SOUVENT, devant l'incertitude des temps, la nostalgie prend le pas sur l'espérance. C'est ce que vient de montrer la commémoration de l'appel du 18 juin. Au prix de l'amnésie, elle a confondu l'hommage à la Résistance avec l'apologie, relayée de tous bords, de la politique présidentielle du général de Gaulle. Mieux vaudrait, pourtant, s'en tenir à l'esprit du rebelle de 1940 qui refusait la soumission au fait accompli et misait sur l'avenir, comptant que les Français seraient capables d'en faire le choix. On distinguera mieux alors où puiser l'énergie pour affronter les blocages et les rigidités hérités du gaullisme présidentiel. Car il faudra bien que le pays s'en libère pour être à la hauteur des enjeux de son temps.
Le bilan de la V République, en effet, ne se réduit pas à celui de ses institutions. Il faut, aussi, considérer la méthode de gestion du pays et la culture du pouvoir qu'elles diffusent. L'une et l'autre trouvent leurs origines dans l'expérience personnelle de l'Histoire que portait leur fondateur. Les industriels n'avaient pas brillé, pendant la guerre, par leur sens de l'intérêt national. Les partis politiques s'étaient montrés impuissants à régler le lourd dossier de la guerre d'Algérie. L'influence du Parti communiste dominait le syndicalisme et la vie associative. C'est donc que le pays mythique auquel croyait de Gaulle était ailleurs que dans sa réalité.
Le général aimait la France et se méfiait des Français. La V République est tout imprégnée de ce principe : elle organise la négation du politique, le contournement de l'expression démocratique et la prédominance de la technocratie sur toutes les aspirations de la société. Confrontée à la nécessité de la modernisation des années 60, elle a délibérément mis en quarantaine toutes les forces collectives socio-économiques culturelles ou politiques. Au même moment, dans les démocraties de l'Europe du Nord, sous l'impulsion ou la pression des sociaux-démocrates, ces pays ont développé, simultanément, une redistribution économique importante, un système de négociations collectives performant et une décentralisation politique réelle.
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