Européennes : Marine Le Pen renonce officiellement au Frexit dans son projet

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Européennes : Marine Le Pen renonce officiellement au Frexit dans son projet

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Marine Le Pen le 10 avril 2019 lors du débat sur les européennes
Marine Le Pen le 10 avril 2019 lors du débat sur les européennes
© AFP - Lionel Bonaventure

Le Rassemblement national publie, ce lundi, son projet pour les élections européennes, accompagné d'un long manifeste. Pour la première fois, noir sur blanc, Marine Le Pen n'évoque plus la sortie de l'Union européenne et de la zone euro. Elle veut rassurer son électorat, apparaître plus crédible et plus écolo.

Une révolution qui n'en a pas l'air. Le Rassemblement national (ex-Front national) acte, avec ce projet européen, l'abandon du Frexit. Lors des dernières européennes, en 2014, cela restait la pierre angulaire du projet : la sortie de la France de l'Union européenne et de la zone euro. Il en était également question dans le programme présidentiel de 2017.

"On a appris de nos erreurs", glisse un cadre du parti. "Il nous manquait un vrai projet européen, solide : le voici !" À l'intérieur, il est donc question de "réforme en profondeur" des institutions européennes. Le RN voudrait transformer la Commission de Bruxelles en un simple secrétariat "sans pouvoir législatif". Et en réformant les traités, le RN transformerait l'UE en une "Alliance européenne des nations", une instance de coordination où chaque pays ferait ce qu'il veut sur les questions sociales, fiscales, agricoles, sécuritaires et internationales.

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Que font-ils de l'euro ? 

Page 15. Le chapitre s'intitule : "Zone euro : la monnaie doit être un outil au service de notre économie". Chapitre signé Nicolas Bay, député européen du RN, ancien opposant à Florian Philippot. Il plaidait, en interne, pour une réforme de la zone euro, et non pour son abandon. Désormais, il se permet d'écrire ce qu'il pense : "Il faut modifier le fonctionnement de la zone euro afin d'aligner la création monétaire sur les besoins de l'économie réelle, plutôt que sur la finance".

Le RN propose désormais d"intégrer la lutte contre le chômage dans le mandat de la Banque centrale européenne, comme c'est le cas de la Fed aux États-Unis. Autrement dit, changer la gouvernance, et non la structure. Et le parti de Marine Le Pen aimerait aussi "augmenter la proportion de la dette nationale que peuvent détenir les banques centrales" des États membres.

Marine Le Pen s'est rendu compte que si les retraités continuaient de lui tourner le dos, c'était en partie à cause de son discours anxiogène sur la monnaie. Il n'est donc même plus question, dans ce projet, de "renouer à terme avec la souveraineté monétaire". Le RN acte son changement de cap.

Les autres nouveautés : le localisme et la "RNE"

Marine Le Pen ne veut surtout pas rater le virage écolo. On retrouve donc cette préoccupation plusieurs fois dans le projet. Son conseiller, et numéro 3 sur la liste, Hervé Juvin vante depuis plusieurs mois le concept de "localisme". Le RN veut ainsi favoriser "la relocalisation des activités humaines et privilégier les circuits courts : produire, consommer et retraiter dans un périmètre géographique le plus raisonnable possible"

Le RN propose ainsi de "détaxer les circuits courts" (sans préciser de quoi il s'agit), et de surtaxer au contraire "les importations mondialisées anti-écologiques", sans rentrer dans le détail. S'agit-il des voitures, des climatiseurs, des téléphones portables ? Ce programme ne fait que définir des grandes lignes, des propositions assez générales.

L'autre nouveauté, c'est la "RNE". Marine Le Pen propose de créer "la responsabilité nationale de l'entreprise" (RNE) qui fait écho à la RSE : responsabilité sociale de l'entreprise. Son respect deviendrait un critère dans l'attribution des marchés publics. Les entreprises devraient "encourager l'embauche d'une main d’œuvre nationale, avoir au maximum recours à des fournisseurs locaux et des produits locaux, et éviter les délocalisations".

Qu'espèrent-ils changer à Bruxelles ?

Voici le résumé des propositions formulées par le Rassemblement national pour réformer l'Union Européenne.

  • Supprimer la Commission européenne
  • Confier le pouvoir législatif uniquement au Conseil européen (gouvernement des États membres)
  • Abroger la directive sur le travail détaché
  • Refuser tout SMIC européen, et tout alignement social ou fiscal
  • Baisser la contribution française au budget de l'UE : baisse d'impôt en France et baisse de taxes sur les TPE-PME
  • Transformer la PAC en une "politique agricole française" (PAF)
  • Favoriser "le localisme" en détaxant les circuits courts, et en surtaxant les importations anti-écologiques
  • Réformer la gouvernance de la BCE, en intégrant dans son mandat la lutte contre le chômage
  • Restituer la primauté du droit national sur celui des instances supranationales (CJUE, CEDH)
  • Permettre aux Nations de choisir librement les projets de coopérations
  • Installer au Parlement européen des délégués des parlements nationaux
  • Refuser l'adhésion de la Turquie à l'UE

Et Marine Le Pen profite aussi de ce projet européen pour glisser plusieurs propositions franco-françaises, qui dépassent largement le cadre de l'UE :

  • Refondre le système d'asile, arrêter l'immigration légale, expulser des clandestins
  • Fermer les mosquées radicales, expulser les islamistes étrangers
  • Rétablir des contrôles aux frontières nationales
  • Instaurer en France le Référendum d'initiative citoyenne (RIC) pour orienter les décisions européennes
  • Créer la "responsabilité nationale de l'entreprise" (évoqué plus haut)

Un projet pour 2022

Le tout est assez classique, au final. Mais ce projet s'accompagne aussi d'un manifeste de 76 pages, dans lequel le RN développe sa vision de l'Europe : "une Alliance pour le 21ème siècle". Marine Le Pen y met en avant "une Europe qui préfère les Européens" et une "Europe des coopérations". Ce texte a été très largement écrit par Hervé Juvin, économiste, essayiste classé à droite, propulsé numéro 3 sur la liste du RN. 

"Ce projet va nous servir pour la prochaine présidentielle"

L'équipe de Marine Le Pen est persuadée que ces élections européennes vont finalement devenir un référendum anti-Macron. Et d’ailleurs, à partir du 1er mai, ils vont nationaliser l’enjeu : laisser de côté Bruxelles pour mobiliser davantage son électorat. Ce projet ne sera donc pas au cœur de la campagne, et Marine Le Pen en a bien conscience. Mais il lui permettra, peut-être, à terme, de gagner en crédibilité. "En 2022, nous pourrons nous appuyer sur ces documents d'aujourd’hui", explique son équipe.

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