La droite domine en zone rurale, la gauche résiste dans les villes

par Nicole GAUTHIER
publié le 8 mai 2007 à 7h39

La France de Nicolas Sarkozy vit dans l'est et le nord du pays, celle de Ségolène Royal dans le Sud-Ouest et en Bretagne. La France de Sarkozy habite plutôt en milieu rural et dans les plus grandes métropoles, celle de Royal dans les villes, petites ou moyennes, de province et dans l'agglomération parisienne. La France de Sarkozy est, d'une certaine façon, une sorte de miroir inversé du scrutin du 5 mai 2002 : le nouveau président de la République fait ses meilleurs scores en Alsace, dans une partie des régions Rhône-Alpes et Provence - Alpes - Côte d'Azur. C'est là que Jacques Chirac, lors du second tour de la présidentielle de 2002, avait enregistré ses moins bonnes performances, au profit de Jean-Marie Le Pen ­ confirmant ainsi la fuite des ex-électeurs lepénistes, amorcée le 22 avril, chez Nicolas Sarkozy.

Les villes, plutôt Royal

Le scrutin de dimanche révèle un paradoxe. Dans une France urbaine et majoritairement à droite, les villes restent à gauche ­ y compris celles qui, de toute éternité, se donnent des maires conservateurs. Le cas de Bordeaux est, à cet égard, spectaculaire : voilà une ville gaulliste depuis la Libération qui, il y a sept mois à peine, réélit un Alain Juppé tout juste sorti de sa période d'inéligibilité... et dimanche accorde 52,44 % de ses voix à la socialiste, là où, en 1995, Jacques Chirac avait flirté avec les 56 %.

Caen, que la gauche essaie en vain de conquérir depuis des générations, a voté socialiste à 56,60 % (contre 50,5 % en 1995). Saint-Etienne, dirigé par un maire UMP, n'a accordé qu'un médiocre 48,44 % à Nicolas Sarkozy (Jacques Chirac avait réuni 53,7 % des suffrages en 1995). De nombreuses préfectures ou sous-préfectures de taille modeste telles Rodez (Aveyron), Privas (Ardèche), Sedan (Ardennes), Laon (Aisne) ou Laval (Mayenne) ont placé Ségolène Royal en tête alors même que leur département votait en majorité en faveur de Nicolas Sarkozy. Même là où les bastions traditionnels de la gauche vacillent ­ le département du Nord ­, les villes résistent (Lille donne 55,92 % des suffrages à Ségolène Royal, contre 53,1 % pour Lionel Jospin en 1995). De plus, malgré un score national inférieur à celui de Jospin en 1995, Royal fait mieux dans de nombreuses villes (Grenoble, Le Mans, Montpellier, Brest, Clermont-Ferrand...).

Sans doute ce résultat tient-il à la composition sociologique de ces villes de taille moyenne où l'importance des fonctions publiques d'Etat (enseignants, services publics divers) et des services hospitaliers (l'hôpital est souvent le premier employeur local) trouve une traduction immédiate dans les urnes. Ce n'est pas la France des CSP +, pro-Sarkozy, plutôt celle de professions intermédiaires ou des employés, encore marquée par un vote à gauche.

Le trouble centriste

Dans cette géographie, les trois plus grosses métropoles du pays (Paris, Lyon, Marseille) font exception puisqu'elles ont majoritairement voté pour Nicolas Sarkozy ­ d'une courte tête à Paris. Une autre exception de taille : Dijon, la ville dont François Rebsamen, codirecteur de campagne de Royal, est le maire, qui a donné 52,57 % à Nicolas Sarkozy.

Les électeurs de François Bayrou au premier tour se sont reportés, disent les études d'opinion, à une quasi-égalité entre les deux finalistes du 6 mai. Il n'empêche. Manifestement, la campagne du leader centriste, l'absence de consigne de vote pour le second tour, les grands écarts de la majorité des députés UDF appelant à voter Nicolas Sarkozy après avoir expliqué pendant trois mois que l'avenir était au centre ont donné le tournis à la base électorale.

Prenons Rouen. Jacques Chirac y avait recueilli 52 % des voix en 1995, le maire, Pierre Albertini, y est UDF, et il avait été un des tout premiers à entamer le grand virage sarkozyste en invitant le président de l'UMP dans sa ville pour un meeting de l'entre deux tours. Les Rouennais ont été 53,90 % à voter Royal. Prenons Amiens dont le maire, le ministre de l'Education nationale, Gilles de Robien, n'a jamais suivi le président de l'UDF dans son aventure présidentielle : 54,5 % en faveur de la candidate socialiste, là où Jospin n'avait fait que 52,1 % en 1995. Prenons Blois, enfin. L'ancienne ville du socialiste Jack Lang, gagnée par l'UDF Nicolas Perruchot en 2001, a voté Ségolène Royal (50,57 %) quand l'ensemble du département du Loir-et-Cher disait oui à Nicolas Sarkozy (55,92 %).

Les départements, à droite toute

Le Nord a voté Sarkozy. Le symbole est fort, qui décrit l'itinéraire d'une région pétrie d'histoire socialiste, tentée par un fort vote Front national en 2002, et qui finalement choisit la droite en 2007. Le bon score de Ségolène Royal à Lille n'y aura rien changé, et les exemples sont nombreux de ces départements où, malgré l'ancrage socialiste des villes, Nicolas Sarkozy l'emporte haut la main. Ainsi en va-t-il du Doubs, du Cher, de la Seine-et-Marne ­ pour ne prendre que l'exemple de quelques départements gagnés par la gauche à l'issue des élections cantonales de 2004, qui se sont révélés fervents sarkozystes dimanche.

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