Et si le choix des candidats aux législatives en disait plus qu'un discours de campagne ?

Querelle des investitures (1075-1122), Tancredi Scarpelli (1866-1937) tiree de "Storia d'Italia" de Paolo Giudici, Collection privée. ©AFP - Isadora/Leemage
Querelle des investitures (1075-1122), Tancredi Scarpelli (1866-1937) tiree de "Storia d'Italia" de Paolo Giudici, Collection privée. ©AFP - Isadora/Leemage
Querelle des investitures (1075-1122), Tancredi Scarpelli (1866-1937) tiree de "Storia d'Italia" de Paolo Giudici, Collection privée. ©AFP - Isadora/Leemage
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Derrière les discours et les meetings, les partis mettent la dernière main aux investitures des candidats aux législatives... Des castings riches d'enseignements.

Pour tenter de percer à jour les candidats, il faut aussi parfois s'éloigner des estrades bien éclairées, des pupitres télégéniques, pour leur préférer les salles de réunions sans âme, dans les étages des partis politiques...

C'est en ce moment que se négocie, dans l'ombre de la présidentielle, une autre élection tout aussi importante : les législatives. Soit la future majorité qui permettra au prochain président de gouverner – ou pas.

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Tous les candidats à la présidentielle sont très discrets sur cette négociation, qui vise à choisir des candidats dans les 577 circonscriptions françaises. C'est une cuisine subtile, même si pas toujours ragoûtante. Dans la marmite des investitures, se mêlent plusieurs ingrédients : l'implantation locale, les chances de victoire, la fidélité à la ligne du parti, parfois la diversité, la parité, les rapports de forces entre les sous-courants... et bien d'autres critères qui feraient passer les algorithmes les plus compliqués pour des équations de début de collège.

Or ces négociations autour des législatives nous disent beaucoup des candidats à la présidentielle. D'abord parce qu'ils les surveillent attentivement, ils veulent modeler leur future majorité. Ensuite, parce que ces négociations révèlent à petite échelle leur conception de l'organisation, de la méthode, des choix, bref : du pouvoir.

Commençons par le mouvement d'Emmanuel Macron, qui veut présenter des candidats étiquetés "En Marche" dans toutes les circonscriptions.

Comment sont-ils choisis ces candidats ? On se souvient qu'Emmanuel Macron avait commencé sa campagne présidentielle par une grande phase dite "d'écoute des Français". Une "grande marche" où ses soutiens allaient sonner à la porte des Français pour recueillir leur avis. Un grand élan collectif, horizontal... Qu'en est-il pour les législatives ? Dans le même esprit, y'aura-t-il des comités citoyens dans chaque circonscription, pour désigner le candidat d'En Marche ? Et bien non ! C'est un article de l'Obs qui nous l'apprend : les candidats seront appointés par... la direction du mouvement. Une direction qui ajoute : « en la matière, on assume une certaine verticalité ». En Marche, oui, mais au pas.

La préparation de ces législatives est instructive dans d'autres partis : elle illustre la guerre entre les communistes et Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier a décidé de présenter des candidats de la "France insoumise" partout, y compris jusque dans la circonscription d'André Chassaigne, le président du groupe communiste à l'Assemblée nationale. Malheur aux insoumis à la "France insoumise" ! De son côté le PCF semble entériner sa faiblesse en n'investissant que 250 candidats, en attendant d'y voir plus clair.

Qu'en est-il des autres partis ?

On passe rapidement sur le Front national qui élimine peu à peu la vieille garde frontiste, grandement remplacée par des jeunes cadres moins rebutants.

Au Parti socialiste, les investitures symbolisent l'incertitude dans laquelle est plongée le parti. Incertitude de ligne, incertitude de chef. A tel point qu'un petit tiers des circonscriptions a été mis de côté, gelée, sans candidats, dans l'attente de la fin de la primaire. Elles seront ensuite attribuées en fonction du vainqueur, avec des candidats hamonistes en cas de victoire de Hamon, des vallsistes si Valls l'emporte, etc.

Enfin, François Fillon semble appliquer la maxime de Clemenceau : « il y a des gens à qui je ne pardonnerai jamais les offenses que je leur ai faites ». Le candidat LR, parfois décrit par ses détracteurs à droite comme faible et hésitant, n'a pas donné dans le sentiment. Il a pris lui-même les choses en main pour ces investitures... Et a soigneusement coupé les têtes des rebelles, à commencer par les sarkozystes.

François Fillon se méfie du "syndrome des frondeurs" qui a paralysé le quinquennat finissant : en 2012, François Hollande avait laissé se constituer un bloc hostile au sein de sa majorité. Alors François Fillon a fait investir - autant que faire se peut - des fidèles...

En n'oubliant pas ceux qui ont participé à sa victoire. Est-ce un signe avant-coureur de la politique qui serait menée ? Au moins cinq circonscriptions ont été réservées au mouvement Sens commun, c'est à dire à l'émanation de la Manif pour tous. Dis-moi comment tu gères les investitures, je te dirai qui tu es...

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