient) : Gd. M., la [loge]
est couvert.
Gd. M. : Fr. 1
er
Gd. Surv., quelle heure est-il ?
1er Gd. Surv. : Minuit plein.
Gd. M. : Fr. 2
nd
Gd. Surv., est-ce bien lheure
consacre pour ouvrir la loge ?
2
nd
Gd. Surv. : Oui, Trs Vn.<rable> Matre.
Gd. M. : Jouvre donc cette loge cos., au nom des
Illustres et Vnrables Suprieurs et par le Nom-bre
Sacr cos.<sais>.
1
er
Gd. Surv. frappe le mme nombre de coups.
2
nd
Gd. Surv. fait de mme.
Gd. M. : Mes Frres, cette est ouverte.
II. CATCHISME DES FR. COS.
Question : tes-vous Franc-maon cossais ?
Rponse : Les Hommes Nobles mont admis
parmi eux quand jtais orphelin et que je ne connais-
sais pas mon Pre.
INTRODUCTION MON APOLOGIE 162
Q. : O avez-vous t reu ?
R. : En un lieu solennel, sacr et obscur, devant la
Porte du Sanctuaire.
Q. : quel moment ?
R. : Dans les tnbres de la nuit, quand la Lune est
dans son premier quartier.
Q. : Qui est venu votre rencontre ?
R. : La foule pacifique des Illumins.
Q. : Les connaissiez-vous ?
R. : Non ! Je ne les connaissais pas, mais eux me
connaissaient et maimaient, et je leur ai confi mon
cur fidle et plein de confiance.
Q. : Do venaient-ils ?
R. : Du Monde Primitif des lus.
Q. : O sen allaient-ils ?
R. : Vers le Saint des Saints.
Q. : Quy cherchaient-ils ?
R. : Ce Qui est, fut et sera ternellement.
Q. : Quest-ce qui vous illumine ?
R. : La Lumire qui vit et brille prsent en moi.
Q. : Que vtes-vous quand on vous donna la
Lumire ?
R. : Den haut, je vis la Terre, les hommes taient
nus et sans vtements ; mais ils avaient honte de leur
nudit.
Q. : Que vous a-t-on ordonn de faire ?
R. : On ma enseign comment je dois me
connatre moi-mme et les autres, aimer et rgner.
Q. : Comment sappelle votre Matre ?
R. : Adona.
LE VRITABLE ILLUMIN 163
III. FERMETURE DE LA loge DES FR. COS.
Gd. M. : Quelquun a-t-il encore quelque chose
proposer pour le mieux de lO ?
(Le 1
er
Gd. Surv. rpond)
Gd. M. : Trs Respect.. Fr. 1er Gd. Surv., quelle
heure est-il ?
1
er
Gd. Surv. : Il est midi plein.
Gd. M. : Trs Respect. 2nd Gd. Surv., est-ce
lheure juste pour fermer cette loge cos. ?
2
nd
Gd. Surv. : Oui, il est lheure.
Gd. M. : Je ferme donc cette au nom des Illus-
tres et Vnrables Suprieurs et par le Nombre Sacr
cos.
(Les fr.fr. 1
er
et 2
nd
Gd. Surv. rptent ces coups)
Gd. M. : Mes Frres, cette loge est ferme.
IV. INFORMATION AUX logeS DE TRAVAIL
PRESCRIVANT DE DONNER CHAQUE FOIS
LECTURE DES POINTS ESSENTIELS.
1) La loge se tient au moins une fois par mois, sans
compter les loges de rception.
2) On y rectifie et augmente les tableaux relatifs
aux membres des classes infrieures quand ceux-ci ont
t envoys par lassemble des Pet.<its> Illumins,
pour les envoyer ensuite lassemble des Illumins
dirigeants.
3) Tout ce qui a trait aux affaires des assembles
de Minervaux, aux avancements dans les classes infri-
eures, etc. sera dcid ici, ou bien, si le sujet est trop
important, relay aux Illumins dirigeants ; revient
galement ces derniers ladministration des tableaux
et lettres rponses.
INTRODUCTION MON APOLOGIE 164
4) Tout ce que vivent les membres de ce degr,
mais qui na de lien ni avec lO Sublime, ni avec la
franc-maonnerie ou dautres socits les promo-
tions de fr.fr. dans les institutions civiles, les titres
honorifiques, etc. ou toute autre chose pouvant avoir
un rapport avec cela , doit tre dclar en runion
et vers au procs-verbal ; les Suprieurs directs en
seront galement informs.
5) Les membres de ce gr.<ade> doivent surtout
instruire les frres qui doivent recruter de nouveaux
adhrents ; cet effet, on se servira de lannexe A
contenue dans les actes des Minervaux, lexception
de linstruction.
6) Cependant, la tche principale de ce grade reste
lanalyse correcte des caractres selon les consignes de
lannexe B.
7) Quand un membre, parmi les Petits Illumins,
se rvle excellent et commence tre digne dun
avancement, son caractre fait lobjet, en loge cos. de
travail, dune investigation selon chacun des points du
questionnaire. On devra donner des rponses tran-
ches avant de penser une quelconque promotion ;
et si un article na pas encore pu tre examin, un
membre sera charg den faire lobjet de ses observa-
tions. Tout sera consign dans le procs-verbal des
diffrentes runions et, pour finir, le portrait complet
de lhomme en question sera compos pour tre en-
suite transmis aux Illumins dirigeants. Il dpend du
Grand Matre de faire procder de temps en temps
cette tude de caractre par une commission plus
restreinte.
LE VRITABLE ILLUMIN 165
Annexe A
Instruction secrte lusage de ceux qui doivent
recruter de nouveaux membres pour lO
1) Celui qui veut faire gagner un nouveau
membre lO doit dabord sassurer de sa parfaite
confiance et de son amour.
2) Il doit se comporter de telle sorte que lon
sattende trouver derrire son apparence des qualits
caches.
3) Il cherchera dabord stimuler peu peu chez
le candidat le penchant aux associations amicales et
secrtes, peu prs de la manire suivante :
a) Il fera en sorte de lui mettre entre les mains
des livres traitant de lunit et des forces associa-
tives.
b) Il axera galement ses causeries sur cet objet,
lui montrera combien un petit enfant est impuis-
sant, combien aussi un homme mr est faible
sans le secours des autres et combien grand et
puissant il peut devenir grce laide de ses frres
humains, combien sont considrables les avan-
tages de la vie sociale.
c) Il lui ramnera toute force laccord des
volonts.
d) Il le rendra attentif lArt de connatre et de
rgner sur les hommes.
e) Il lui montrera comment un esprit intelligent
peut rgner et gouverner cent mille mes.
f) Il donnera des exemples de ce que peuvent des
sujets qui sont dirigs lunisson et qui parlent
dune seule voix, telle une arme.
g) Puis il lui parlera des dfauts de la socit
civile, comment les hommes agissent de faon
INTRODUCTION MON APOLOGIE 166
dloyale les uns envers les autres, comment
chacun se laisse guider par ses intrts privs,
combien peu lon saurait, la plupart du temps, se
fier des amis ou parents.
h) Oui, proclamera-t-il parfois, si les hommes
bons taient seulement daccord entre eux, ils
pourraient se construire un Ciel sur la Terre.
Mais si les meilleurs sont aussi faibles, cest parce
quils ne se connaissent pas ou quils sont dsunis.
i) Il sera alors temps de lui faire comprendre ce
que peuvent accomplir les liens secrets.
k) Il lui montrera lexemple des Jsuites, des
Francs-maons. Si la discussion en vient traiter
des grands vnements mondiaux, il lui dira
toujours que ceux-ci ont t conduits par de
secrets mobiles, et qui sait si pareil O nagit pas
en sous-main ?
l) Il cherchera veiller en lui linstinct de rgner
en silence, de tout explorer sans se faire remar-
quer, dimprimer une autre direction au
monde selon son propre plan ; de dominer ceux
qui croient tre ses matres.
m) Il parlera occasionnellemente de manire
quivoque, comme sil connaissait cet O, mais se
taira aussitt. Une autre fois, il dira : Si javais
l'occasion dentrer dans une telle association, je le
ferais sans attendre.
n) Il faudra rpter cela souvent.
o) Alors un jour, on dira : Jai enfin trouv ce
que je dsirais depuis longtemps : on veut min-
tgrer dans cet O. Que me conseillez-vous ?
Puis on mettra les objections qu'il ferait lui-
mme, mais quon lvera ensuite, aprs quoi on
lui demandera de donner son avis.
LE VRITABLE ILLUMIN 167
p) On laissera traner comme par hasard sous ses
yeux quelque chose comme une lettre chiffre.
4) Le candidat sera chrtien, honnte, sensible ; il
ne sera ni stupide, ni plus g que le recruteur et, selon
les rglements, aura entre 18 et 30 ans.
5) Quand il en fera la demande, on lui prsentera
la chose comme tant extrmement difficile, et on ne
lui donnera que petit petit : mais on lui mettra en
mains aussi peu dcrits que possible, tout au moins
sur un bref laps de temps !
6) Et alors, on le prendra de court au moment o
il rapportera lesdits papiers.
7) On lamnera suggrer d'autres personnes,
dpeindre des caractres, etc.
8) On recherchera ses autres relations.
9) On lui fera conjecturer que ses meilleurs amis
font peut-tre dj partie de l'O.
10) Si quelqu'un, qui a obtenu d'entrer dans l'O
ou qui dsire en obtenir le droit, veut avoir un
membre attitr, on ne fera jamais appel un
Suprieur important, mais toujours un homme bon
et estim.
11) Cependant, on devra savoir adapter sa faon
de procder chaque situation et, par suite, toujours
donner de lO un nom qui fasse de leffet au candidat.
Certains cherchent un nouveau type de fr.-ma.,
dautres une socit savante, dautres encore des
Roses-Croix ou une association politique. Chacun
doit trouver ce qu'il recherche. L'O peut tout appor-
ter, et il n'agit pas non plus dans toutes les rgions
sous le mme nom.
12) Le rapport de tout ceci devra tre remis au
Suprieur.
13) Chaque Ill. Major peut prendre copie de cette
instruction.
INTRODUCTION MON APOLOGIE 168
Annexe B
Questionnaire par lequel est examin le
caractre du candidat ce grade
I. Sa personne
1) Son nom.
2) Son ge et son jour de naissance.
3) Sa patrie, son lieu de rsidence.
4) Sa silhouette. Maigre, grosse ou moyenne ?
Svelte ou avec des formes ? A-t-il des infirmits et
lesquelles ? Est-il borgne, sourd, bgue, vot,
boiteux, bossu, tordu, bigle ?
5) Physionomie. La couleur du visage : teint
prononc ou blafard ? Blanc, noir, jaune, mat ? Le
regard : vif, pntrant, sans vigueur, franc, langou-
reux, amoureux, fier, brillant, abattu ? En parlant,
regarde-t-il les gens fixement, avec jovialit,
maintient- il son regard ou cde-t-il ? Ne peut-il
supporter aucun regard pntrant ? Le sien est-il en
quelque sorte tratre ou ouvert, dtach ? Gai ou
tnbreux ? Profond ou vague ? Aimable ou srieux ?
Ou le dirige-t-il encore vers le haut ? Ses yeux sont-ils
enfoncs dans sa tte ou ressortis ? Comment, du
reste, est sa physionomie ? Sa silhouette ? Son nez, son
front ? Vertical, avanc ou fuyant, court ou haut,
carr, rond, oval, etc. ? Plisse-t-il le front ? Horizon-
talement ou verticalement ?
6) Ses cheveux. Clairs, brun fonc, noirs, blonds,
roux ou avec des reflets roux ? Leur force ? Fins ou
pais, longs, courts, friss, normaux, crpus ou
souples ?
7) Sa voix. Masculine, prcieuse, enfantine,
profonde, claire, chantante, ample, faible, forte, allant
en stouffant, crescendo, douce, fluide, bgayante,
changeante, ascendante, descendante ou monotone ?
LE VRITABLE ILLUMIN 169
8) Sa tenue. Noble ou vulgaire ? Dgage ou
humble, contrainte ou laise ? Quel est son port de
tte ? Droit, jet vers larrire, port en avant, sur le
ct, chancelant ou raide ? Regarde-t-il ses pieds ?
Tourne-t-il vivement la tte, la tend-il entre ses
paules ?
9) Son allure. Lente, rapide, rgle, le pas court ou
long, nonchalant, indolent, sautillant, dansant, piti-
nant, acclre, genoux plis, rentrs, sortis, marche
dcale, glisse, vloce, lente, changeante, chance-
lante, corps avanc ou en retrait ? Regarde-t-il ses
pieds, balance-t-il les mains ? Ce faisant, rejette-t-il la
tte en arrire ?
10) Son tat de sant. Stable ou est-il souvent
malade ? quelles maladies est-il le plus sujet ?
11) Langue, locution. Convenable ou brouil-
lonne ? En parlant, utilise-il les mains et comment ?
Sans arrt ou seulement par moments ? Vivement,
avec la tte ? Avec tout le corps ? Les pose-t-il sur une
autre partie du corps ? Agrippe-t-il ses bras, ses vte-
ments, ses boutons ? Son dbit est-il rapide, lent,
pos, oratoire, affect ? Parle-t-il peu ou beaucoup ?
Se tait-il compltement et pourquoi ? Par modestie,
ignorance, respect, paresse ? Pour sonder les autres,
cacher sa faiblesse, se donner des airs, par fiert, par
mpris ? Parle-t-il sa langue avec nettet ou avec un
accent provincial ?
II. ducation, formation, culture, talents.
1) qui en est-il redevable ? A-t-il toujours t
sous la supervision de ses parents ? Comment fut alors
son ducation ? Qui furent ses matres ? Les estime-t-il ?
Qui croit-il responsable de sa formation ? A-t-il
voyag et o ?
