Hédonisme

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L’hédonisme (du grec ancien : ἡδονή / hēdonḗ, « plaisir » et du suffixe -ισμός / -ismós) est une doctrine philosophique attribuée à Aristippe de Cyrène selon laquelle la recherche de plaisirs et l'évitement de souffrances constituent le but de l'existence humaine[1]. L'hédonisme se différencie de l'eudémonisme, théorisé notamment par les Épicuriens et les Stoïciens, qui considèrent cette fois-ci la recherche du bonheur, plutôt que de plaisirs, comme but de la vie humaine. Les Épicuriens perçoivent ainsi les plaisirs, lorsqu'ils sont naturels et nécessaires, comme un intermédiaire permettant de l'atteindre. La doctrine épicurienne peut donc être perçue soit comme un eudémonisme, soit comme une forme d'« hédonisme raisonné »[2].

Acceptions possibles[modifier | modifier le code]

Pensée philosophique[modifier | modifier le code]

Les plaisirs de l'existence, multiples, varient selon les individus et selon leur éducation. Les penseurs hédonistes ont orienté leur vie en fonction de leurs dispositions propres, mais on retrouve des thèmes communs : l'amitié, la tendresse, la sexualité, les plaisirs de la table, la conversation, une vie constituée dans la recherche constante des plaisirs (cf. le Gorgias de Platon), un corps en bonne santé. On peut aussi trouver la noblesse d'âme, le savoir et les sciences en général, la lecture, la pratique des arts et des exercices physiques, le bien social…

Dans le même temps, les douleurs et les déplaisirs à éviter sont : les relations conflictuelles et la proximité des personnes sans capacités contractuelles (sans paroles), le rabaissement et l'humiliation, la soumission à un ordre imposé, la violence, les privations et les frustrations justifiées par des fables, etc.[citation nécessaire]

Ainsi, il n'y a pas d'hédonisme sans discipline personnelle, sans connaissance de soi, du monde et des autres. Les fondations directes d'une philosophie hédoniste sont la curiosité et le goût pour l'existence d'une part, et d'autre part l'autonomie de pensée (et non la croyance), le savoir et l'expérience du réel (au lieu de la foi). La pensée hédoniste a été fermement combattue par les principales religions monothéistes[3].

Beaucoup de philosophes hédonistes, ou ayant une conception qui s'en rapprochait, ont adopté des positions athées (Michel Onfray, « athéisme athée comme franche et claire négation de Dieu » et dénonciation des athéismes « post-religieux » qui acceptent toutes les conséquences éthiques liées à la religion[4]) ou agnostiques ; et dans une autre dimension, une position anarchiste (Michel Onfray, revendiquant « la société socialiste libertaire actionné selon la mécanique des micro-résistances concrètes » comme la modalité politique de l'hédonisme[5]).

Il faut noter cependant l'existence d'une ligne de pensée chrétienne revendiquant la foi chrétienne comme étant l'hédonisme véritable, car menant au plaisir le plus profond et le plus durable, dans la contemplation de Dieu. Le représentant contemporain le plus notable en est John Piper[6], qui n'hésite pas à qualifier sa position d'hédonisme chrétien, mais la même idée se retrouve chez C. S. Lewis[7], Pascal[8], Érasme[9], Thomas d'Aquin[10] et Augustin[11].

Selon Nietzsche[12] la revendication de l'hédonisme chrétien n'est pas légitime. Selon lui, l'hédonisme chrétien est une déformation de la réalité, de ce qu'est la nature de l'hédonisme même. La religion chrétienne tend à prendre des états philosophiques existants, ou des traditions, ou encore de la vérité et à les vider de leur contenu, de leur nature afin de les refaire sous une forme chrétienne et ainsi de les intégrer sous une image vide de sens à cette religion[13].

D'après Michel Onfray, l'hédonisme se résume par cette maxime de Chamfort : « Jouis et fais jouir, sans faire de mal ni à toi, ni à personne, voilà je crois, toute la morale ». Pour l'auteur Rudy Méliczek, l'hédonisme doit être mesuré et réfléchi. Sans une certaine sagesse, il peut être galvaudé.

En ethnologie[modifier | modifier le code]

« Hédonistique » est un adjectif créé par des ethnologues pour désigner les sociétés dans lesquelles les interactions sont destinées à les prolonger ou à en établir, en contraste avec les sociétés agonistiques où les interactions sont orientées à les interrompre ou les diminuer [pas clair].

Histoire[modifier | modifier le code]

La doctrine est associée notamment dans l'Antiquité à Aristippe de Cyrène et au Cyrénaïsme, et aussi, en partie, à Épicure, bien que leurs définitions du plaisir soient différentes.

Ce dernier rappelle qu'un plaisir excessif actuel doit être évité s'il conduit à une douleur future alors que les Cyrénaïques insistaient sur le fait que le plaisir est toujours le but présent de l'action, même si cette fin est relativisée et se modifie dans le temps.

