Trois livres récents et importants et les derniers numéros de Sondages conduisent de nouveau à s'interroger sur la nature du gaullisme et son avenir.
Sondages (1) livre sur l'état de l'opinion publique une abondante moisson d'indications d'autant plus intéressantes que le régime lui-même règle volontiers sa conduite sur elles. Il faudrait des volumes pour les exploiter sérieusement, et l'on verra qu'on a commencé de le faire.
Mais on ne peut ici que glaner quelques résultats. Depuis 1958, la courbe de popularité du général a connu bien des hauts et des bas, les sommets correspondant aux drames d'Algérie et le plus élevé aux barricades de 1960 (74 % de personnes se déclarant satisfaites du chef de l'Etat), les cieux aux difficultés intérieures et le plus profond à la grève des mineurs de mars 1963 (43 %). Il n'étonne pas que les femmes se déclarent toujours plus favorables que les hommes au général de Gaulle. Mais, sauf au printemps dernier, les ouvriers se disent plus favorables que les cadres ; il surprend moins alors qu'une enquête menée à l'automne 1962 ait montré 55 % des socialistes et même 16 % des communistes satisfaits du général de Gaulle comme président de la République.
Les gaullistes se réjouiront moins des deux autres consultations. La première ne peut les surprendre : le gouvernement d'aujourd'hui, comme celui d'hier, est aussi peu populaire que le général l'est beaucoup. A partir de janvier 1960, les personnes interrogées sont plus nombreuses à être mécontentes que satisfaites de l'action de M. Debré. A la veille de sa démission, 34 % étaient pour et 42 % contre, tandis que 24 % ne se prononçaient pas. Les pourcentages étaient sensiblement les mêmes pour M. Pompidou en juillet 1963. Celui des indifférents est dans les deux cas plus élevé que lorsqu'il s'agit d'apprécier le président de la République ; il l'est encore plus lorsque la question porte sur tel ou tel ministre.
Dans un ouvrage dont l'objet est plus vaste - fa Conscience politique dans la France contemporaine (2) - Pierre Fougeyrollas en conclut au chapitre de " la France gaulliste " : " Dans la mesure où la théorie du domaine réservé est adoptée et acceptée par l'opinion, cela signifie que la conscience nationale tend à s'en remettre au héros historique pour qu'il résolve les problèmes sur lesquels elle abandonne par là même son droit de regard. En tant que la France accepte délibérément ou passivement une telle situation, on peut dire qu'elle est devenue, pour un moment de son histoire, la France gaulliste. " Et il ajoute : " Considérée en elle-même, la théorie du " domaine réservé " révèle le caractère arbitraire du pouvoir qu'elle prétend justifier. "
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