INTRODUCTION MON APOLOGIE 170
2) Langues. Lesquelles comprend-il, parle-t-il,
crit-il ? Et comment ? Aime-t-il les langues trangres
plus que sa langue maternelle ? Mle-t-il des mots
trangers ses discours ? Quel est son style ? 3)
Sciences. Lesquelles cultive-t-il ? Auxquelles est-il
tranger ? Lesquelles aime-t-il ? Les approfondit-il ?
Aime-t-il les beaux-arts et lesquels ?
4) A-t-il du gnie et pour quoi ? Est-il plus pote
philosophe ? Imagination ? Mcanisme ? Esprit de
dtail* ? Gnie artistique ? Fabrique-t-il des botes en
carton
13
? Est-ce quil se rase, se soigne, sapprte, se
coiffe, etc. ?
5) A-t-il de lhabilet ? Pour les exercices
physiques, lartisanat, la mcanique ? Est-il fort ?
Souple, lger, rapide, adroit dans les entranements
physiques, les techniques de prestidigitation et autres
choses semblables ? Comment est son criture ?
6) Son attention vis--vis des autres hommes. Que
regarde-t-il le plus ? Le cur, lintelligence, le carac-
tre, lorientation, les manires extrieures, les murs,
la propret, la mentalit, la religion ?
III. Son esprit.
1) Aptitudes. A-t-il de la pntration ? Est-il
rapide, lent, visionnaire, prvoyant, dune imagina-
tion vive ou dune froide rflexion ? A-t-il de la
prsence d'esprit ? Surprend-il par ses ides audac-
ieuses ? Montre-t-il de lesprit, de la profondeur, de la
sagacit dans les conversations ?
2) Jugement. En a-t-il beaucoup ? Est-il crdule,
aime-t-il le merveilleux ? Apprcie-t-il le paradoxe ou
suit-il les opinions communes ? quels prjugs est-il
* En franais dans le texte.
LE VRITABLE ILLUMIN 171
attach ? Ceux de lge, de la religion, de lenfance, du
pays, de l'tat, du rang, de lautorit, de la commu-
naut, de la nouveaut ? Cherche-t-il les draciner ?
Fabrique-t-il aisment des prjugs pour ou contre les
gens sans avoir examin ces derniers ?
3) Orientation. O place-t-il sa flicit ? Dans la
paix du commerce ? La rputation, la puissance, les
honneurs, les plaisirs des sens, dans la richesse, les
sciences, la Vertu, la vrit ? Se tourne-t-il vers
lavenir, vers le pass ou regarde-t-il simplement le
prsent ? Se donne-t-il juste de petits projets ? Voit-il
dj souvent dans de petits vnements le grand
venir ? Est-il en mesure de raliser de grands desseins,
de les penser, de les prouver et de les accomplir ?
Cherche-t-il se distinguer des autres et comment ?
Par quelque chose de grand ou dextraordinaire ?
Dans le bien, dans le mal ou dans les deux ? A-t-il une
haute opinion de lui-mme et sous quel rapport ?
Rend-il justice aux autres ? Est-il autonome ou se
laisse-t-il facilement convaincre ? A-t-il de lestime
pour la finesse intellectuelle ? Cherche-t-il tre
original ou rflchit-il autrement ? Pense-t-il tre
infaillible ? Se connat-il lui-mme ? Accepte-t-il les
rprimandes ? Hait-il les hommes ? Pourquoi ? Parce
quils sont meilleurs que lui ? Parce quil les considre
comme infrieurs son idal ? Parce quil ne se sent
pas suffisamment respect ? Quil aurait t souvent
abus ? Quils le considrent trop vite de faon
indigne ? Que vise-t-il dans le mariage ? Un cur
bon, la raison, lconomie, la beaut, lor, la famille,
la russite, la puissance ? Aime-t-il son corps, sa sant ?
Est-il mou, motif, dlicat, fantasque ? Craint-il la
mort ? Saisit-il facilement lopinion des autres ?
Quest-ce qui le pousse au travail et lactivit ?
INTRODUCTION MON APOLOGIE 172
Lamour du confort ? Du calme ? De la puissance ? De
la rputation, les honneurs, les plaisirs sensuels ?
Largent ? Tient-il beaucoup aux honneurs, latten-
tion, aux acclamations ? quoi pourrait-il les utiliser ?
Est-il sensible au mpris ? Cherche-t-il slever ?
quoi ? Par quelle voie ? Grce une fille ? Grce
largent ? En nuisant son prochain quand il le croise
sur sa route ? Par le gain, la science, le zle, les
intrigues, des infmies ? Entre deux partis, pour lequel
est-il ? Celui des plus forts ou celui des plus faibles,
celui des plus intelligents ou celui des plus stupides ?
Mais si un jour celui des plus faibles prend le dessus,
restera-t-il fidle ses principes ? Ou fondera-t-il
volontiers un troisime parti ? Donnerat- il tort aux
deux, souhaitera-t-il les rconcilier, jouer linterm-
diaire ou restera-t-il compltement neutre ? Est-il
persvrant dans la poursuite de ses projets ? Les
difficults leffrayent-ils ? Par quoi peut-on le plus
facilement gagner son attention et son amiti ? Par
lloge, la flatterie, lhypocrisie, le silence, en suppor-
tant tout, par la bassesse, la soumission, largent, les
femmes, la haine et le respect lgard des gens quil
hait ou quil respecte ? Par ses matresses, ses domes-
tiques, par recommandation de ses favoris ? Est-il
mfiant, soucieux, secret, sur la dfensive, crdule,
sincre ? Aime-t-il parler de ses projets ? Avant de les
mettre excution ? Souhaite-t-il uniquement des
plaisirs vifs qui toujours doivent changer ? Ou se
contente-t-il encore de joies modestes ? Veut-il cons-
tamment jouir ou aime-t-il galement le manque
pour devenir plus apte la jouissance ? Supporte-t-il
aussi les plus fragiles et est-il patient en leut
compagnie ? Est-il curieux, tmraire ?
LE VRITABLE ILLUMIN 173
IV. Son cur.
1) Temprament. Est-il tel quon le dcrit dans le
grade de Petit Illumin ? Autrement, o pche-t-il ?
Agit-il prcisment avec franchise ou aime-t-il jouer
la comdie ? Devant qui ? En quelles occasions ? Sous
quel rapport ? Pour quel motif ? Le sort des autres
lintresse-t-il ? Le bien commun ? Ou ne se soucie-t-il
que de lui-mme ? Travaille-t-il volontiers et srieuse-
ment au bien-tre gnral ? Mme au dtriment de
son propre plaisir ? Profite-t-il bien de toutes les
occasions pour le faire ? Pour uvrer en grand, sans
gosme ? Est-il quitable dans ses actes ? Et ce, mme
quand personne ne le remarque ? Ne sen laisse-t-il
pas dtourner par des menaces, des carresses, la
rputation, largent, les filles, la disgrce, la perscu-
tion, le malheur, lhostilit, lamiti, la haine, la vin-
dicte, des promesses, lavancement ou quand il peut
impunment en saisir loccasion ? Dans la souffrance,
est-il prolixe, bavard ou silencieux et muet ? Sil
souffre depuis longtemps, est-il nanmoins gai,
joyeux ?
2) Passions. A-t-il des passions tenaces ? laquelle
sadonne-t-il le plus volontiers ? Peut-il rsister une
impression vive sensuelle et prsente ? A-t-il un
penchant la mlancolie qui a la passion pour cause
ou nest-ce que pur temprament ? Est-il avare ou
enclin la prodigalit ? Et de quelle faon ? Aime-t-il
la chasse ? De quel type ? Aime-t-il couter et assister
des histoires de meutres ?
V. uvres, habitudes, actes.
1) En paroles. Dans ses discours, aime-t-il donner
les moindres dtails ? Contredit-il volontiers ? Coupe-
t-il la parole aux autres ? Se limite-t-il son sujet ou
parle-t-il dans un court laps de temps de matires
INTRODUCTION MON APOLOGIE 174
Diffrentes, nayant aucun lien entre elles ? Devient-il
fbrile au cours des discussions ou reste-t-il gal
lui-mme ? Fait-il une diffrence entre les personnes
auxquelles il sadresse ? Dveloppe-t-il des dmonstra-
tions ? Fait-il souvent appel la rputation des autres
la place des preuves ? Est-il obligeant, grossier, direct
dans ses expressions ? Veut-il tout savoir mieux que
les autres ? Trouve-t-il facile ce que des gens sagaces
trouvent difficile ? Fait-il volontiers des remontrances
avec sang-froid, srieux, politesse, mordant, accri-
monie, concision, fermet ? Contientil sa semonce au
point de la laisser clater ? Confie-t-il facilement des
secrets, les siens ? Aux trangers, des ides ? Ds le
dbut de la rencontre ? Comment parle-t-il avec ses
domestiques ? Presque jamais, brivement, dsagra-
blement ? Sur le ton de la plaisanterie ou de la confi-
dence ? Se dispute-t-il aussi avec eux au sujet de fautes
minimes ? Leur relate-t-il tous ses crimes, mme si
cela lui semble vulgaire et perfide ? Raconte-t-il ses
amis le malheur des siens ? Aime-t-il leur rappeler des
choses dsagrables ? Met-il volontiers autrui dans
l'embarras ? Aime-t-il le taquiner ? Cache-t-il volon-
tiers les erreurs des autres ? Cherche-t-il dvoiler les
faiblesses de ses amis en prsence dtrangers ? Com-
ment parle-t-il de ses bienfaiteurs ? Avec bont,
reconnaissance ? Les prsente-t-il aussi aux autres en
tant que tels ou a-t-il honte davoir reu quelque
chose deux ? Est-il encore reconnaissant quand il na
plus besoin deux ? Quand ils se dressent sur son
chemin contre ses connaissances et sa volont ? Parle-
t-il souvent de sa femme, de ses enfants, et en quels
termes ? Rit-il volontiers ? De ses propres ides ou de
celles qui lui sont trangres ? Rarement, souvent,
fortement, brivement, continuellement, pour nim-
LE VRITABLE ILLUMIN 175
porte quelle bagatelle ? Propose-t-il volontiers ses ser-
vices, mme celui quil ne connat pas encore ?
ceux quil ne peut ni ne veut aider ? ses ennemis
galement ? Com-ment parle-t-il des nobles ? Des
princes ? Des autorits ? Avec mpris, respect, en bien,
en mal, comme ils le mritent ? Seulement de leur
bont ou aussi de leurs erreurs ? Seulement en mal,
bien qu'ils aient des vertus ? Comment sadresse-t-il
aux nobles ? Servile-ment, avec respect, familiarit ?
Loue-t-il leurs folies, voire leurs crimes ? Leur donne-
t-il tout le temps raison ? Comment parle-t-il de la
basse classe ? Avec ddain, despotisme, raison, justice ?
Comment sadresse-t-il aux petites gens, ses subor-
donns ? contre-cur, souvent, rarement ? Seule-
ment en labsence dune meilleure socit ? Seulement
quand il en a besoin, et peu souvent du reste, ou fait-il
comme sil ne les connaissait pas ? Est-il aimable avec
eux ou ddaigneux, mme en prsence de nobles ?
Seulement pour se faire apprcier du plus grand nom-
bre ? Pour faire venir lui l'homme du commun ?
Pour donner un exemple aux nobles ? Modrer leur
fiert ? Pour faire dtester les nobles et se faire aimer ?
Pour faire honneur celui qui, dans la basse classe, est
galement mritant ? Pour attirer sur cette dernire
l'attention des grands ? Leur parle-t-il avec fiert,
imptuosit, familiarit ou selon son rang ? Dit-il oui
tout ? Par crainte, flatterie, stratgie ? Pour sonder
les autres ? Par btise ? De quoi aime-t-il parler ? De
lui-mme ? Des temps corrompus ? De largent, des
intrts, de lusure, de son mtier, de lconomie
domestique, des affaires dtat, religieuses, de la libre
pense, de la crainte de Dieu, de la prire, des
sciences, des erreurs et dfauts des autres, des nou-
velles, des bagatelles, de la mode, de la parure, des
INTRODUCTION MON APOLOGIE 176
habits, de la faveur des grands, de l'honneur, de la
distinction, de la correspondance qu'il entretient avec
les plus grands ? De l'amour, des filles, du manger, du
boire, du vin, du jeu, de la chasse, des intrigues de
cour ? A-t-il tendance maudire et quoi ? La religion,
la superstition, lhypocrisie, le fanatisme, lintol-
rance, les gouvernants, les ministres, les ecclsias-
tiques, les moines, la noblesse, les militaires, les
savants, les critiques, les rsistances, la vanit, les
corruptions du monde, les contempteurs de la reli-
gion, les dtracteurs du clerg, les abus de son glise,
le gaspillage, la magnificence ou les amis de ceux avec
lesquels il parle, bien quil sache que ce sont leurs amis ?
Le mrite non rcompens ? Les autorits ou l'lo-
quence, la philosophie, les innovations ? Ses propres
amis et parents ? Toutes les conditions, gens et insti-
tutions du monde ? Ou se maudit-il lui-mme et
pourquoi ? Pour tre lou ? Afin de dcouvrir ce quils
pensent de lui ? De pouvoir s'amender ? De faire
montre dimpartialit, de connaissance de soi ?
Maudit-il constamment ? En prsence de tout le
monde sans distinction, ou seulement avec certaines
personnes ? certains moments ? Avec qui ? Quand
et pourquoi ? Par habitude, mchancet inne, pour
nuire, calomnier, convaincre autrui, le sonder, se
montrer, dire quelque chose, chagriner les autres, les
mettre en colre ? Pour divertir, par examen, par zle
pour les bonnes causes ? Par lgret, imprudence,
colre, vindicte, fanatisme, patriotisme, btise ? Ses
insultes sont-elles de simples mots ou des raisons, des
moqueries ? Quelles conversations vite-t-il, au cours
desquelles se tait-il compltement ? Parle-t-il de tout ?
