Technophobie

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Le néologisme technophobie — de technê, τέχνη (artefact) et phobos, φόβος (peur) — est utilisé pour qualifier le rejet d'une ou plusieurs techniques. Son opposé est la technophilie.

Il est coutumier de situer les origines de ce rejet au mouvement luddite, survenu au début du XVIIIe siècle en Grande-Bretagne, c'est-à-dire à l'époque et à l'endroit où naît la Révolution industrielle et où, plus précisément, se développent les machines. Certains historiens estiment toutefois que les rapports conflictuels avec les outils sont plus anciens[1].

Dans sa forme la plus élémentaire, la technophobie se manifeste par de simples postures d'évitement (on s'efforce alors d'entrer le moins possible en contact avec des objets techniques) ; dans sa déclinaison plus radicale, elle se concrétise par des actions de vandalisme, plus précisément de "bris de machines". On parle alors de luddisme et de néo-luddisme. Un cas extrême, mais isolé, est celui du terroriste américain Theodore Kaczynski, dit « Unabomber ».

Motivations[modifier | modifier le code]

Les opposants au progrès technique estiment qu'il génère plus d'inconvénients et de dommages que d'avantages.

Les motifs invoqués sont principalement de trois ordres : écologique, politique et éthique.

Technophobie / technocritique[modifier | modifier le code]

La technophobie s'inscrit dans la mouvance technocritique mais elle n'en est qu'un aspect. Elle se focalise en effet sur certains objets techniques — autrefois les « machines », aujourd'hui les « nouvelles technologies » — du type OGM, centrales nucléaires, caméras de télésurveillance ou téléphone portable... quand Jacques Ellul, par exemple, définit le phénomène technique comme un processus dépassant le cadre strict du machinisme et comme relevant d'un processus mental : « la préoccupation de l'immense majorité des hommes de notre temps, de rechercher en toutes choses la méthode absolument la plus efficace »[8].

Le terme technophobie est souvent utilisé de façon péjorative, de sorte à disqualifier le discours de certains intellectuels technocritiques, dont Ellul lui-même, bien qu'il s'en soit défendu à maintes reprises (« C'est enfantin de dire que l'on est contre la technique ; aussi absurde que de dire que [l'on est] opposé à une avalanche de neige ou à un cancer. »[9]), précisant que ce ne sont pas les techniques en elles-mêmes qui doivent être craintes que l'obstination des hommes à les sacraliser : « Ce n'est pas la technique qui nous asservit mais le sacré transféré à la technique »[10].

Critique de la technophobie[modifier | modifier le code]

Pour le physicien et ingénieur Sébastien Point, " Le rejet de la technologie [...] est le symptôme d'une maladie dont souffre notre société occidentale et qui [...] pourrait se révéler incurable: l'incompétence [...] c'est-à-dire l'incapacité à utiliser [...] le raisonnement rationnel, l'esprit critique et la compréhension profonde du bénéfice apporté par la science et la technologie " [11]. Il considère qu'il faut accepter l'idée que l'Humanité est désormais " un facteur forçant naturel qui modifie le visage de la Nature" et que la pollution que connaît la planète n'est qu'une "question de réglage, entre réponse aux besoins fondamentaux de l’Homme et dégradation de ses conditions de vie et de son environnement"[12]. Il s'oppose ainsi aux vues de l'astrophysicien et philosophe Aurélien Barrau pour qui l’Humanité doit entrer dans une ère de guerre totale pour sauver la Nature puisque selon lui , à cause des activités humaines, « c’est la vie elle-même qui est en train de se mourir sur la planète. » [13]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. François Jarrige, Technocritiques : du refus des machines à la contestation des technosciences, Paris, La Découverte, (réimpr. 2016), 419 p. (ISBN 978-2-7071-7823-7, OCLC 875132843)
  2. Fabrice Flipo, Michelle Dobré et Marion Michot, La face cachée du numérique l'impact environnemental des nouvelles technologies, Montreuil (Seine-Saint-Denis), L'Echappée, coll. « Pour en finir avec », , 135 p. (ISBN 978-2-915830-77-4, OCLC 863595044)
  3. PMO, François Ruffin, Fabrice Nicolino et Florent Gouget, Métro, boulot, chimio : débats autour du cancer industriel, Grenoble (Isère, Le monde à l'envers, , 173 p. (ISBN 978-2-9536877-8-1, OCLC 829976448)
  4. PMO, RFID, la police totale : puces intelligentes et mouchardage électronique, Montreuil (32 Av. de la Résistance, 93100, L'Échappée, coll. « Négatif », , 110 p. (ISBN 978-2-915830-26-2, OCLC 835326298)
  5. Son site web : https://afcia-association.fr/lhumanisme-selon-lafcia/
  6. PMO, Aujourd'hui le nanomonde : nanotechnologies, un projet de société totalitaire, Montreuil, L'Échappée, coll. « Négatif », , 431 p. (ISBN 978-2-915830-25-5, OCLC 470667351)
  7. PMO, Le téléphone portable gadget de destruction massive, Montreuil, L'Échappée, coll. « Négatif », , 96 p. (ISBN 978-2-915830-17-0, OCLC 717612369)
  8. Jacques Ellul, La technique : ou L'enjeu du siècle, Paris, Économica, coll. « Classiques des sciences sociales », (1re éd. 1952), 423 p. (ISBN 978-2-7178-1563-4, OCLC 836138627), p. 18
  9. Jacques Ellul, Le bluff technologique, Paris, Hachette Littératures, coll. « Pluriel », (1re éd. 1988), 748 p. (ISBN 978-2-01-279211-1), p. 20
  10. Jacques Ellul, Les nouveaux possédés, Paris, Mille et une nuits, , 2e éd., 316 p. (ISBN 978-2-84205-782-4), p. 316
  11. Sébastien Point, Lampes toxiques: des croyances à la réalité scientifique", éditions Book-e-Book, 2016
  12. https://archive.wikiwix.com/cache/20220810113654/https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/faut-il-sauver-la-nature-au-detriment-de-la-nature-humaine/.
  13. « Aurélien Barrau : « J’exécrerais l’avènement d’une dictature, MAIS… » », sur Contrepoints, (consulté le ).

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens internes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]