[Article initialement publié le 21 mars 2015] Marine Le Pen est-elle une conservatrice moderne ou bien plutôt le nouveau visage – féminin – des idées d’extrême droite de son père ? C’est la question que se posent des millions de Français au moment des élections départementales.

Née en 1968, année emblématique s’il en est, Marine Le Pen dirige le Front national (FN) depuis quatre ans, mais le nom de sa formation rappelle toujours les années où son père, fondateur du parti, recrutait très loin à la droite de la droite chez les anciens collaborateurs du régime nazi d’occupation et chez les nationalistes, ou chez les antieuropéens invétérés et les catholiques adversaires de la modernité.

Le quidam qui se retrouvait dans le traditionnel défilé du FN en mémoire de Jeanne d’Arc était brutalement confronté à une France incroyablement passéiste. S’y côtoyaient prêtres en soutane, opposants à l’avortement, militants homophobes et vétérans des guerres coloniales en uniforme. Cette France-là était moins “profonde” que nauséabonde.

Deux fois divorcée

Depuis que la fille a succédé au père, il est beaucoup question de ses efforts de “dédiabolisation” du parti. Mais est-il vraiment si simple de dédiaboliser des individus racistes qui nient l’existence d’Auschwitz, s’opposent à l’égalité des droits entre hommes et femmes et se passionnent pour les armes à feu ?

Les électeurs français semblent séduits par le projet de Marine Le Pen. Alors qu’il oscillait entre 5 % et 15 % des voix depuis une dizaine d’années, le Front national est devenu le premier parti de France aux élections européennes de mai dernier en rassemblant 24 % des suffrages. Cette percée pourrait se confirmer dans les urnes [les 22 et 29 mars]. Le Premier ministre, Manuel Valls, a clairement exprimé ses craintes : Marine Le Pen est une candidate qui a ses chances aux élections présidentielles de 2017 et “la France se fracasserait contre le Front national” si elle était élue.

De son côté, l’intéressée se voit au contraire comme la garante d’une nouvelle France désireuse de rompre avec les influences extérieures – l’immigration, l’islam, l’euro – et de renouer avec sa gloire passée. Née d’un premier mariage, la cadette des filles Le Pen n’a nullement reçu le parti de son père en héritage. Elle a dû combattre les résistances de la base pendant près de v