Interrompt-il aussi par ses discours, aime-t-il inter-
roger ? Exagre-t-il, blme-t-il, jure-t-il en parlant ?
LE VRITABLE ILLUMIN 177
Laisse-t-il galement la parole aux autres ? Son
discours est-il imag, signifiant, tranch, sans force,
nergique, laconique, tendu, dclamatoire, relev,
enjou, obscur, clair, mystique, nigmatique, vrai,
faux ? Procde-t-il mystrieusement, prend-il les gens
part, parle-t-il volontiers l'oreille ? Se comporte-til
comme sil connaissait dj le sujet ? A-t-il tendance
plaisanter et dire des mchancets ? Devient-il
passionn dans la contradiction ? Cde-t-il facilement
ou difficilement ? Accepte-t-il les arguments ? Se
dcide-t-il rapidement ? Renie-t-il son premier juge-
ment quand il reconnat son erreur ? Est-il complai-
sant ? Fait-il Des louanges ? Des tmoignages damiti ?
Glorifie-t-il les autres en leur prsence ? De qualits
dont il sait qu'ils ne les possdent pas ? Cherche-t-il
leur dire des grossirets ? Est-il facilement admiratif ?
De quoi ? galement des choses de tous les jours ? Ne
maudit-il pas dautres moments les choses quil
louait par ailleurs ? Questionne-t-il lun propos dun
autre ? A-t-il de la subtilit dans ses louanges ? Loue-
t-il galement ses ennemis ? Sur quoi ? Pourquoi ?
Auprs de qui ? En quelles occasions ? Demeure-t-il
constant en paroles et jugements ? Que loue-t-il chez
lui-mme ? Sa beaut, sa raison, son bon cur, sa
finesse desprit, son habilet physique, ses manires,
ses gots, sa modration, son courage, sa bravoure, sa
renomme, sa dvotion, sa religion, son zle, son
quit, sa condition, son impartialit, son dsintres-
sement, sa finesse, ses intrigues, ses vices, ses crimes,
sa noblesse, sa famille, son bonheur, sa richesse ? A-t-il
tendance faire des promesses et les tient-il ? Aime-t-
il donner des conseils ? Est-il amoureux de sa propre
astuce et de ses ides ? Les rpte-t-il souvent ?
chaque occasion ? Met-il du temps les ramener
INTRODUCTION MON APOLOGIE 178
lhomme ? Fait-il passer des ides trangres pour les
siennes ? Mme en prsence de lauteur ? Aime-t-il
bien raconter souvent ce que lon peut avoir entendu
dj plusieurs fois avec dgot ? Parle-t-il grossire-
ment, vulgairement, de faon impudique, quelque
soit la personne prsente ?
2) En criture. Comment est son style ? Dans les
lettres ? Dans les livres ? A-t-il publi quelque chose ?
Pourquoi ? De quelle valeur ? Quels principes y
enseigne-t-il ? Donne-t-il volontiers lecture de ses
travaux, mme quand personne naime les entendre ?
Quelle rputation, quelle influence ont ses crits ?
3) En actions. Comment est-il dans la colre et la
haine ? Quels gens dteste-t-il ? Pourquoi ? Contre
quoi sindigne-t-il ? Des bagatelles, des contradic-
tions, la louange, le blme, le mpris ? Des reproches ?
Et surtout par quoi ? L'inconstance, la lenteur des
autres, la ruine de ses desseins, la mchancet, linjus-
tice, les fausses accusations ? Loppression gnrale, la
btise, linjustice, les causeries libres et peu chties ?
Les critiques de sa patrie, lami, le bienfaiteur, l'ingra-
titude ? Quand lon rpond son srieux avec
bouffonnerie, quon le tourne en ridicule ? Parvient-il
cacher sa colre ? Comment se comporte-t-il quand
son ardeur est oppose la bont ou lindiffrence ?
Comment exprime-t-il sa colre ? Frquemment, faci-
lement, d'un seul coup, aprs un certain temps, en
injures, en discours irrits et mordants, par le mpris,
labaissement, le dnigrement ou d'autres actions
dommageables ? Sait-il pardonner les offenses ? Par
quoi est-il rconcili ? Cette rconciliation est-elle
srieuse ou contrefaite ? Comment est-il en amour ?
Peut-il le cacher ? quoi va son amour ? la jouis-
sance, aux passes-temps, au mariage, aux intrigues ?
LE VRITABLE ILLUMIN 179
Lui en cote-t-il quelquargent ? Quel genre de fem-
mes aime-t-il ? Celles qui lui ressemblent, les maries,
les distingues, les petites, la premire venue, la meil-
leure, la romantique, la sensible ? Est-il versatile en
amour ? S'gare-t-il ? Mme dans le mariage ? Son
inclination est-elle remarquable ? Comment traite-t-il
ses aimes si vient la rupture ? Est-il jaloux ? Est-il
matre de lui-mme en amour ? Pour plaire lobjet
aim, ajourne-t-il son travail, met-il ses amis et son
devoir entre parenthses ? Lamour le rend-il bavard ?
Cherche-t-il chaque occasion de parler son aime ou
lui parle-t-il seulement des heures dtermines ?
Est-ce lui qui a choisi ces heures ? Se rend-il ridicule
aux yeux des autres par ses actes amoureux ? Est-il
fantasque, motif, romantique en amour et aveugle
aux dfauts et erreurs de la femme ? Comment se
comporte-t-il envers les domestiques ? Prend-il plus
de gens que ncessaire ou moins ? Les tourmente-t-il
par un travail excessif ? Leur donne-t-il trop ou trop
peu de salaire ? Ne laisse-t-il absolument pas venir les
gens de service en sa prsence ? Regarde-t-il leur
doigts ? Vrifie-t-il leurs comptes ? Restent-ils volon-
tiers et longtemps servir chez lui ? Pour quelles
raisons le quittent-ils ou les chasse-t-il ? Les traite-t-il
avec srieux, avec douceur, avec des coups ? Com-
ment traite-t-il les domestiques gs, malades ? Que
disent de lui ses ex-domestiques, hormis en ce qui
concerne le service ? Quel discours tient-il sur ses
anciens servants ? Aime-t-il frquenter du monde ?
Pourquoi ? Par curiosit, effronterie, pour tre infor-
m, connatre le monde et les hommes ? Afin densei-
gner aux autres, uniquement pour devenir clbre et
tre connu ? Afin de faire des dcouvertes ? Pour des
intrigues ? Par vanit ? Sur une longue dure ? Pour
INTRODUCTION MON APOLOGIE 180
slever ? Pour mdire des autres et les faire tomber ?
Quelles personnes prfre-t-il frquenter ? Les nobles,
les dvots, les petites gens, les savants, les voluptueux,
les vaniteux, les passionns, les doux, les indolents, les
ignorants, les vieilles femmes ou les jeunes, les gens
beaux ou laids ? Tous sans distinction ? Beaucoup ou
quelques gens choisis ? A-t-il lui-mme choisi sa
socit ou sont-ce son rang, sa condition, le manque
dhommes meilleurs ou dune socit prfrable qui
ly ont contraint ? Frquente-t-il volontiers les gens de
son rang ? Quelles sont les fonctions, les gots, les
passions dominantes de ses plus fidles comparses ?
Aime-t-il la compagnie des gens dont il peut
apprendre quelque chose ou quil instruit ? Dans son
commerce avec autrui, est-il plaisant, facilement
mallable, intime, humble, stupide, modeste ou non ?
Prfre-t-il les socits srieuses aux socits de plaisirs ?
Accepte-t-il les visites ? Comment traite-t-il ceux qui
le retiennent trop longtemps, qui arrivent mal
propos ? Leur donne-t-il cong ? Prtexte-t-il des
affaires ? Commence-t-il parler avec eux de petites
choses indiffrentes ? Quand il constate que sa visite
pse sur les autres, sen va-t-il ou reste-t-il ? Aime-t-il
la solitude ? Pourquoi ? Parce qu'il est amoureux ? Par
amour du travail ? Par dvotion, crainte de la sduc-
tion, par tendance la mlancolie, par haine des
hommes, par fiert, pour prendre part des intrigues
secrtes ? Par amour du calme ? Par indolence aprs
un long travail ? Parce qu'il ne possde pas les qualits
pour plaire en socit ? Par pauvret ou ambition,
pour se laisser dsirer ? Par conomie, hypocondrie,
maladie ? Cherche-t-il alternativement la solitude et
la socit ? Comment se comporte-t-il lgard des
gens plus levs ? Leur rend-il visite avant tous les
LE VRITABLE ILLUMIN 181
autres ? Demeure-t-il dans ltiquette ou les traite-t-il
comme des gaux ? Abuse-t-il de leur bont ? Se fait-il
familier ? S'incline-t-il devant leur dignit, leur rang,
jusqu' la flatterie, labaissement ? Se laisse-t-il utiliser
par eux comme instrument de leurs desseins ? De
leurs intrigues ? Sait-il se rendre ncessaire eux ? Par
quoi ? Ses vues, la recherche de leurs secrets de famille ?
Par faiblesse ? Comment supporte-t-il leurs rudoie-
ments, leur mpris, leur ddain, sen indigne-t- il ?
Cesse-t-il de leur rendre service ou fait-il comme si de
rien ntait ? Et si cela se produit souvent, se laisse-t-il
maltraiter ? Excute-t-il leurs affaires bnvolement,
flatte-t-il galement leurs parents ? Leurs domestiques ?
Leur prte-t-il de l'argent ? Se laisse-t-il aussi traiter
par leurs domestiques au mpris de son rang, en vue
dobtenir quelque pouvoir ? Ou dtre convi un
festin ? Les tente-t-il ? Dteste-t-il ceux qui naspirent
pas la domination ? Les traite-t-il avec hostilit, bien
qu'ils ne l'aient jamais offens ? Cherche-t-il se
glisser dans le secret des grands ? Les poursuit-il ou
attend-il dtre appel ? Imite-t-il leurs gestes et leurs
manires ? Pourquoi cherche-t-il la frquentation de
tel ou tel grand ? Comment se comporte-t-il envers un
grand dchu ou celui qui ne peut plus l'aider ?
Comment traite-t-il ses gaux ? En particulier ses amis ?
En a-t-il beaucoup ? Lesquels ? Son amiti est-elle
fidle, troite, tendre ? Sait-il se modrer dans les
excs de sa jouissance ? Comment parle-t-il de ses
anciens amis ? Des gens absents ? Formule-t-il des
exigences fortes ses amis ? Qu'exige-t-il deux ? De
largent, de laide, des recommandations, une instruc-
tion, du divertissement, daimer et de har comme il
aime et hait ? Des louanges, de ladmiration, de
lapprobation ? Veut-il que tout aille selon ses ides ?
INTRODUCTION MON APOLOGIE 182
Leur fait-il galement ce qui les agre ? Bien que cela
lui soit difficile ? Se dispute-t-il avec eux et pourquoi ?
Souvent, longtemps ? Se rconcilie-t-il facilement
avec eux ? Comment se comporte-t-il lors dune
rupture ? Se fait-il facilement des amis ou teste-t-il ses
frquentations ? Leur communique-t-il tout de suite
ses secrets, par quoi ils pourraient un jour devenir
dangereux pour lui, ou reste-t-il sur la rserve ?
Comment parle-t-il de ses amis absents quand il ont
t outrags ? Aime-t-il changer ? Est-il plaisant ?
Est-il prvenant envers eux ? Est-il serviable, prsente-
t-il facilement des excuses ou fait-il durer les bienfaits ?
Rend-il la complaisance ? Leur reproche-t-il ses ser-
vices ? Comment se comporte-t-il envers eux quand il
est heureux ? Dans une brillante situation ? En levant
subitement sa condition ? Si un malheur les atteint ?
A-t-il honte deux ? Les vite-t-il ? Les insulte-t-il ?
Nie-t-il toute intimit avec eux ? Les repousse-t-il avec
rudesse ? Leur refuse-t-il toute aide, tout conseil, toute
patience, toute recommandation, tout entretien, toute
protection ? Comment les traitet- il dans les socits
o ceux-ci brillent peu ou ne sont pas beaucoup
estims ? Les abandonne-t-il en raison des reproches ?
De la disgrce de gens plus haut placs ? De poursuites ?
Par quoi l'ami a-t-il sombr dans le malheur pour
quil ait honte de lui ? Comment se conduit-il face au
grand bonheur de ses amis, sils deviennent ses gaux
ou se distinguent de lui ? Avec jalousie, avec joie ?
Croit-il facilement ce que dautres disent de ses amis ?
Les condamne-t-il aussitt ou les met-il simplement
en question ? Comment se comporte-t-il si son ami la
dup ? Comment est-il dans son rapport ceux qui lui
sont infrieurs ? Est-ce leur socit quil prfre ou les
dteste-t-il et vite-t-il de les frquenter ? Les ren-
LE VRITABLE ILLUMIN 183
contre-t-il en secret ? En a-t-il de la fiert ? Avec une
expression ferme ? Sait-il leur rendre supportable le
rang auquel ils sont ? Traite-t-il les misrables comme
ses gaux, et les nobles ? Connat-il la valeur des
classes infrieures ? Est-il dur avec ses subordonns ou
indulgent, exagr dans ses exigences et ses impts ?
Rend-il chaque rang, chaque personne, chaque
fonction la part dhonneur qui lui est due ? Pour
quelle raison ? Par conviction, devoir, crainte, ruse ?
Adopte-t-il un mode de vie pour plaire ses domes-
tiques ? Les craint-il ? Comment traite-t-il ses dbi-
teurs ? Ses cranciers ? Se conduit-il loyalement en
matire de paiements ? Cherche-t-il liminer peu
peu les vieilles dettes ou en fait-il de nouvelles ?
