Une seconde mutation génétique procurant une immunité naturelle contre le virus du sida a été découverte. Très rare, elle représente un nouvel espoir de traitement contre cette maladie encore incurable. Jusqu’à présent, seuls deux cas de rémission durable ont été identifiés dans le monde.


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    Une mutation génétique extrêmement rare, responsable d'une maladie musculaire touchant une centaine de personnes, crée une immunité naturelle contre le virus du sida, ont rapporté des chercheurs espagnols qui espèrent que ce sera une piste pour de nouveaux médicaments anti-VIH. Une première mutation était bien connue jusqu'à présent : celle découverte après avoir été transmise au fameux « patient de Berlin », Timothy Brown, guéri du VIH grâce à une greffegreffe de cellules-souches contenant une mutation rare du gènegène CCR5, qui confère une immunité naturelle contre ce virus.

    Voir aussi

    VIH : un deuxième patient en rémission durable

    La nouvelle mutation concerne un autre gène (Transportine-3 ou TNPO3) et est beaucoup plus rare : elle a été découverte il y des années chez une même famille en Espagne, atteinte d'une maladie musculaire ultra-rare, appelée dystrophie musculairedystrophie musculaire des ceintures de type 1F. Les médecins se sont aperçus que des chercheurs sur le VIH s'intéressaient séparément au même gène, car il joue un rôle dans le transport du virus à l'intérieur des cellules. Ils ont donc contacté des généticiensgénéticiens de Madrid, qui ont eu l'idée de tenter d'infecter, en laboratoire, du sang des membres de cette famille espagnole avec le virus du sida.

    La résistance au VIH procurée par la mutation du gène TNPO3 a été découverte par les chercheurs en inoculant le virus à du sang issu de patients porteurs de la mutation. © mrtom-uk / IStock.com
    La résistance au VIH procurée par la mutation du gène TNPO3 a été découverte par les chercheurs en inoculant le virus à du sang issu de patients porteurs de la mutation. © mrtom-uk / IStock.com

    Le chemin de la guérison est encore long

    L'expérience livra une surprise : les lymphocyteslymphocytes de ceux qui avaient cette maladie musculaire ultra-rare étaient naturellement résistants au VIH. Le virus n'arrivait pas à rentrer dedans. « Cela nous aide à comprendre beaucoup mieux le transport du virus dans la cellule », explique en français à l'AFP José Alcami, le virologue de l'Institut de santé Carlos III à Madrid qui a mené ces recherches publiées dans la revue américaine PLOS Pathogens.

    Le saviez-vous ?

    L'OMS estime à environ 770.000 le nombre de décès liés au sida en 2018, une baisse de 56 % par rapport au pic de 2004 (environ 1,95 million de morts).

    Le VIH est certes le mieux connu de tous les virus, dit-il, « mais il y a encore beaucoup de choses qu'on connaît mal. Par exemple, on ne sait pas pourquoi 5 % des patients qui sont infectés ne développent pas de sida. Il y a des mécanismes de résistancerésistance à l'infection qu'on comprend très mal ». Le chemin est encore long pour exploiter cette faille afin de produire un nouveau médicament. Mais la découverte de cette résistance naturelle confirme que le gène TNPO3 est une autre cible intéressante pour barrer la route au virus.


    Sida : une résistance naturelle au VIH ouvre des perspectives

    Article de Futura avec l'AFP Paris, publié le 06/11/2014

    La guérisonguérison apparente de deux hommes infectés par le virus du Sida (VIH), dont l'un depuis 30 ans, qui résulte d'un phénomène naturel, ouvre des perspectives intéressantes, selon les travaux de chercheurs. Chez ces deux personnes, le virus a été intégré dans l'ADNADN et complètement neutralisé.