Jeremy Bentham, le fondateur de l'utilitarisme, le comprenait comme un « calcul hédoniste », qui devait systématiser l'idée de mesure des plaisirs dans le Philèbe de Platon. Ce calcul constitue une des bases des modélisations dans la théorie de la décision.

John Stuart Mill, qui reprit la doctrine utilitariste, reprocha ensuite à Bentham de ne pas avoir donné de hiérarchisation qualitative de la nature des plaisirs. Mais une telle hiérarchisation fait sortir de l'hédonisme pour y introduire d'autres valorisations et d'autres fins (comme celle de « vie bonne pour l'homme », qui recherche une valeur du bonheur en plus des plaisirs).

Critique[modifier | modifier le code]

Le cardinal Poupard voit dans l'Occident actuel une mentalité de consommation — marquée par l'hédonisme — qui engendrerait relativisme moral et indifférence religieuse[14].

La critique du libéralisme libertaire par Michel Clouscard a apporté dans la gauche l'idée "d'hédonisme libéral", la classe ouvrière aurait trahi les idéaux socialistes en confondant les principes de liberté et d'aliénation apportés par les libertaires avec le libéralisme et la consommation de masse[15]. On peut aussi y voir une critique des gauchistes à tendance individualistes considérés comme naturellement proche des libertariens et néolibéraux [16], et des mouvements socialistes aux philosophies eudémonistes et hédonistes notamment les redskin ayant pour devise les 3B : Baise, Baston, Bière .

Dans les médias[modifier | modifier le code]

La série télévisée d'animation Futurama comporte un personnage récurrent du nom de « robot hédoniste », allégorie caricaturale de la philosophie éponyme.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Extraits de Lettre à Ménécée dans lesquels Épicure présente le plaisir comme le souverain bien : « Justement parce qu’il est le bien premier et né avec notre nature, nous ne bondissons pas sur n’importe quel plaisir : il existe beaucoup de plaisirs auxquels nous ne nous arrêtons pas, lorsqu’ils impliquent pour nous une avalanche de difficultés. (…) Quand donc nous disons que le plaisir est notre but ultime, nous n’entendons pas par là les plaisirs des débauchés ni ceux qui se rattachent à la jouissance matérielle, ainsi que le disent les gens qui ignorent notre doctrine ou qui sont en désaccord avec elle, ou qui l’interprètent dans un mauvais sens. Le plaisir que nous avons en vue est caractérisé par l’absence de souffrances corporelles (aponie) et de troubles de l’âme (ataraxie). » « Tout plaisir est de par sa nature même, un bien, mais tout plaisir ne doit pas être recherché ; pareillement toute douleur est un mal, mais toute douleur ne doit pas être évitée à tout prix. » « Voilà pourquoi nous disons que le plaisir est le principe et le but de la vie bienheureuse. C’est lui que nous avons reconnu comme bien premier et congénital »
  2. Psychologies - Lez philosophes du présent - Les classiques Épicure (341-270 av. J.-C., Grèce) - Pour vivre en accord avec la nature Carpe diem, « cueille le jour » : déclinaison du hic et nunc (« ici et maintenant »), cette maxime (que l’on doit à Horace, mais hérité d’Épicure) a souvent été entendue comme une invitation à la débauche. Or, si l’épicurien « cueille le jour », ce n’est pas en se vautrant dans les plaisirs du sexe, de la gourmandise ou de la paresse. Il pratique un hédonisme raisonné, qui exige rigueur et effort.
  3. Michel Onfray, Traité d'athéologie : physique de la métaphysique, Paris, Éditions Grasset, coll. « Essais et documents », , 283 p. (ISBN 978-2246648017, présentation en ligne, lire en ligne)
  4. Onfray 2011, p. §3 - Éthique.
  5. Onfray 2011, p. §7 - Politique.
  6. John Piper, Prendre plaisir en Dieu, La Clairière, 1995
  7. C. S. Lewis, The Weight of Glory
  8. Blaise Pascal, Pensées, Cerf, 1982, éd. Francis Kaplan, pensée 379 (p. 241 ss.)
  9. Érasme de Rotterdam, Coloques, l'Épicurien, Librairie des Bibliophiles, 1875 [1533] (http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/erasme_colloque63/lecture/1.htm)
  10. Thomas d'Aquin, Somme Théologique, vol. II, Cerf, 1984, la Béatitude, question II, article 8
  11. Saint Augustin, Confessions, Garnier Frères, 1964, livre X, ch. XXII, p. 226
  12. Friedrich Nietzsche, L'antéchrist, éditions Gallimard, collection « idées », 1974, pour la traduction française
  13. L'antéchrist, §25
  14. Lydie Garreau, Le cardinal Poupard face à l'athéisme - De crise en crise, l'effritement d'un pouvoir — Approche d'une nouvelle évangélisation, L'Harmattan, 2004, p. 242
  15. «On revient à l'hédonisme, mais à temps partiel», sur LExpress.fr, (consulté le )
  16. « Éloge de l’individualisme libéral », sur Contrepoints, (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]