Comment se comporte-t-il quand il prend les autres
en train de commettre une faute ? Comme sil navait
rien remarqu ? Utilise-t-il leur faiblesse pour pro-
mouvoir ses desseins ? Pour les mettre son service ?
Les menace-t-il de dnonciation ? En rit-il tout haut ?
En discute-t-il ? Sen dtourne-t-il avec indiffrence ?
Ne cherche-t-il pas en faire un quelconque usage ?
Veut-il cacher les dfauts des autres ? Les met-il en
garde pour lavenir ? Comment traite-t-il les gens
qui il a montr sa faiblesse accidentellement ou par
vanit, imprudence, ncessit, et qui connaissent ses
affaires les plus secrtes ? Les dteste-t-il pour autant ?
Les craint-il ? Est-il leur merci ? Leur fait-il encore
plus confiance ? Cherche-t-il leur retirer sa confiance ?
Les rencontre-t-il avec fiert, mfiance, en leur faisant
offense ? Comment traite-t-il ses frres des autres
religions ? Les aime-t-il ou les dteste-t-il ? vite-t-il
de paratre avec eux en public ? Ou veut-il leur chute ?
Comment se conduit- il dans la maladie, le malheur,
la perscution ? Avec fermet, patience, mollesse,
INTRODUCTION MON APOLOGIE 184
indolence, imptuosit, dsespoir ? Est-il fier de sa
richesse ? A-t-il honte de sa pauvret ? Veut-il paratre
riche ou ne fait-il aucun secret sur sa condition ?
Comment voit-il la mort de ses parents, de sa femme,
de ses enfants, cousins, amis, protecteurs, ennemis ?
Souhaite-t-il leur mort, sou-haite-t-il quils vivent ?
Pourquoi ? Comment accueille-t-il les offenses ? Avec
silence, flegme, par de bons mots, des excuses, de la
violence, une riposte, la calomnie, la ruse, le mpris ?
Comment lve-t-il ses enfants ? quoi les destine-t-il ?
Comment vit-il avec sa femme, comment la traite-t-il ?
En public, en secret ? Comment se comporte-t-il dans
les dners, avec la boisson ? Avec modration, pour
quel motif ? Par manque, besoin, avarice, amour de la
vie et de la sant, conviction du devoir, afin dtre
plus apte son travail ? Par pit, par vanit, par
nature ? Comment se conduit-il aux tables trangres ?
Apprcie-t-il dy prendre place ? Est-il galement
gnreux envers ses htes ? Mange-t-il avec voracit ?
Vite ou lentement ? Qua-t-il plaisir manger et
boire ? Aime-t-il manger seul ? Et si tel est le cas, se
fait-il quand-mme servir avec pompe ? Est-il gour-
mand ? Doit-il tout avoir en premier ? Combien de
fois par jour mange-t-il ? Sadonne-t-il la boisson ?
Est-il souvent ivre et comment se comporte-t-il alors ?
De faon hargneuse, grossire, amoureuse, bavarde,
joyeuse, correcte, nave, tmraire, malicieuse, ob-
scne, paresseuse, lascive ? A-t-il besoin que les autres
boivent ? Se rend-il souvent lauberge ? Est-il coutu-
mier de l'ivrognerie ? En parle-t-il facilement ? Aime-
t-il ce genre de socits ? Aime-t-il les chiens ? Quelle
race possde-t-il ? Comment traite-t-il ses btes ? Ses
chevaux ? Aime-t-il casser, briser, dtriorer les choses ?
Fume-t-il ou prise-t-il le tabac ? Ou quelles sont ses
autres habitudes ?
LE VRITABLE ILLUMIN 185
VI. Situation matrielle, train de vie, relations.
1) Condition. Quels sont ses revenus ? Combien
en escompter ? Des dettes ? Beaucoup ? Pour quelles
raisons ? Par besoin, manque, pour le maintien de son
rang, pour vivre dans la volupt ? Pour paratre
magnanime ?
2) Rang.
3) Rputation. Bonne ou mauvaise ? Auprs de
quelles personnes ? Bonnes ou mchantes, intelli-
gentes ou stupides ?
4) Religion. En laquelle professe- t-il sa foi ? Est-il
dvt, modr, craintif, superstitieux ? Participe-t-il
normalement au culte extrieur ? Comment se
conduit-il dans les glises des religions-surs ?
5) Relations. Qui sont ses parents ? Quelle est leur
mentalit ? Vivent-ils encore ? De quelle maladie
sont-ils morts ? A-t-il une grande famille ? Est-il
soumis au npotisme ? A-t-il une femme ? Qui et
comment est-elle ? Comment la-t-il rencontre ?
quel ge ? A-t-il des enfants ? Combien, de quel ge ?
6) Affaires. Comment gre-t-il ses affaires, ses
travaux ? Ngligemment, avec paresse ? Assiduit,
ponctualit, justesse, loyaut ? Reporte-t-il facilement
un travail ? Quelles affaires entreprend-il volontiers ?
Juste les fonctions publiques ou galement les autres ?
Accepte-t-il les travaux par lesquels il peut se
distinguer ? Mme les tches suivies, longues ? Ne se
fatigue-t-il pas, nest-il pas contrari, rendu pusil-
lanime par les difficults, les dangers, par lissue
incertaine ? A-t-il tendance changer de travail ?
Cherche-t-il se perfectionner dans sa fonction,
surpasser les autres ? inventer ? Dveloppe-t-il ce
quil dcouvre ? Comment se comporte-t-il aprs des
tentatives choues ? Travaille-t-il vite, facilement, de
INTRODUCTION MON APOLOGIE 186
faon passagre, avec peine, fermet ? Na-t-il aucun
livre ? En a-t-il beaucoup, quelques-uns ? Sur quelle
matire portent la plupart dentre eux ? Sur un peu
tout ? Des livres de prires et de mditation, de
lgendes, des postilles, des histoires politiques, des
romans, des pices de thtre, des ouvrages dalchi-
mie, maonniques, kabbalistiques, thosophiques,
dautres mystiques, de mtier, militaires, conomi-
ques, juridiques, thologiques, obscurs, de libre-
pense, scolastiques, les plus rcents ou les anciens ?
Les a-t-il lui-mme achets ? De son propre chef ou
sur les conseils des autres ? Sont-ils trs uss ? Les
prte-t-il aux autres ? Lit-il volontiers, souvent et
quels moments ? Longtemps ? Quel crivain en
particulier ? Quel est son livre prfr ? quoi passe-t-
il son temps ? Aime-t-il les jeux ? Lesquels ? De
hasard, de rflexion, de commerce ? Ceux qui servent
la formation, linstruction ? O lon peut montrer
son astuce ? Pour largent ou pour rien, pour de
grosses sommes ? A-t-il de la chance, de la malchance ?
Joue-t-il par habitude, complaisance, pour passer le
temps, par appt du gain, besoin, dsespoir, pour
nouer des relations, tre bien vu ? Comment ragit-il
quand il gagne, quand il perd ? Est-il querelleur,
moqueur, tricheur ? Sait-il se matriser dans la dfaite ?
Sarrte-t-il aussitt quil a gagn ? Renie-t-il ses gains ?
Et veut-il toujours avoir perdu ? quoi emploie-t-il
sa solitude ? Au recueillement, lire, crire,
tudier, des bagatelles, frquenter ses voisins,
soccuper de sa maison, des plans, des projets,
loisivet ?
7) Correspondance. Entretient-il une grosse
correspondance ? O ? Est-il rgl dans ses rponses ?
Comment conserve-t-il ses lettres ? Tranent-elles
LE VRITABLE ILLUMIN 187
nimporte o ? Laisse-t-il en vidence celles qui sont
dchires ?
8) Sommeil. Aime-t-il dormir ? Longtemps,
souvent, par fainantise, maladie ou pourquoi ? Com-
ment est-il quand il se rveille ? Est-il facile lever ?
Que se passe-t-il quand on le rveille en sursaut ?
Parle-t-il en dormant, rve-t-il et de quoi ?
9) Vtements. Habitation. Est-il convenablement
ou mal habill ? Ses vtements sont-ils propres ou
sales, dchirs, somptueux, au-dessus ou en-dea de
son rang ? Alterns, varis, dmods, la mode ?
Quelles couleurs aime-t-il ? Bigares, neutres ? Le
trouve-t-on chez lui vtu avec magnificence, ou sinon
comment ? Porte-t-il longtemps les mmes vtements ?
Achte-t-il volontiers des vtements dj ports ?
Est-il le premier adopter une mode ? Change-t-il
dhabits selon le moment, le lieu, les situations, les
personnes ? Comment sa demeure est-elle amnage,
sa chambre ? A-t-il le ncessaire, ce dont il a besoin, le
superflu ? Le mobilier correspond-il son rang ? Dans
quoi met-il surtout son argent ? Les ustensils de
cuisine, les tables, tableaux, livres, chaises, quipe-
ments de chasse ? Dans sa cave, en tissus, articles
galants, argenterie, tapisseries, dans ce qui plat aux
yeux ? Quest-ce qui y est utile et durable ? Ses
meubles sont-ils de bonne facture, de bon got,
choisis, ordonns, propres ? galement ceux quil doit
utiliser quotidiennement ? Tout est-il rang ou dispos
ple-mle ? Son rangement trahit-il trop danxit ?
INTRODUCTION MON APOLOGIE 188
Annexe C
Nosce te ipsum
14
Caractre politique
Comment il est.
1) Nom, prnom.
2) Parents.
3) Proches, amis, ennemis.
4) Sant.
5) Habillement.
6) Connaissances.
O se trouvent
a) Ses livres ?
b) Quelles sciences aime-t-il particuli-
rement ?
7) Comment fut son ducation ?
8) Sa situation ?
a) Clibataire ou mari ?
b) Avec ou sans enfants ?
c) Quelle fonction ou comment a-t-il russi ?
d) Comment la remplit-il ?
9) Ses revenus.
10) Quelle attitude adopte-t-il dans son foyer, sa
chambre, etc. ?
Condition physique.
1) Quelle est sa nature ?
a) Gestes.
b) Allure.
2) Comment est sa tte ? Quel maintien ?
3) Son front ?
4) Ses yeux, son regard.
5) Sa bouche.
LE VRITABLE ILLUMIN 189
a) Sa voix.
b) Son locution.
6) Ses cheveux. Leur couleur.
Caractre moral.
1) Quelle est sa rputation ?
a) Prsentement.
b) Comment tait-il ?
c) Auprs des grands ?
d) Auprs des petites gens ?
e) Des gens dglise.
f) Pourquoi ?
2) Comment est-il vis--vis de ses parents ?
a) De son pre, de sa mre.
b) Est-il proche deux ou loign ?
3) ducateurs.
4) Bienfaiteurs, protecteurs.
5) Ennemis.
6) Grands, gens de haut-rang.
a) En leur prsence.
b) Ailleurs.
7) Ses semblables.
a) En leur prsence.
b) Ailleurs.
8) Infrieurs.
a) Subordonns.
b) Domestiques.
9) Hommes dglise.
10) Femmes.
11) Son pouse.
INTRODUCTION MON APOLOGIE 190
12) Enfants.
a) Les siens.
b) Ceux dun autre.
c) trangers.
13) Dans la conversation.
14) En socit.
a) Lapprcie-t-il ?
b) Aime-t-il la solitude ?
c) Quel genre de commerce aime-t-il le plus ?
15) En amour.
16) Dans loffense.
17) Dans le bonheur.
18) Dans le malheur.
19) Par rapport au bonheur et au malheur des autres.
20) Comment se comporte-t-il dans les situations
inattendues ?
LE VRITABLE ILLUMIN 191
IV. RITUEL POUR LES logeS DE RCEPTION
CE GRADE.
1) Quand un Petit Illumin est propos ce grade,
il doit au moins avoir atteint la majorit. Son
caractre sera analys comme il a t dit, daprs le
questionnaire de lannexe B. On y procdera dans les
diffrentes loges de travail jusqu' ce que lon ait
rpondu toutes les questions. Puis le tout sera lu
haute voix et consign, afin de voir si cet homme
convient ou non notre fin dernire. Si trois membres
sopposent son lection, il ne pourra pas tre admis.
Sils sont deux ou quun seul sy oppose, un matre
Suprieur tranchera.
2) Ensuite est annonce la conclusion de la
runion des Illumins dirigeants, lesquels peuvent
confirmer ou ajourner lavancement.
3) Sil est confirm, le candidat est appel au
temple, par le Grand Matre qui, en prsence du
Secrtaire Secret annonce ce dernier : On la estim
digne dtre reu un grade suprieur. Cette classe
doit nanmoins constituer, de manire extrmement
importante, un lien solide, indissoluble entre les
meilleurs hommes, des tres prouvs, les plus con-
fiants qui chercheront sentraider en tout et se
rendre la vie douce et agrable : mais une seule
volont y est essentielle et aucune rserve ni feinte ne
doivent rgner parmi eux ; il doit par consquent
sexprimer sur les points suivants :
a) S'il a, au sein dune quelconque autre socit,
trouv un meilleur systme, non profan, bas
sur des principes plus solides, et qui satisferait
davantage ou plus rapidement ses dsirs ?
b) Si, en entrant dans lOrdre, il sagissait plus
pour lui de satisfaire sa curiosit que de lalliance
INTRODUCTION MON APOLOGIE 192
avec la meilleure part des tres humains en vue
du bonheur du monde.
c) S'il veut, avec notre institution, et pour autant
quil connaisse ce qui lui agre, collaborer en
suivant nos plans ou sil a quelque chose de plus
proposer et quoi.
d) Sil veut appartenir entirement l'Ordre ou
reculer tout fait, parce qu'aucun moyen terme
na lieu dtre dans les degrs suprieurs ?
e) Il doit rvler sil est membre dun autre ordre
ou d'une autre socit et dire laquelle.
f) Si cette socit exige de lui quelque chose qui
irait lencontre de notre institution, qui vou-
drait, par exemple, dvoiler nos secrets, ne tra-
vailler que pour elle-mme et autres choses du
mme accabit.
g) Si, dans le cas o il devait encore lavenir tre
rclam par un autre ordre, il souhaiterait ou non
sy engager. Et tout cela, sur son honneur.