    « Il s'agit d'une observation très intéressante et une première démonstration avec le VIH d'un phénomène que la nature a su faire au cours de l'évolution avec d'autres virus », commente le professeur Yves Lévy (Inserm, Créteil, France), co-auteur d'une étude dont les résultats sont détaillés dans le journal spécialisé Clinical Microbiology and Infection. Deux patients ont été infectés par le VIH sans jamais avoir été malades, ni avoir eu de virus détectables dans le sang, rapportent les auteurs de l'étude. Aucun des deux n'a dû être traité. « Cette observation représente une piste pour la guérison », dit à l'AFP Didier RaoultDidier Raoult, professeur à la faculté de médecine de Marseille, spécialiste des microbesmicrobes de la Fondation Méditerranée Infection de Marseille (URMITE/CNRS/Inserm/IRDIRD).

    L'analyse a permis de reconstituer le virus retrouvé dans le génomegénome de ces patients. Les chercheurs ont ainsi pu montrer qu'il était inactivé par un système d'interruptions de l'information délivrée par les gènes du virus. Le virus est ainsi devenu incapable de se multiplier mais reste présent à l'intérieur de l'ADN des patients. Ces interruptions seraient dues à une enzymeenzyme connue, l'apobec, qui fait partie de l'arsenal des humains pour lutter contre le virus, mais qui est habituellement inactivée par une protéineprotéine du virus (la protéine « Vif »).

    Le VIH, virus du Sida, agit en affaiblissant le système immunitaire, rendant ainsi les sujets atteints vulnérables à diverses infections. © Sebastian Kaulitzki, shutterstock.com
    Le VIH, virus du Sida, agit en affaiblissant le système immunitaire, rendant ainsi les sujets atteints vulnérables à diverses infections. © Sebastian Kaulitzki, shutterstock.com

    Une guérison par endogénisation du virus

    Ce travail ouvre des perspectives de guérison par l'utilisation ou la stimulationstimulation de cette enzyme et aussi des perspectives de détection pour les patients nouvellement infectés qui ont une chance de guérir spontanément, selon les auteurs. Pour le professeur Raoult, il pourrait aussi conduire à revoir la définition même de la guérison qui actuellement repose uniquement sur l'idée de débarrasser l'organisme du virus.

    L'infection par le VIH datait de plus de 30 ans pour le patient âgé de 57 ans, diagnostiqué en 1985. Il paraît de surcroît être immunisé contre une nouvelle infection. La séropositivitéséropositivité du second, un Chilien de 23 ans, a été identifiée en 2011, même s'il a probablement été infecté trois ans auparavant en Amérique du sud. Aucun n'avait d'autres facteurs de résistance au VIH connus (mutation de la serrure, CCR5, qui permet au VIH d'infecter les cellules).

    Le VIH a déjà tué 25 millions de personnes dans le monde et en contamine encore 34,2 millions dans le monde selon les dernières estimations. Combien mourront encore du Sida avant qu'on ne parle plus de la maladie ? © visualcience.ru.en
    Le VIH a déjà tué 25 millions de personnes dans le monde et en contamine encore 34,2 millions dans le monde selon les dernières estimations. Combien mourront encore du Sida avant qu'on ne parle plus de la maladie ? © visualcience.ru.en

    Ce travail repose sur l'hypothèse que le virus du Sida, qui est un rétrovirusrétrovirus s'intégrant dans l'ADN humain, peut avoir le même destin que les centaines de rétrovirus ayant déjà été intégrés dans les ADN des mammifèresmammifères, dont l'Homme. Cette hypothèse provient aussi d'une observation faite chez des koalaskoalas qu'un virus de singe, cause de cancerscancers et de leucémiesleucémies, ne rend plus malades après l'intégration et la neutralisation du virus dans leur génome, explique le professeur Raoult.

    « Chez les koalas devenus résistants à ce virus de gibbon, par ce même phénomène d'intégration ou d'endogénisation, la résistante est transmissible à la descendance », relève le professeur Raoult. Pour les chercheurs, ce mécanisme a été probablement très commun au cours d'épidémiesépidémies précédentes. Ils estimaient donc logique de penser qu'il se produirait chez un certain nombre de patients infectés par le virus du Sida.