«J'ai eu un coup de coeur pour Yves Salesse», déclare Magda. Membre du collectif unitaire des quartiers sud de Grenoble, la jeune femme est tombée amoureuse de cet austère conseiller d'Etat. «Il est si intelligent! Il saura rester debout face à l'adversité. Il a l'air un peu froid, mais je me charge de le... faire rire!»

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Partout en France, les militants antilibéraux ont bâti un programme commun. Ils abordent maintenant une phase encore plus explosive, puisqu'ils débattent, au sein de collectifs, pour départager les quatre candidats à la candidature présidentielle - Clémentine Autain, Patrick Braouezec, Marie-George Buffet et Yves Salesse (voir page 54). La rencontre nationale à L'Ile-Saint-Denis, les 9 et 10 décembre, devra trancher. Depuis que José Bové s'est retiré de la course en accusant le PCF de vouloir imposer Marie-George Buffet, sa secrétaire nationale, les débats, de plus en plus houleux, tournent autour de la capacité de celle-ci à incarner la dynamique unitaire dans sa diversité. Visite au sein de trois collectifs.

Saint-Denis. 27 novembre, 9 h 15. Local syndical du dépôt de bus RATP. «Aux yeux de beaucoup de gens, Marie-George Buffet est grillée d'avance: elle traîne des casseroles, ose Daniel, responsable CFDT coiffé d'un petit bonnet noir. Au pouvoir, elle n'a pas su imposer ses idées aux socialos-bobos.» «J'ai un faible pour Clémentine Autain, enchaîne Michel, leader local de l'Unsa, car elle engage les femmes et son charisme me plaît bien.» «Elle est moins bien placée que Marie-George pour parler des salaires ou des questions européennes», rétorque Michel Rizzi, secrétaire de la section RATP et membre du conseil national du PCF.

Plus de la moitié des militants de ce collectif appartiennent au PCF, un tiers sont adhérents de la CGT. Et la présence de trois responsables syndicaux CFDT, Unsa et FO ne constitue qu'un embryon de diversité. Ce collectif a pourtant été cité en exemple par Marie-George Buffet, dans L'Humanité comme sur RTL.

Grenoble (Isère). 27 novembre, 20 heures. Salle polyvalente du quartier Villeneuve. «La porte-parole d'un parti ne peut pas être la candidate des collectifs unitaires», lance Nicole. «Marie-George a prouvé à plusieurs reprises qu'elle savait porter un collectif», répond Patrice Voir, secrétaire fédéral du PC isérois, qui promet son soutien au candidat choisi, quel qu'il soit. Gérard, militant d'Attac, confie tout haut son hésitation entre Yves Salesse, «pugnace, pertinent, mais trop professoral et sûr de lui», et Clémentine Autain, «représentante d'une génération qui monte»: «Je pensais qu'elle n'avait pas les épaules assez larges, mais j'ai changé d'avis après l'avoir vue à la télé.» Ce soir-là, la majorité des militants se prononce en faveur de Clémentine Autain et d'Yves Salesse, avec une légère préférence pour la jeune féministe.

Fraisses (Loire), au sud-ouest de Saint-Etienne. 28 novembre, 18 h 30. Salle de la mairie. Cette fois, les 40 membres du collectif de Firminy-Fraisses-Unieux doivent voter après débat. Florian ouvre les hostilités en lisant une déclaration de la section communiste de Firminy, vantant les mérites de Marie-George Buffet: «Les autres candidats n'ont pas le profil adéquat pour défendre notre projet et argumenter face aux pièges qui seront tendus par les politiques de droite et certains de gauche.» Et Mickey, retraité, d'ajouter: «Heureusement que je n'ai pas Internet, sinon je serais très en colère. Il paraît que des textes circulent où l'on accuse les communistes de noyauter les collectifs. C'est faux!» Mickey se rend compte qu'il s'exprime presque en criant et s'en justifie: «Je hausse le ton, car j'ai travaillé en usine et il fallait parler fort pour se faire entendre du patron.»

«Les communistes baissent leur culotte»«Je ne suis pas venue là pour écouter un discours de parti», s'inquiète Frédérique, militante associative appréciée des jeunes de Firminy. La jeune conseillère régionale PCF Cécile Cukierman fait alors entendre une autre musique: «La candidature de Marie-George sera avant tout ressentie comme communiste. Yves Salesse serait plus rassembleur.» Même argument de Christophe, responsable du PCF d'Unieux. Sous les yeux ébahis d'un militant LCR, le débat dérape. «Si l'on critique l'appartenance politique de Marie-George Buffet, nous allons dans le mur», s'irrite Jeannine, enseignante communiste. Hors de lui, Rémy, sympathisant du Parti, quitte la salle en reprochant à certains leur «anticommunisme» et aux communistes de «baisser leur culotte». Animateur de la réunion, le jeune conseiller général PCF Marc Petit rétablit temporairement le calme avant de conclure: «J'ai beaucoup parlé autour de moi, et, malheureusement, personne ne me cite Marie-George Buffet pour représenter la diversité des collectifs. Le meilleur serait Yves Salesse, en qui j'ai totalement confiance pour affronter des débats électoraux.» Au sein du PCF, la fracture est nette. Illustrée par le vote du collectif: 18 voix pour Buffet, 11 pour Salesse, 5 pour Autain et 1 pour Bové.

Les communistes respecteront-ils jusqu'au bout leur engagement dans cette dynamique unitaire? Yves Salesse ou Clémentine Autain peuvent-ils être acceptés comme candidats de compromis? «Je serais si fière si mon parti allait jusqu'au bout de cette démarche, confie Cécile Cukierman, et, si elle échoue, j'aimerais tant que l'on ne puisse pas dire que c'est la faute du PCF!»

Le forcing de MélenchonJean-Luc Mélenchon, le candidat surprise? A l'approche de la réunion nationale des collectifs unitaires, les 9 et 10 décembre, qui devrait montrer que ni Marie-George Buffet, ni Yves Salesse, ni Clémentine Autain ne sont consensuels, les amis du sénateur socialiste de l'Essonne croient de plus en plus à la capacité de leur héros à incarner la gauche antilibérale. «La décision dépend surtout du PCF: veut-il vraiment ébranler l'hégémonie de Ségolène Royal? s'interroge René Revol, vice-président de Pour la République sociale [PRS, qui regroupe les partisans de Mélenchon]. C'est possible, car des cadres communistes espèrent la candidature de Jean-Luc.» Dans l'hypothèse d'un accord du PCF, environ 2 000 militants quitteraient donc le PS pour faire la campagne de Mélenchon sous la bannière des collectifs antilibéraux. Ce n'est encore que le rêve de certains, puisque, pour l'instant, la direction communiste soutient toujours bec et ongles la candidature de sa secrétaire nationale.

Les candidats en pisteClémentine Autain 33 ansAdjointe au maire de Paris, chargée de la jeunesse, apparentée communiste.

Patrick Braouezec 56 ansPrésident PCF de l'agglomération Plaine Commune (Seine-Saint-Denis).

Marie-George Buffet 57 ansDéputée de la Seine-Saint-Denis, elle a pris la succession de Robert Hue à la tête du PCF en 2001.

Yves Salesse 61 ansPrésident en congé de la fondation Copernic. Conseiller d'Etat.


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