4) Une fois quil aura rpondu, on exigera de lui :
Avant de pouvoir tre promu, dexposer tout
simplement son curriculum vitae, sans fard et, quand
il sera prt, de le remettre scell au G.<rand>
M.<atre>. Ce dernier examen de sa sincrit dcidera
de son destin.
5) Un procs-verbal des rponses du candidat et
du droulement de laction sera rdig et on lui
donnera ensuite cong.
6) Quand le membre admissible aura, au bout de
quelques temps, achev son curriculum vitae, quil
laura remis, que ses rponses auront t examines et
que rien de dangereux ny aura t dcel, on fixera le
jour de sa rception.
LE VRITABLE ILLUMIN 193
7) Le jour habituel de runion correspond
chaque premier quartier de lune.
8) On le conduira dans une pice isole o lon
aura pos sur une table une plume, de lencre et du
papier.
9) Dans lintervalle, on ouvrira la loge.
10) La loge est entirement tendue de noir. Au
fond de la salle, on aperoit une porte massive ferme
clef. Cette loge doit reprsenter lavant-cour de la
loge cossaise. une table, devant la porte, sigent le
Grand Matre et, sur sa gauche, le Secrtaire Secret.
Les deux Grands Surveilllants sigent en contrebas,
une autre table situe vis--vis de lui, et entre eux se
tient lIntroducteur*. Les autres Frres sont leur
place, de part et dautre. Tous portent le tablier cos-
sais et des manteaux noirs. Le Grand Matre et les
Surveillants en chef tiennent le maillet. Excepts eux,
personne ne porte dinsigne. Il ny pas non plus de
tapis ni rien de visible. Le Secrtaire rdige le procs-
verbal. Sur la table, lexception du livre de rituels,
etc., il ny a rien dautre que le tablier pour le nouveau
Frre ainsi quun miroir manche circulaire. Sur la
table du Grand Matre se trouvent quatre chande-
liers, sur celle des Grands Surveillants, mme chose. Il
ny a aucune autre lumire dans la pice. droite du
Grand Matre est suspendue une Lune brillant dans
son premier quartier.
11) Aprs louverture de la loge, on fait sortir
lIntroducteur qui, ce moment-l, te son manteau
noir. Il se rend auprs du candidat et lui annonce :
Mon Frre, avant de pouvoir vous en dire plus,
* En franais dans le texte.
INTRODUCTION MON APOLOGIE 194
posez lindex de votre main droite sur le cur, levez
la main gauche et rptez aprs moi : Je mengage
ne jamais rvler, mme lheure de ma mort, ce que
je vivrai et entendrai aujourdhui au sein du cercle
troit des Frres fidles et ternellement lis, et
dsormais au sein de lO Illustre, considrant quil
sagit dun secret prcieux que lon me confie. Je le
promets sur mon honneur et sur tout ce qui mest
sacr, cher et aim. Quand le candidat la rpt,
lIntroducteur poursuit : ce degr, une carrire tout
fait nouvelle commence pour vous ; le cercle troit
dhommes dans lequel vous entrez aujourd'hui est
soud la vie la mort, pour se maintenir comme un
groupe damis fidles et loyaux. Ce degr est par
consquent le Noviciat de la Maonnerie cossaise
Suprieure, qui nest dtenue que par lOrdre et ses
allis extrieurs. L'Ordre gre aussi secrtement la
majeure partie du systme fr.<anc>-ma.<onnique>
des grades infrieurs et s'assure pour le moins quils ne
soient pas compltement profans. Les hiroglyphes
de la Fr. Ma. contiennent des vrits sacres et
consolatrices. Dans le grade qui suit, vous recevrez
dj des rvlations ce sujet. Seulement, toutes ces
connaissances nont aucune valeur et seront
finalement perdues pour le monde si nous ne rendons
pas ce dernier plus sage et meilleur. Mais lexcution
de ce plan grandiose requiert la connaissance du cur
de lhomme, la connaissance de soi en tant que partie
la plus ncessaire. Pour ce faire, une instruction
suffisante est communique ce grade et lon y met
en main les outils pour connatre les hommes. Vous
verrez par la suite jusquo nous avons su la pousser.
Cependant, laissez-nous voir une preuve de votre
habilet en ce domaine. Esquissez sur ce papier une
LE VRITABLE ILLUMIN 195
image fidle de votre caractre tel que vous croyez
vous connatre, sans hypocrisie, vous aurez le faire
avec les hommes qui voient dans votre cur. Si vous
y tes rsolu, je vais vous laisser quelques instants seul
cette tche. (Le candidat rpond. On peut en tout
cas lavoir dj prpar pour quil ait en partie achev
la dissertation chez lui, par quoi cela durera moins
longtemps.)
12) LIntroductor laisse prsent le candidat seul
et retourne dans la loge, o le curriculum vitae est lu
par le Secrtaire Secret ; cette lecture donnera locca-
sion au Grand Matre de faire quelques remarques
pour lexplication du portrait de la personne dcrite.
13) L-dessus, lIntroductor sort une nouvelle fois
pour aller qurir la dissertation que le membre
admissible a crite sur son propre caractre.
14) On la lit galement haute voix et le Grand
Matre souligne dans quelle mesure elle correspond
celle bauche en loge secrte, et si elle ne peut pas
tre encore complte par deux autres tudes du
candidat.
15) Une fois que cela a t fait, on envoie le
Secrtaire Secret auprs du candidat ; il reprend avec
lui le portrait trac par la loge et lui dit : Cher Fr.,
par cette dissertation, vous nous avez donn, sur votre
personne, un prcieux signe de franchise et de con-
fiance. Mais en vrit, nous nen sommes pas encore
dignes et, un jour, elle grandira mesure que nous
vous connatrons de plus prs. Donc avanons avec
rserve ! Parmi les hommes qui se perfectionnent
eux-mmes et ceux qui veulent aider le monde
malade, toute dissimulation doit cesser. Nous tu-
dions le cur de lhomme : mais plus lon porte loin
cet art, plus on devient indulgent et tolrant, et plus
INTRODUCTION MON APOLOGIE 196
lon voit quel point nous sommes gouverns par les
circonstances et les passions, combien peu souvent il
dpend de nous dtre meilleurs ou pires. Aussi ne
craignons-nous pas de nous avouer les uns aux autres
nos dfauts, de nous y rendre fraternellement attentifs
et, par l, dexercer notre sagacit et notre esprit
dobservation. Ne serez-vous pas offens que je donne
lecture dun portrait de vous esquiss par lassemble
de vos amis les plus dvous ? Pourtant non...
Comment pourriez-vous ltre ? Ce portrait ne peut
nullement vous nuire, sinon nous ne nous serions pas
vus aujourdhui ; un homme de votre intelligence ne
se croira pas exempt de dfauts. Venons-en au fait :
voici le portrait. Il le lui lit aprs quoi il poursuit :
Vous reconnatrez au moins dans ce portrait
quelques-uns de vos traits. Est-ce encore prsent
votre volont de vous unir aux hommes qui vous
tendent leurs bras fraternels, tel que vous tes ?
Ladmissible rpond et le Secrtaire Secret retourne
dans la loge. 1
16) Aussitt le Secrtaire revenu, on fait sortir
lIntroductor pour aller chercher le candidat la porte
de lavant-cour. Pendant ce temps-l, toutes les
lumires ont t teintes, la pice ntant claire que
par la lune ; les Fr. se cachent nanmoins sous leurs
manteaux.
LE VRITABLE ILLUMIN 197
INTRO.<duction>
2
nd
Gd. Surv. (rptant les mmes coups) : On
frappe en Franc-Maon cossais.
1
er
Gd. Surv. (rpte les mots du 2
nd
Gd. Surv.)
Gd. M. (frappe encore) : Allez-voir qui est l.
1
er
Gd. Surv. (mme chose)
2
nd
Gd. Surv. (sort, regarde et demande) : Qui va l ?
Intro.<ductor> : Il y a ici un Maon honnte,
prouv et clair qui souhaite entrer dans lavant
cour du Sanctuaire Intrieur : jen fais la demande
pour lui. (Le fr.2
nd
Gd. Surv. le laisse entrer, le place
entre lui et le 1
er
Gd. Surv.. LIntroductor entre aprs
lui).
Gd. M. : Voyez ici le cercle sacr des Maons
fidles, runis dans lavant-cour du Sanctuaire Int-
rieur au sein duquel brillent la Vrit et la Sagesse
invioles, qui seront un jour rpandues sur toute la
surface de la Terre. Ces hommes, la sainte lgion des
Nobles, se cachent encore vous, mais ne croyez pas
ltre aussi bien leurs regards Aucun repli de votre
cur nest inconnu de lOrdre illustre. Nu, sans
aucune tache, mme au milieu de la contrainte et de
la rgle, vous vous trouvez dans lassemble des Sages.
Et cet il, mon Fr., voit en profondeur, trs en
profondeur. Mais ne soyez pas effray ; rejouissez-
vous plutt. Votre cur est bon et noble. Vous nau-
riez jamais t autoris entrer dans le cercle des
meilleurs si votre mentalit, votre me taient dissem-
blables aux ntres. Approchez encore (il savance
devant lautel). Ami ! Fr. en Esprit ! Si vous voulez
apprendre de nous le Grand Art daccomplir plus
srement votre priple au milieu des dangers du
INTRODUCTION MON APOLOGIE 198
monde, employez votre regard arm avec art distin-
guer lapparence de la Vrit, limposteur de lAmi.
Aucun il vulgaire, aucun regard commun ny par-
vient. Cest cette acuit du regard, ce degr dillumi-
nation que vous confre lO. Regardez limage dans ce
miroir ! Cest la vtre. La connaissance de soi est la
glace magique par laquelle vous pouvez lire dans lme
dautrui (il lui prsente le miroir). Cest de notre
propre cur que sort la voie qui mne celui des
autres. Commencez donc par vous-mmes ; exami-
nez-vous souvent daprs le questionnaire que vous
trouverez prescrit ce grade de lO. tudiez-vous avec
assiduit. Croyez-vous vraiment tre intrieure-ment
ce que vous montrez lextrieur ? Explorez souvent
votre figure, chaque jour, chaque heure. Vous
dcouvrirez toujours de nouveaux traits et vous ap-
prendrez encore juger les autres daprs ces mmes
traits. Quelle belle vision et, ah ! Quelle vision sou-
vent hassable que celle de son propre cur mis nu !
Nosce te ipsum ! (Le Gd. M. fait alors le signe du
grade). Homme, explore-toi toi-mme si tu veux
sonder les autres et ensuite Nosce alios [connais les
autres] (l, tous les Fr. dcouvrent leurs visages et font
le signe de ce grade). Regardez vos fidles amis qui ne
veulent pas plus longtemps se dissimuler vous. Mais
condition que vous vouliez abandonner vous aussi
toute rserve. ! Instruit par votre exprience sur le
chemin de votre plerinage terrestre, dans la rumeur
du monde o tout est si trompeur et prilleux, laissez
ce miroir tre votre plus fidle conseiller. Tous les
hommes le trouveront en eux-mmes, au fond de leur
cur. Tous sont soumis la mme nature, aux mmes
instincts. Tout le monde saime lui-mme et, en
soi-mme, les autres. De mme que vous rencontrez
LE VRITABLE ILLUMIN 199
constamment chez les hommes des actions et des
effets proches des vtres, il faut que les causes et les
mobiles de tels effets soient similaires. Celui qui se
connat correctement connat tout ; celui qui se m-
connait ne connat personne. Celui qui se connat mal
ou peu porte un jugement aussi erron sur les autres.
Il ne cherche pas dans les autres ce quils sont, mais
seulement trouver ses dsirs insenss, ses passions.
Apprenez par vous-mmes ce que sont les autres, mais
ne laissez pas ce miroir trompeur vous flatter, et ayez
confiance en lui le moins possible quand il vous est
agrable. Nous avons tous des dfauts, le meilleur
dentre nous tant celui qui en a le moins et qui les
connat. prsent, venez moi ! (Le candidat
savance droite de lautel.) Voici le tablier de peau
cossais (il len ceint aprs lui avoir t le tablier de
Matre). Il a t taill en carr, lquerre. Ainsi, votre
cur doit tre orient selon lquerre de la Vertu et
de la Sagesse. Le vert est la couleur de lespoir : vous
pouvez tout esprer de lO si vous tes honnte et
fidle. Le signe de ce grade se fait en posant lindex de
la main droite sur le cur, lindex gauche avec la main
et le bras points vers le haut. Le mot est Nosce te
ipsum et l'autre doit rpondre : Ex te nosce alios
[Connais les autres partir de toi-mme]. Lattouche-
ment se fait la moiti de la veste et du gilet ouverts,
cur contre cur, en embrassant le front de lautre.
prsent, prenez place (le Grand Matre lui
dsigne sa place, tout au fond, et fait allumer les
lumires, puis il poursuit) : Mon Fr., vous avez d
passer par beaucoup de prparations. Il vous a cot
beaucoup defforts pour parvenir ce seuil. Mais nen
ayez aucun regret. Un esprit prpar voit plus clair.
