Qu'est-ce qu'une commission d'enquête parlementaire ?

Questions d'actualité · 8 juil. 2010 à 23:18

Commission d'enquête

C'est l'outil le plus réclamé ces derniers temps quand une polémique éclate. Les joueurs de l'équipe de France ont mal joué et seraient trop payés ? Vite une commission d'enquête sur la rémunération des footballeurs. L'affaire Bettencourt ? Vite une commission d'enquête sur le financement des partis politiques. Le gouvernement a mal géré la vaccination contre la grippe A ? Le rapport de la commission d'enquête sera publié la semaine prochaine.


L'opposition brandit donc régulièrement cette arme. Mais à quoi sert concrètement une commission d'enquête ?

Définition

Une commission d'enquête parlementaire permet d'exercer un certain contrôle de l'action gouvernementale. Elle a pour mission de mettre en lumière les dysfonctionnements dans une affaire publique faisant débat, comme l'affaire du procès d'Outreau ou les conditions de détention dans les prisons françaises. Cette commission, formée par des députés ou des sénateurs, doit « recueillir des éléments d'information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, en vue de soumettre leurs conclusions à l'assemblée qui les ont créées » (l'article 51-2 de la Constitution).

Comment initier une commission d'enquête ?

Au sein du Sénat ou de l'Assemblée nationale, un parlementaire peut déposer une proposition, c'est-à-dire une résolution, pour créer une commission d'enquête. Il doit préciser les faits, les services ou les entreprises publiques mis en cause et donnant lieu à une enquête.
Depuis 2009, un règlement de l'Assemblée nationale (article 141-2) propose à l'opposition un « droit de tirage » : « chaque président de groupe d'opposition ou de groupe minoritaire peut demander une fois par session ordinaire, à l'exception de celle précédant le renouvellement de l'Assemblée, qu'un débat sur la création d'une commission d'enquête ait lieu en séance publique. Pour être rejetée, la création de la commission d'enquête doit faire l'objet d'un vote négatif des trois cinquièmes des membres de l'Assemblée, seuls les députés qui y sont défavorables prenant part au vote ».
Certaines conditions doivent être respectées pour déposer une proposition : l'enquête parlementaire ne peut porter sur des faits faisant l'objet d'une enquête judiciaire, elle dure au maximum six mois et ne peut donner lieu, dans les douze mois suivants, à une seconde commission parlementaire sur les mêmes faits.

Un pouvoir accru pour l'opposition ?

En 2008, Edouard Balladur publie un rapport sur la révision de la Constitution, l'objectif étant de donner plus de pouvoir face à un « hyperprésident ». Il propose ainsi de donner la possibilité à l'opposition de déposer une proposition d'enquête une fois par an. Depuis la mise en place de cette réforme, plusieurs demandes ont été formulées par l'opposition. Ainsi, au Sénat, le groupe communiste et Nouveau centre a obtenu l'autorisation de mener une enquête parlementaire sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le gouvernement de la grippe A. En revanche, à l'Assemblée nationale, les trois demandes de l'opposition n'ont pu aboutir. Deux d'entre elles, déposées par le groupe socialiste, concernaient les études d'opinion financées par la présidence de la République et plus généralement par le budget de l'État. Et l'opposition d'observer : « Nous n'avons aucune possibilité de nous faire entendre, confirme Jean-Claude Sandrier, président du groupe communiste et républicain. Et les séances où nous avons l'initiative sont une caricature. »

Comment s'organise une commission d'enquête parlementaire ?

Une commission d'enquête peut s'organiser dans chacune des deux chambres et pour respecter la représentation proportionnelle, elle réunit des parlementaires des différents groupes, dans la limite de 21 sénateurs ou de 30 députés. Chaque chambre peut mener sa propre enquête, sur le même sujet.
La commission désigne ensuite son bureau composé d'un président, de vice-présidents, de secrétaires et d'un rapporteur. Depuis 2003, le président ou le rapporteur de la commission doit obligatoirement appartenir au groupe parlementaire de l'auteur de la proposition de résolution.
La commission d'enquête a de véritables pouvoirs pour mener à bien son travail. En effet, elle peut avoir recours à des auditions sous serment, à des déplacements en France comme à l'étranger, à des enquêtes sur pièces et sur place. Enfin, elle peut demander à la Cour des comptes d'enquêter sur la gestion des services ou des organismes qu'elle contrôle.

Comment être informé des conclusions de l'enquête parlementaire ?

Si une chambre ne souhaite pas divulguer les conclusions de son rapport, elle peut constituer un comité secret et soumettre sa décision au vote. Cette demande de constitution de comité secret doit être faite dans les six jours après la publication du dépôt du rapport au Journal officiel. Le rapport de la commission est donc publié au J.O. sauf si l'assemblée s'y oppose.
Enfin, le rapport est diffusé au public : « les commissions parlementaires se sont dotées d'autres supports que les publications de l'assemblée, en utilisant les moyens audiovisuels, l'édition. (...) Certains rapports font en outre l'objet d'une diffusion plus large, puisque publiés par un éditeur ».

À quoi peut servir une enquête parlementaire ?

Les enquêtes parlementaires portent sur des sujets de société ou politiques qui posent problème et font polémiques. Il y a eu par exemple une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule en 2003, une autre sur les causes des dysfonctionnements de la justice dans l'affaire dite d'Outreau en 2005 ou encore sur les conditions de libération des infirmières et du médecin bulgares détenus en Libye en 2007. L'enquête parlementaire est censée mettre sur le devant de la scène ces sujets et prolonger le débat. Ensuite, la commission propose souvent des idées afin de corriger les dysfonctionnements. La commission peut noter des cas délictueux. Sans pouvoir agir directement, elle transmet les informations recueillies au cours de l'enquête à la Justice qui ouvrira alors une enquête judiciaire ou saisit directement le Parquet (article 40 du code de procédure pénale).



Par Anne-Sophie Demonchy

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