"Le jour où je ne serai plus élu, peut-être que j'écrirai ou que je parlerai sur les questions religieuses." Jean-Luc Mélenchon possède une immense capacité de réflexion et d'intellectualisation de la chose spirituelle. Cela lui donne une assise, mais aussi une vision: cet homme politique n'est jamais aussi bon et jamais aussi peu "caricaturable" que lorsqu'il s'extirpe du particulier pour décrire l'universel.

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Dans sa mémoire olfactive et auditive se mêlent des odeurs d'encens et des mélodies de cantiques. Que ce soit au Maroc, en Normandie ou dans le Jura, l'enfant Mélenchon a fréquenté les églises.

"Ma mère était chrétienne, entame-t-il. J'ai été élevé là-dedans, j'ai servi la messe en latin. Par curiosité intellectuelle, j'ai pu comprendre ensuite le christianisme, puis d'autres religions. Le fait de s'y intéresser via la philosophie permet d'avoir un regard qui n'est pas binaire." Il s'arrête. Et jure: "Je ne me suis jamais moqué de la foi et je ne le ferai jamais."

L'homme politique public ne veut pas entendre parler de Dieu

La contradiction ne serait que d'apparence: parmi les idées défendues par le franc-maçon assumé, le concept de la laïcité fait partie des instruments principaux de l'orchestre idéologique.

Il peut même parfois tenir des propos qui choqueraient plus d'un religieux -quand il raille "ceux qui sont en train de bêler derrière le dalaï-lama" et note qu'"ils sont les mêmes qui couraient après le curé Khomeini". Défavorable aux prières de rue des musulmans, ne serait-ce que "parce qu'elles gênent la circulation", l'homme politique public ne veut pas entendre parler de Dieu.

C'est grâce à la théologie qu'il a noué certaines amitiés. Jacques Généreux, professeur d'économie à Sciences po-Paris, aujourd'hui engagé au Parti de gauche, se souvient de son premier vrai contact avec Mélenchon: "En 2002, nous revenions en train d'Argelès-sur-Mer, où s'était tenue l'université d'été du courant Nouveau Monde, du PS. On se connaît à peine. Bien que nous soyons des laïcards absolus, mon côté chrétien sur le plan philosophique l'a intéressé. La conversation s'est envolée."

"Laïcard, je n'aime pas le mot, grogne le candidat, des gens très croyants sont d'ardents laïcs." Il ajoute: "Je pratique une discipline intellectuelle, celle du matérialisme philosophique. Je pense que chaque être est relié à un autre, de mille et une manières, jusqu'à la plus petite parcelle du fond de l'univers.

Ma spiritualité va à un être qui n'existe pas: l'humanité universelle. Un être mythique. Est-ce que ce que je ressens participe d'une certaine spiritualité? Je ne vous dirais pas que je suis absent de grands élans. Les copains, ça les fait marrer, mais ça leur passera."

Il se présente comme le candidat des "partageux"

Ce n'est donc pas un hasard si ses biographes (Mélenchon le plébéien, de Lilian Alemagna et Stéphane Alliès, Robert Laffont) ont placé en exergue de leur ouvrage une citation de Theilhard de Chardin, que le leader du Front de gauche a beaucoup lu: "Dans la conjonction de la Raison et de la Mystique, l'Esprit humain, de par la nature même de son développement, est destiné à trouver l'extrême de sa pénétration."

Lors d'un meeting à Metz, mi-janvier, Mélenchon fait référence "aux chrétiens, tendance saint Martin". Ce n'est que pour mieux illustrer sa volonté d'être le candidat des "partageux", dit-il.

Au IVe siècle, Martin de Tours avait coupé son manteau pour en offrir la moitié à un pauvre. Pour autant, jamais le tribun ne s'épanche sur la question religieuse, comme s'il avait l'impression qu'on avait soudain accès à son intimité. A la fin d'une discussion, il éludait avec une mauvaise foi presque touchante: "Pourquoi, c'est intéressant comme question, la spiritualité?"

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