LO connat maintenant votre zle, vos capacits. Il
INTRODUCTION MON APOLOGIE 200
Trouve en vous un homme qui sest mis en condition
de pntrer peu peu les profondeurs et les abmes,
qui, pour la plupart des hommes, restent insondables
et seulement explors par les lus. Ici, aucun pied
profane ne doit fouler le sol, aucun ne le peut, et
beaucoup de ceux qui lont voulu, qui auraient
souhait lacheter avec de largent ou le forcer par la
ruse et la violence, en sont pour cette raison ternel-
lement exclus ; cette Porte de la Lumire (il dit cela en
dsignant la porte derrire lui) ne leur sera jamais
ouverte. Ici, la puissance, la richesse, la renomme ne
valent rien. Une intelligence claire, un cur hon-
nte et bienveillant sont la seule noblesse et la seule
qualit qui en rendent possible laccs. Personne nh-
rite de ce privilge ; ce ne sont pas les actions tran-
gres mais les ntres qui y conduisent. Vous avez des
raisons dtre fier, car beaucoup de bons ont chou.
Nous sommes maintenant si assurs de votre loyaut
et de votre discrtion que nous nexigerons plus de
vous aucun serment ni preuve. Fiez-vous dsormais
votre guide. Les Suprieurs vous donneront ce qui
vous sera profitable et ce que vous pourrez supporter.
Vous voyez bien combien nous avons agi avec vous de
faon dsintresse depuis le dbut. Donc continuez
travailler calmement, on ne vous oubliera pas. Nous
exigeons simplement une confiance illimite. Je dois
encore, pour finir, vous poser quelques questions sur
les circonstances partir desquelles nous devons
connatre les opinions de nos meilleurs membres.
Vous vous trouvez l dans le cercle de vos plus intimes
et plus fidles amis peut-tre mme les seuls amis
que vous ayez qui vous connaissent intrieurement ;
alors arrire aux faux-semblants nuisibles. Laissez
parler votre cur tout comme le ntre, en retour, se
LE VRITABLE ILLUMIN 201
prcipite vers vous. Dans le monde rgne si peu de
vrit, Mon Ami, Mon Fr., Mon Fils ! Souvent,
lhomme, avec son bel aspect extrieur et son clat
blouissant, nest quun tombeau recouvert de
badigeon. Cette figure majestueuse, cette empreinte
du Ciel, cette image de Dieu est enveloppe dun voile
trompeur. Tout se dissimule, les mchants pour
tromper et les bons, pour ne pas ltre. Chez les uns,
cest une attaque, chez les autres, une dfense. Cest
un doux plaisir pour le connaisseur des hommes que
de constater quau fond, tous les hommes sont bons,
quils nont quun cur, quune volont. Dites-moi,
meilleur des Fr. :
1) Trouvez-vous quen ce monde, la Vertu soit
rcompense et le vice chti ? Ne trouvez-vous pas au
contraire que le mchant est manifeste-ment plus
heureux, plus estim, plus puissant que lhonnte
homme ? En un mot, tes-vous satisfait du monde tel
quil est ?
(la Rp.<onse> du nouveau fr. est inscrite au
procs-verbal)
2) Ne chercheriez-vous pas, pour changer cet tat
de faits et si vous en aviez le pouvoir, rassembler les
bons, les unir solidement et les rendre plus
puissants que les mchants ? (Rp. au P.V.)
3) Si vous aviez eu le choix, dans quel pays du
globe auriez-vous aim natre au lieu de votre patrie ?
(Rp. au P.V.)
4) quel sicle auriez-vous prfr vivre ? (Rp.
au P.V.)
5) Si vous en aviez la libert, quel rang choisiriez-
vous ? Quelle science ? (Rp. au P.V.)
INTRODUCTION MON APOLOGIE 202
6) quel personnage de lhistoire va votre prf-
rence ou quel crivain est votre matre ? (Rp. au
P.V.)
7) Ne tenez-vous pas pour votre devoir de
procurer autant que possible aux amis prouvs de tels
avantages extrieurs pour rcompenser leur probit,
faciliter leur vie ? Si vous tes prt vous soumettre
aux dispositions quexige ce grade de lO, savoir que
chacun dentre nous sengage dclarer mensuel-
lement dans son Q. L. quels services, quelles sincures
ou autres il a offrir, ou en quoi il peut en plus aider
par ses avertissements, afin que les Suprieurs aient
l'occasion de proposer des sujets dignes aux membres
de lO ? (Rp. au P.V.)
Voyez-vous, mon Fr, nous cherchons sans relche
les meilleurs hommes, quand nous les avons mis
lpreuve, galement pour les rcompenser extrieure-
ment et les encourager et, par l, nous voulons donner
progressivement une autre direction au monde. Puis-
que vous sentez vous-mme combien peu jusqu
maintenant les hommes accomplissent leur destine,
quel point toutes les institutions publiques sont
devenues grossires, combien peu lon a favoris
lenseignement de la Sagesse et de la Vrit pour
parler aux hommes sur un autre ton, et mettre dans
leur cur lintrt quil y a tre bon, vous compren-
drez aussi aisment que cela est d aux moyens quils
ont employs : ceux-ci doivent tre mieux choisis, si
la Vertu et la Sagesse doivent jamais rgner sur le
monde, et c'est la tche de notre Ordre Illustre. Mon
Ami ! Mon Frre ! Mon Fils ! Si runis ici, en ce lieu
sacr et solitaire, nous nous livrons la contemplation
sereine, combien le monde, lui, baigne dans le mal ;
combien le bonheur arrive le moins celui qui le
LE VRITABLE ILLUMIN 203
mrite le plus ; combien la misre, le malheur, la
perscution sont la part de lhonnte homme ; com-
bien dhommes aimables, nobles, avec leurs familles
nombreuses leves dans la Vertu se languissent dans
la misre, doivent tre oppresss par des crapules,
perscuts, dsavantags ; comment le fils y assiste et,
simplement cause de tout cela, devient une personne
mchante pour ne pas souffrir comme son pre ;
quelles roueries, quelles flatteries, quelle oppression,
quelle fausset sont partout encourages ; la Vrit et
la Sincrit sont foules aux pieds, cependant que
lhomme nest quun tre sensible et quil se laisse
exciter par lextrieur ; comment les hommes se dis-
simulent devant leurs semblables et se trompent
toujours mutuellement ; comment chacun cherche
seulement son avantage priv et sacrifie pour cela le
meilleur de lhumanit ; comment les Sagesses se
tapissent dans lombre, comment celui qui, en fidle
philanthrope, souhaite travailler pour le meilleur du
monde, est contraint de fuir de pays en pays pour
chapper aux perscutions... Devrions-nous en plus
nous taire l-dessus ? Seulement soupirer ? Ne jamais
chercher secouer ce joug ? Non, mon Frre ! Fiez-
vous nous ! Cherchez des collaborateurs fidles,
ardents, non dans le bruit et le tapage du monde : ils
se terrent, cachs dans lobscurit, sous la protection
de la nuit antique, o ils sarrtent, solitaires et
silencieux, runis au sein de cercles troits et, tels des
enfants dociles, se laissent diriger par les Suprieurs
clairs. Ils appelent eux tous les fils du monde qui
passent en titubant mais si peu les entendent ! Seul
celui qui a les yeux de lOiseau de Minerve et qui
travaille sous la protection de cet astre bienveillant (il
dsigne la Lune) saura certainement les trouver.
INTRODUCTION MON APOLOGIE 204
Maintenant, envisagez une nouvelle fois tout le
domaine dactions dans lequel vous serez tranport en
entrant dans ce cercle restreint.
17) Le Secrtaire Secret lit :
Aperu gnral sur le systme complet de lOrdre
Plus vous vous leverez au sein de notre Ord.<re>
Ill.<ustre>, mon Fr., plus vous serez convaincu que
nos principes sont ainsi faits quils nauraient nul
besoin de craindre la lumire si les hommes taient
tels quil doivent tre. Malheureusement, il sen faut
encore de beaucoup. Des vrits qui ne vous sont pas
caches et qui vous sont exposes dans lombre des
crmonies sacres, nont, pour la plupart des gens,
rien de vrits. Ce qui est cach a un trop grand attrait
pour vous, et le plaisir de savoir quelque chose que
tout le monde ne sait pas doit vous persuader de
consacrer votre attention des choses sur lesquelles
vous auriez autrement ferm les yeux, aussi impor-
tantes soient-elles et, de cette manire, la pure Vrit
simprimera dfinitivement dans votre me. Il existe
aussi des propositions que lon ne peut tout
simplement pas exprimer, qui exigent de profondes
mditations, des efforts rpts et sur lesquelles tout
le monde nest pas daccord, alors que chacun se
considre volontiers comme le plus intelligent. Si je
veux initier quelquun un systme reposant sur un
trs grand nombre de moyens termes quil aurait
dcouverts dans lenchanement partir de sa propre
rflexion, je lui cacherais le concept total derrire un
voile jusqu ce quil soit prt voir toute la lumire,
et le dsir dy parvenir doit linciter tre attentif
tout, mme la moindre chose. Si je lui prsentais la
fin d'un seul coup, elle ne deviendrait pas importante
pour lui, peut-tre lui semblerait-elle mme fausse, et
LE VRITABLE ILLUMIN 205
lon perdrait ainsi les hommes les plus utiles. Enfin, il
existe aussi certaines vrits des temps anciens, ca-
ches sous des hiroglyphes, qui se perptuent ainsi
uniquement dans la meilleure partie des tre humains,
certaines conceptions de la plus haute Sagesse que
tout le monde ne peut pas lucider, parce que mille
obstacles, prjugs, passions, etc. empchent de
pntrer aussi profondment. De tout temps, celles-ci
ont t enveloppes dimages au sein des coles
secrtes de sagesse pour tre graduellement rvles
aux disciples, plans daprs lesquels furent galement
ordonns les hiroglyphes des trois premiers degrs
symboliques de la Fr.<anc>-Ma.<onnerie>. Tout ce
que notre Or. Ill. enseigne et ralise doit avoir une
influence sur ce quil y a de meilleur dans le monde,
doit faire en sorte que les hommes slvent des pro-
fondeurs de la corruption dans laquelle il se sont
enfoncs, et quils soient rceptifs la Bont et la
Sagesse suprieures. Ainsi, notre Ordre a aussi tudi
lorganisation extrieure de toutes les autres associa-
tions publiques et secrtes pour nen conserver que le
meilleur et viter leurs erreurs. Oui ! Encore mainte-
nant, le plan extrieur des oprations sadapte tous les
jours la modernit, il est chaque jour plus
solidement fond. Mais les meilleures intentions sont
aussi souvent entraves par les gens mauvais ou violes
par des hommes indignes : cependant, notre clandes-
tinit ainsi que lexamen pouss de nos membres nous
garantissent contre l'un et l'autre.
Laissez-moi prsent rsumer en un seul point le
plan densemble de lOr. ; nos deux buts ultimes sont
les suivants :
INTRODUCTION MON APOLOGIE 206
I. Rpandre la pure Vrit.
II. Faire triompher la Vertu.
Pour atteindre le premier, les hommes doivent
tre purifis de leurs prjuges, avoir lesprit clair, puis
ils doivent tre nettoys des subtilits inutiles par la
force conjointe des sciences et correctement dter-
mins daprs les principes puiss dans la nature, et
ainsi sera ouverte lhomme la voie qui, sans obstacle,
conduit la vrit obscure sur le corps. Ainsi devons-
nous ouvrir chaque source d'investigation, rcompen-
ser tous les talents opprims, tirer tous les gnies de la
poussire, enseigner en tous lieux de purs principes
daprs la constitution du sicle, assumer l'ducation
de la jeunesse, nous attacher les meilleurs esprits grce
un lien indestructible, combattre hardiment, mais
avec intelligence, la superstition, les hrsies, la btise,
et enfin, former tous nos gens de sorte que, sur tout
objet, ils aient des notions justes, droites et correctes.
La classe des Minervaux sert pour cela de ppinire,
puis cest la Maonnerie infrieure, sur laquelle lO
cherche garder autant que possible une influence et
quil cherche diriger selon de grands desseins et,
enfin, une classe suprieure dans laquelle les rsultats
de notre pratique et les traditions de nos anctres sont
livrs ceux qui ont t pleinement prpars. Mais
pour donner une assise la Vertu, nous examinons et
formons avec une peine incroyable les curs de nos
disciples. Avec ce genre dhommes, tout est faire.
Toutefois, il ne faut pas commencer en procdant de
faon commune. En loccurence, lenseignement et la
prdication ne servent rien, autrement, ils auraient
depuis longtemps rendu service. Il ny a pas de vrit
trouver qui nait dj t souvent dite, aucun devoir
qui nait t enseign et pourtant, le monde est encore
LE VRITABLE ILLUMIN 207
aujourdhui comme il fut toujours, non pas pire mais
aussi mauvais quil y a mille ans ; cela vient de ce que
les institutions actives dans la promotion du vice sont
trop nombreuses, et quelles agissent beaucoup plus
puissamment que nos prches. Aussi faut-il, de notre
ct, dresser force contre force. Mais il convient alors
dexplorer la source du mal : pourquoi les pires sontils
si nombreux et les meilleurs si rares ? Car la tentation
du mal est plus grande et que, grce lui, on va plus
loin dans le monde. Pour promouvoir la Vertu, il faut
chercher rduire cette prpondrance, pour que
lhonnte homme trouve en ce monde la rcompense
certaine et extrieure de sa loyaut. (Les papes, les
princes et les constitutions politiques actuelles nous
mettent dj sur la voie de ce projet).
Alors que devons-nous faire ? Encourager les
rvolutions, tout renverser, rpondre la violence par
la violence, substituer aux tyrans dautres tyrans ? Fi
de tout ceci ! Toute rforme violente est condam-
nable, car elle ne rendra pas les choses meilleures aussi
longtemps que les hommes resteront tels quils sont,
avec leurs passions, et parce que la Sagesse na pas
besoin duser dune telle crcition. Le plan
densemble de lO consiste former les hommes, non
par des dclamations, mais par lencouragement et en
rcompensant la Vertu. On doit insensiblement lier
les mains aux provocateurs du flau, les diriger sans les
dominer. En un mot, on tablira un rgiment des
murs universel, une forme de gouvernement qui
s'tendra en gnral sur le monde entier sans dis-
soudre les liens civils, dans lequel tous les autres
gouvernements continueront gouverner et pourront
faire tout ce quils veulent, except contrecarrer le
grand but, savoir celui de faire triompher le Bien sur
INTRODUCTION MON APOLOGIE 208
le Mal. Ctait dj lintention du Christ quand il
introduisuit la pure religion. Les hommes auraient d
devenir bons et sages, se laisser guider par les plus
sages et les meilleurs, dans leur propre intrt. Jadis
pourtant, comme tout stait obscurci, la prdication
pouvait dj suffire. La nouveaut de la vrit lui
confrait un charme prpondrant. Aujourd'hui, ce
n'est pas le cas. Il faut appliquer des moyens plus
vigoureux que les simples thories, donner des attraits
extrieurs la Vertu pour les hommes sensuels. Les
passions ne se laissent pas radiquer, on doit seule-
ment savoir les orienter vers des buts nobles. On doit
montrer l'ambitieux que lhonneur vritable pour
lequel il lutte repose sur la Vertu, et quil nest nulle
part mieux satisfait que dans sa pratique. l'avare, il
faut indiquer que celui qui veut tout possder, au
fond, ne possde rien, et au voluptueux, qu'une trop
grande jouissance te toute saveur chaque grande
joie bref, que chacun satisfera ses passions, dont la
premire source tait pure, s'il les satisfait dans les
limites de la Vertu et quen outre, l'Ordre lui en offre
les moyens. Tous nos effectifs ne doivent donc tre
lus que dune seul voix, se tenir solidement les uns
aux autres, navoir quun seul but devant eux, sentrai-
der et pntrer ainsi le monde entier. On doit rassem-
bler ici, autour des puissants de la Terre, une lgion
dhommes qui ne spuiseront jamais rallier tout le
monde au grand plan, afin de conduire au meilleur de
lhumanit et de gagner tous les pays ; alors, aucune
violence manifeste ne sera requise. Les souverains de
la Terre ouvriront bientt les yeux et verront quils
trouvent de grands avantages pratiquer la Vertu et
des difficults inoues perptrer le mal. Les plus
nobles auront bientt la main sur les mchants qui
LE VRITABLE ILLUMIN 209
jouent aujourdhui aux matres et feront le malheur de
tous ceux qui sy opposent. Mais ceux qui sont trop
indolents, trop pleins de prjugs, trop froids, trop
peu actifs combattre pour les droits de lhumanit
devront tre mis en mouvement. Les hommes bons
doivent se rencontrer ; ceux qui ne se connaissent pas
ou qui ne se font pas confiance doivent y tre incits,
il faut leur montrer que deux honntes hommes
solidement lis peuvent tre plus puissants que cent
coquins. Mais tout ceci doit se passer dans le calme.
Notre petit nombre doit rester soud et secourir toute
personne mritante opprime, procurer aux gens bons
les avantages temporels, le bonheur matriel et
chercher conqurir chaque lieu o le pouvoir doit
tre gagn la bonne cause. Pourquoi ne serait-il pas
permis de se rendre assez solide, par des moyens
honntes et doux, pour obtenir une influence sur le
pouvoir ? Le premier dessein de toute constitution
tatique reste de placer des hommes bons au gouver-
nail, de rcompenser le mrite, de couronner la Vertu.
LO peut obtenir cela grce lintercession et parce
quil gouverne les curs ; il a form en son sein les
hommes les plus fidles, les meilleurs, les plus sages,
les plus prouvs pour ltat ; il cherche les avancer,
rcompenser leur application, il remplit ainsi tous
les devoirs du plus fidle sujet, mais aussi lintention
pour laquelle les hommes sunissent en socits. Si,
par suite, on compte un tel cercle de personnes dans
chaque pays et que chacun de ces hommes en forme
son tour deux autres, tout est possible pour lO, et il
a dj beaucoup fait en silence de cette faon pour le
meilleur de lhumanit. Si nanmoins on manque
quelque chose dans une seule de ces parties, tous les
enseignements du monde ny feront rien et la cause
INTRODUCTION MON APOLOGIE 210
entire restera pure spculation. Vous voyez l, mon
Fr., le champ immense de lactivit laquelle vous
venez dtre promu. Mditez bien toutes ces choses, il
sagit dune grande uvre que nous navons pas nous-
mmes fonde. Un plan sr, profondment rflchi,
solide, non profan. Rendez-vous digne dy participer
selon vos forces : aucun effort ny sera sans recevoir de
rcompense.
prsent, coutez les consignes pour travailler
ce grade.
18) Le Secrtaire lit alors lIntroduction puis les
consignes de travail en loge, ainsi que lannexe A.
loccasion, le nophyte pourra parcourir lannexe B.
19) L-dessus, on pose les questions du catchisme.
20) Puis la Parole dO est communique.
21) La loge est ferme ; sur quoi
22) Le Secrtaire Secret
a) Scelle les rponses du nophyte dans un
paquet quil remet en main propre au Gd. M.,
b) Le portrait de la personne esquiss et
corrig par la loge,
c) Sa silhouette,
d) Le curriculum vitae quil a achev,
e) La description de son caractre et
f) Ses rponses aux sept autres questions,
Puis il transmet le tout au Gd. M. pour linforma-
tion des autres Suprieurs.
LE VRITABLE ILLUMIN 211
NOTES
INTRODUCTION MON APOLOGIE
1 Sois calme et rsiste ; un jour, cette douleur te
sera utile. Ovide, lgies, XI, 7.
2 En Bavire.
3 Franz Xaver von Zwack (alias Cato, Martius
Portius) (1756-1843) fut introduit en mai 1776 dans
l'Ordre des Illuminaten. lve de Weishaupt, quand ce
dernier enseignait le droit l'Universit d'Ingolstadt
(de 1775 1785), il devint son bras droit jusqu' la
nomination d'Adolph Freiherr Knigge (alias Philo).
4 Le Werde der du bist de Gthe, est emprunt
au Sois tel que tu as appris te connatre de
Pindare.
5 Charles Thodore de Bavire (1724-1799), acc-
da ses hautes fonctions en 1742. Il promulgua
l'dit ordonnant la dissolution de l'Ordre des
Illuminaten le 22 juin 1784. trangement, la perqui-
sition chez Zwack n'intervint que deux ans plus tard,
les 11 et 12 octobre 1786. Ainsi, la dcision de
dissoudre l'Ordre, qui alla de paire avec l'interdiction
de tout autre rassemblement secret, n'tait fonde,
sans doute, que sur des rumeurs de conspiration.
6 Einige Originalschriften des Illuminatenordens,
welche bei dem gewesen Regierungsrath Zwack durch
vorgenommene Hausvisitation zu Landshut den 11. und
12. Oktob. a. 1786. sollen gefunden, und auf hchsten
Befehl Sr. Churfrstlichen Durchlaucht zum Druck
befrdert worden seyn, bey Johann Baptist Strobl, 1787
[crits originaux de l'Ordre des Illumins trouvs lors
de la perquisition mene chez l'ancien conseiller
d'tat Zwack, Landshut, les 11 et 12 octobre 1786,
imprims sur ordre de Son Altesse L'lecteur chez
Anton Franz, imprimeur de la cour, et en vente dans
les trois librairies, 1786, deuxime dition de 1787
imprime chez J.-B. Srobl] est le titre sous lequel
parurent les documents saisis et falsifis par le
gouvernement de Bavire en 1786. La citation
imprime au dos de la couverture est tire d'une lettre
de Spartacus (Weishaupt) adresse Caton (Zwack) et
dit ceci : Les lettres seront consignes avec leurs
rponses, en archive. Elles sont certainement instruc-
tives et contiennent, de part et dautre, de bonnes
rgles ; elles donnent en outre un aperu suffisant du
systme.
7 La citation au dos de la couverture (Cf. Ci-
dessus).
8 Apologie des Misvergngens und bels , Frankfurt,
Leipzig, 1787 (1
re
d.), 1790 (2
e
d.).
9 ber Materialismus und Idealismus, zweite ganz
umgearbeitete Auflage, Nrnberg, bey Ernst Christoph
Grattenauer, 1787.
10 Ibid., pp. 201-206, o Weishaupt dmontre que
la vertu spcifique de l'homme est de nature morale,
et que l'idalisme, en se hissant au-del de la nature et
de toutes les diffrences entre les tres, donne de la
moralit humaine une image oppose, renverse par
rapport celle que l'on a coutume de considrer. La
INTRODUCTION MON APOLOGIE 214
vertu morale n'est pas dpasse (aufgehebt), mais
transforme (verndert) par les degrs suprieurs.
11 Bien que fond le 1er mai 1776 par Weishaupt et
quelques fidles, sous le nom de Bund der Perfektibi-
listen [Cercle des Perfectibilistes], c'est en 1780 que
naquit l'Illuminatenorden [Ordre des Illumins] com-
me systme labor par Adolph Freiherr Knigge
(1752-1796), alias Philo. Cet crivain et franc-maon
influenc par les ides de Lessing, parvint, avec laide
de von Ecker (1750-1790), lors du Convent de
Wilhelmsbad (juillet 1782), faire accepter l'ide que
les juifs soient admis en Franc-maonnerie et que les
loges conservent leur indpendance administrative.
n'en pas douter, c'est cette libert gagne, en plus de
la dcision de ne plus pratiquer le systme de la Stricte
Observance Templire devenu suspect aux yeux des
dignitaires allemands, qui permit aux Illumins de
diffuser largement, et au-del des frontires alle-
mandes, les idaux de ce que nous nommerons, par
opposition au mysticisme de Willermoz, la franc-
maonnerie politique et progressiste. Et en effet, le 25
octobre 1782 fut fonde la premire Grande loge
provinciale. C'est encore grce Knigge que Johann
Joachim Christoph Bode (1730-1793), l'diteur de
Gthe et de Herder, fut gagn la cause de Weis-
haupt, et que les deux crivains allemands, figures
majeures et parfois incomprises de la vie intellectuelle
allemande, s'affilirent l'Ordre. Knigge se spara de
Weishaupt en 1783, par incompatibilit d'ides
Weishaupt ne dmordant pas de son anticlricalisme
, ce qui entrana le dclin de l'Ordre.
12 Bien que ce ne soit pas proprement parler le
systme illuministe qui fabriqua la carrire des mem-
bres remarquables de l'Ordre, en voici une liste plutt
flatteuse :
NOTES 215
*Jacob Friedrich von ABEL (1751-1829), alias Pytha-
goras Abderites, philosophe ;
*Prince August von SACHSEN-GOTHA-ALTEN-
BURG (1747-1806), alias Walter Frst, mcne
amoureux des beaux-arts ;
*Johann Baptist von ALXINGER (1755-1797), pote
autrichien ;
*Jens Immanuel BAGGESEN (1764-1826), alias
Immanuel, crivain et traducteur danois, mort
Hambourg, surnomm le Wieland danois ;
*Ferdinand Maria von BAADER (1747-1797), alias
Celsus (reu le 13 dcembre 1778), mdecin, philo-
sophe et naturaliste, membre de la Bayerische Akade-
mie der Wissenschaften [Acadmie bavaroise des
sciences], pre du thosophe Franz von Baader (1765-
1841) ;
*Joseph BARTH (1746-1818), alias Osiris (reu le 17
dcembre 1778), clbre ophtalmologiste au service
de l'empereur Joseph II ;
*Rudolph Zaccharias BECKER (1752-1822), alias
Henricus Stephanus, crivain, journaliste, enseignant
et diteur ;
*Thomas Maria de BASSUS (Baron) (1742-1815),
alias Hanibale (reu en dcembre 1778), mcne du
compositeur Johann Simon Mayr (1763 - 1845) et
diteur ;
*Alois BLUMAUER (1755-1798), alias Hermionius,
pote ;
*Johann Joachim Christoph BODE (1730-1793), di-
teur des uvres de Gthe et Herder ;
*Ignaz Edler von BORN (1742-1791), alias Furius
Camillus, minralogiste et mtallurgiste. Son influ-
ence fut grande sur Mozart - dont il fut le parrain en
INTRODUCTION MON APOLOGIE 216
Maonnerie - et sur Lessing - quil incita, en vain,
publier ses quatrime et cinquime Causeries pour
francs-maons ;
*Maximilian von BRANCA (1767-1813), historien,
membre de la Bayerische Akademie der Wissenschaften ;
*Karl Theodor Anton Maria von DALBERG (1744-
1817), alias Baco von Verulam, archevque-lecteur de
Mayence ;
*Johann Maximilian Georg von DILLIS (1759-1841),
alias Timagoras, peintre de paysages ;
*Friedrich Ferdinand DRCK (1754 - 1807), alias
Heraklit, professeur d'histoire de l'Antiquit Stut-
tgart, il eut notamment pour lve le jeune Schiller ;
*Karl von ECKARTSHAUSEN (1752-1803), alias
Aetilius Regulus, crivain. Il est notamment l'auteur
d'un trait diste qui eut un grand succs au XIX
e
sicle, intitul Gott ist die reinste Liebe [Dieu est le
plus pur amour] (1790) ;
*Friedrich Hildebrand von EINSIEDEL (1750-1828),
juriste et crivain ;
*Johann Joachim ESCHENBURG (1743-1820),
historien de la littrature et professeur dcole
suprieure. Il hrita, la mort de Lessing, d'une partie
de ses crits posthumes. Sans doute est-il l'origine de
la publication des quatrime et cinquime Causeries
pour Francs-maons ;
*Wilhelm Ludwig von ESCHWEGE (1777-1855),
gologue et gographe clbre pour ses dcouvertes
sur le Brsil ;
*Sigmund FALGERA (1752-1790), alias Attis, pia-
niste, violoniste et compositeur ;
*Johann Georg Heinrich FEDER (1740-1821), alias
Marcus Aurelius, professeur de philosophie l'uni-
NOTES 217
versit de Gttingen et, la fin de sa vie, directeur du
Pageninstitut ;
*Johann Georg Adam FORSTER (1754-1794),
ethnologue, naturaliste, aventurier, crivain, journa-
liste et rvolutionnaire. Prcoce, il fut lu membre de
la Royal Society l'ge de 22 ans, pour avoir largement
contribu, aux cts du Capitaine Cook (1728-
1779), au dveloppement de l'ethnologie (Voyage
round the World) et particulirement la connaissance
des peuples de Polynsie. En 1777, moins d'un an
aprs la Dclaration d'Indpendance amricaine, il
rencontra Benjamin Franklin Paris pour y discuter
avec lui d'une alliance entre les troupes europennes
et le camp indpendantiste. En 1792, on le retrouve
dans le groupe d'activistes qui accueillirent les troupes
franaises Mayence. Le 23 octobre de la mme
anne, il rejoignit le club jacobin Die Freunde der
Freiheit und Gleichheit [Les amis de la Libert et de
l'galit] et, malgr la Terreur qui svissait en France,
il ne tourna jamais le dos la rvolution ;
*Peter Anton von FRANK (1746-1818), juriste, histo-
rien et professeur de droit l'Universit de Trves ;
*Ludwig FRONHOFER (1746-1800), alias Raimun-
dus Lullus (reu le 3 janvier 1779) auteur de pices de
thtre (Mathilde), de recueils potiques et d'tudes
sur les belles lettres ;
*Christian GARVE (1712-1798), philosophe ;
*Tobias Philipp von GEBLER (1726-1786), alias
Eberhard, dramaturge allemand auteur, notamment,
de Thamos Roi d'Egypte mis en musique par Mozart
(KV 345) ;
*Karl Heinrich von GLEICHEN (1733-1807), philo-
sophe allemand ;
INTRODUCTION MON APOLOGIE 218
*Leopold Friedrich Gnther von GCKINGK
(1748-1828), pote et journaliste allemand ;
*Johann Wolfgang von GTHE (1749-1832), alias
Abaris (reu en novembre 1783), pote et dramaturge
allemand ;
*Georg Joachim GSCHEN (1752-1828), diteur
des uvres de Schiller, Gthe, Wieland et Klopstock ;
*Gustav Friedrich Wilhelm GROSSMANN (1746-
1796), alias Roscius, acteur, directeur de thtre et
dramaturge ;
*Kasimir von HAEFFLIN (1737-1827), alias Philo
Biblicus, cardinal ;
*Karl Ludwig von HALLER (1768-1854), juriste suisse
auteur de la Restoration der Staatswissenschaften [Res-
tauration des sciences de l'tat], uvre parue de 1816
1834 ;
*Carl August von HARDENBERG-REVENTLOW
(1750-1822), alias Carolus V. Imperator, chancelier
du royaume de Prusse ;
*August Adolph von HENNINGS (1746-1826), cri-
vain, politicien et publiciste ;
*Johann Gottfried von HERDER (1744-1803), alias
Damasus Pontifex (reu le 1
er
juillet 1783), philo-
sophe et pote allemand, ami de Gthe, Klopstock et
Bode, initiateur du romantisme Sturm und Drang ;
*Andreas Josef HOFMANN (1753-1849), alias Aulus
Persius, philosophe, rvolutionnaire et proclamateur
de la premire rpublique allemande ;
*Christoph Philipp Willibald von HOHENFELD
(1743-1822), doyen de la cathdrale de Spire, puis
nomm au chapitre de Bamberg et Worm, et enfin
ministre de l'lectorat de Trves. Partisan de la
NOTES 219
rvolution franaise, son nom apparat dans les u-
vres de Schiller, Gthe et Wieland ;
*Johann Konrad Achatz HOLSCHER (1755-1840),
alias Chrysippus, philosophe et thologien ;
*Johann Baptist HORIX (1730-1792), alias John
Milton, philosophe et thoricien du droit ;
*Franz von Paula HOHENEICHER (1753-1844),
alias Alcibiade (reu en mai 1778), linguiste ;
*Johann Nepomuk von KRENNER (1759-1812), alias
Arminius (reu le 28 avril 1779), professeur de droit
et historien ;
*Beda MAYR (1742-1794), alias Ganganelli (reu le
1
er
septembre 1779), auteur d'une Vertheidigung der
katholischen Religion [Dfense de la religion catho-
lique] publie en 1789, partisan de l'cumnisme ;
*Heinrich August Ottokar REICHARD (1751-1828),
alias Wiclef, crivain, journaliste, directeur de thtre
et bibliothcaire, auteur de la toute premire collec-
tion de guides de voyage ;
*Karl Leonhard REINHOLD (1757-1823), alias
Decius, philosophe autrichien ;
*Johann Paul Friedrich RICHTER dit JEAN-PAUL
(1763-1825), alias Oregius, pote allemand (La loge
invisible, Titan, La Comte) ;
*Franz Xaver RDORFER (1748-1825), alias Livius
(reu le 27 mars 1778), membre honoraire de la
Bayerische Akademie der Wissenschaften ;
*Friedrich Christian II von SCHLESWIG-HOL-
STEINSONDERBURG-AUGUSTENBURG (1765-
1814), alias Timoleon. Mari la fille de Christian VII
(roi du Danemark, 1749-1808), Louise August de
Danemark (1771-1843), on le connat davantage
INTRODUCTION MON APOLOGIE 220
pour son got du pouvoir (il brigua en effet la
couronne de Sude), que pour tre venu en aide
Friedrich Schiller de 1791 1796, par le versement
d'une pension annuelle de 1000 thalers ;
*Ernst Friedrich von SCHLOTHEIM (1764-1832),
alias Cyrus (reu le 21 octobre 1778), palontologiste
qui introduisit le systme binomial dans la clas-
sification des fossiles ;
*Johann Friedrich SCHULTZ (1739-1805), alias
Goswin, mathmaticien et professeur l'universit de
Knigsberg ;
*Ludwig Timotheus von SPITTLER (1752-1810),
alias Bayle, historien ;
*Anton Matthias SPRICKMANN (1749-1833), alias
Johannes Hu, crivain et juriste ;
*Ernst Christian TRAPP (1745-1818), crateur et
titulaire de la premire chaire de pdagogie en
Allemagne ;
*Christian Gottlob von VOIGT (1743-1819), alias
Atticus, conseiller secret et prsident du Ministre
d'tat allemand, collgue de ministre de Gthe ;
*Georg Christian Gottfried von WEDEKIND (1761-
1831), mdecin et rvolutionnaire ;
*Christoph Martin WIELAND (1733-1813) alias
Herodianus, traducteur allemand des uvres de
Shakespeare, romancier, pote (Oberon, Histoire des
Abdritains), encens par Voltaire et par Gthe,
admir par Schikaneder.
13 Knigge est sans doute le plus vis ici ; dans sa
lettre du 20 janvier 1783 adresse Zwack, il exprime
ses intentions rvolutionnaires, interprtant la
rationali-sation du christianisme par Weishaupt
comme un moyen privilgi d' lever la voix contre
NOTES 221
les prtres et les princes . Telles n'taient pas les
intentions de Weishaupt, qui souhaitait que l'Illumi-
nisme (ou Perfectibilisme, ne l'oublions pas), proces-
sus naturel de l'volution humaine, fasse d'abord son
uvre sur l'individu, en le prparant lentement
accepter la doctrine chrtienne, tout en se dbarras-
sant de la crainte superstitieuse et de la bigoterie.
14 Notamment celle d'Autriche, qui annexa, en
1779, une partie de la Bavire sur dcision de
l'Empereur Joseph II. Selon Jean Mondot, c'est ce
moment prcis que les Illumins, qui taient favo-
rables ce regroupement, commencrent veiller les
soupons de l'lecteur de Bavire (Cf. Interfrences
franco-allemandes et rvolution franaise, textes recueil-
lis par J. Mondot et A. Ruiz, PUB, 1994, p. 51).
15 Le prince de Gotha.
16 Weishaupt fut contraint de quitter Ingolstadt en
1785.
17 Cf. Infra, p. 91.
18 Saint patron des tanneurs et des cordonniers dans
la tradition populaire.
19 Georg Andreas Will (1727-1798), lequel men-
tionne le nom de Weishaupt dans ses Vorlesungen ber
die Kantische Philosophie [Leons sur la philosophie
kantienne] (Altdorf, Monatischen Verlag, 1788) pour
recommander la lecture de son systme de l'idalisme.
20 Karl von Eckartshausen (cf. Infra, note 12) tait
conseiller aulique. Il fut nomm directeur des archives
de Bavire en 1784.
21 En franais dans le texte.
22 Ps. 90, 2.
INTRODUCTION MON APOLOGIE 222
LE VRITABLE ILLUMIN OU
LES VRAIS RITUELS PRIMITIFS DES ILLUMINS
1 Adam Weishaupt, Das verbesserte System der Illu-
minaten mit allen seinen Einrichtungen und Graden, in
der Grattenauerischen Buchhandlung, 1787.
2 L'auteur des rituels on peut prsumer qu'il
s'agit de Weishaupt fait ici allusion au passage sous
le bandeau auquel tout profane postulant doit se
soumettre avant de pouvoir prtendre l'initiation
maonnique. Il peut alors cette occasion tre ou bien
ajourn, ou bien chose plus rare dfinitivement
cart. Il est vrai cependant que cette preuve n'a
aucun fondement initiatique ; elle servait l'origine
prserver la scurit des frres.
3 Thomas Abbt (1738-1766), philosophe allemand
qui demeura clbre pour avoir form la conscience
nationale allemande au travers dessais crits entre
1761 et 1765 : De la mort pour la patrie, Du mrite .
4 Christoph Meiners (1747-1810), enseigna la phi-
losophie Gttingen. En 1775 parut la premire
partie de ses Vermischte philosophische Schriften. Plus
tard, ses positions idologiques virrent au racisme
(Grundriss der Geschichte der Menschheit, 1793).
5 Cf. Infra., note 12.
6 Monnaie de Bavire.
7 Dehors ! Dehors ! Vous qui tes profanes . Formule
prononce au dbut dun ancien rituel de purification
apollinien. Cette mme phrase apparat dans le rituel
de Conscration de lpe de la Golden Dawn.
8 Dehors ! Dehors ! Sans aucune ranon.
9 Ce pome, intialement paru en anglais dans
Clarissa, or, the History of a Young Lady (London,
NOTES 223
1748) de Samuel Richardson (1689-1761), est en
ralit luvre dune potesse, Elizabeth Carter
(1717-1806), membre de la Blue Stockings Society.
Elizabeth Carter posa dailleurs en habits de Minerve
pour le peintre John Fayram (1713-1743). Le pome
tait lu par les Minervaux dans la traduction alleman-
de de Johann Peter Uz (1720-1796) ( Ode auf die
Weisheit in Lyrische und andere Gedichte, Leipzig,
Weitbrecht, 1756, p. 245).
10 Rivire athnienne place sous lgide du dieu
Kphissos.
11 Les noms du calendrier des Illumins sont
inspirs du calendrier persan et plus particulirement
zoroastrien.
12 Ou Yezdegerd, re courant partir du jour de
lavnement du roi perse Yezdegerd III (16 juin 632).
13 Ces botes en carton papne Kstgen ser-
vaient ranger le ncessaire de toilette des gentils-
hommes.
14 Connais-toi toi-mme.
INTRODUCTION MON APOLOGIE 224
TABLE
PRFACE 7
INTRODUCTION MON APOLOGIE 23
LE VRITABLE ILLUMIN OU LES VRAIS
RITUELS PRIMITIFS DES ILLUMINS 61
NOTES 215
Ouvrages paratre
Collection Ides
Philippe RIGAUT, More than life, du romantisme la scne gothic
( paratre, automne 2012).
ISBN : 978-2-918863-06-9, 16,50
EMERSON, CONWAY, STEVENSON, HAWTHORNE,
BURROUGHS, Henry David Thoreau (1817-1862). dition
tablie&traduitedelanglais par Lionel Duvoy ( paratre, dbut 2013)
ISBN : 978-2-918863-07-6, 18,00
Format E-pub : 9,00
K. V. ECKARTSHAUSEN, Sur les forces magiques de la nature.
dition tablie & traduite de lallemand par Lionel Duvoy ( paratre,
automne 2012)
ISBN : 978-2-918863-08-3, 15,00
Format E-pub : 5,00
Ouvrages dj parus
Collection Ides
J. G. von HERDER, Les Francs-Maons & autres textes. dition
tablie &traduite de lallemand par Lionel Duvoy.
ISBN : 978-2-918863-01-4, 10,00
Format E-pub : 5,00
J. G. von HERDER, Questions de Benjamin Franklin relatives
l'tablissement d'une socit de l'humanit suivi de Sur le mot et
concept dhumanit. dition tablie & traduite de lallemand par Lionel
Duvoy.
ISBN : 978-2-918863-00-7, 8,00
Format E-pub : 4,00
Jrme de SOUSA, Stocisme et Politique. Essai sur la dsobissance
philosophique.
ISBN : 978-2-918863-02 -1, puis
Stphane FRANOIS, Lsotrisme, la tradition & linitia-tion.
Essai de dfinition.
ISBN : 978-2-918863-04-5, 10
Format E-pub : 5,00 .
Collection Jeunesse
Olivia LE DIVELEC, Benot RIVALS, Monsieur lmu. Colre
(album bilingue LSF / franais).
ISBN : 978-2-918863-05-2, 12,00

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