Palais de l’Elysée, Paris. Ce 12 novembre 2015, une note confidentielle atterrit sur le bureau de François Hollande. Elle est signée de son fidèle conseiller spécial Bernard Poignant. Intitulée « Le cas Macron », elle dit ceci, à propos du jeune ministre de l’économie : « On le verrait bien en 2020 ou 2021 à la tête d’une grande collectivité française. (…) Il ne faut ni gâcher le potentiel d’Emmanuel Macron ni le décourager à poursuivre son chemin politique. » Seul commentaire en retour du chef de l’Etat, griffonné sur la note : « Garde cela pour toi. » Hollande entend conserver son protégé « au chaud » le plus longtemps possible, persuadé qu’il lui sera d’un grand secours pour se faire réélire en 2017. Mais Macron a d’autres projets… Voici donc le récit d’une trahison personnelle, soigneusement planifiée depuis des années.
Courant 2004, l’homme d’affaires Alain Minc reçoit, comme il en a l’habitude, les inspecteurs des finances les plus brillants tout juste sortis de l’ENA. Dans son bureau, il pose à chacun la question rituelle. « Je leur demande toujours : “Qu’est-ce que vous serez dans trente ans ?” », confie Minc. Il n’a jamais oublié la réponse de l’impétueux diplômé Emmanuel Macron : « Je serai président de la République. » Minc est scotché par l’aplomb du blanc-bec. « Je lui ai conseillé d’aller chez Rothschild, relate-t-il. Je lui ai dit : “Pour faire de la politique, il faut avoir un peu d’argent de côté.” Le seul endroit où on peut gagner de l’argent, c’est la banque d’affaires. » Le conseil sera suivi à la lettre, puisque Macron intégrera Rothschild dès 2008. L’autre « parrain » du monde du business, l’économiste Jacques Attali, repère lui aussi le prodige. S’en entiche, même. Bagarre de mentors en perspective…
Quelques années plus tard, Attali le présente à François Hollande, qui guigne la présidentielle de 2012 et l’adoube illico. Encore faut-il s’assurer que le candidat socialiste le prenne dans son équipe… Pas gagné. Comment, lorsqu’on a publiquement fait de la finance son « adversaire » lors d’un discours au Bourget, nommer un banquier d’affaires à un poste exposé ? Mais Macron peut compter sur des amis sûrs et puissants. Les grands patrons. Les bonnes fées du capitalisme français se sont penchées sur son berceau de surdoué.
Un investissement sur l’avenir
Janvier 2012. François Rebsamen, proche ami et futur ministre de François Hollande, est convié à un dîner secret chez Bernard Attali. Ex-patron du GAN et d’Air France, le frère de Jacques raffole de ce genre d’agapes où l’on fait et défait les carrières, entre chefs d’entreprise d’élite. A défaut d’être présent physiquement ce soir-là, Macron est au menu de la discussion. Ont été conviés Gérard Mestrallet (Suez), Jean-Pierre Clamadieu (Rhodia), Jean-Pierre Rodier (Pechiney), Serge Weinberg (Sanofi) et quelques autres… « Un pont discret entre patrons et responsables-amis politiques », nous confirme Bernard Attali. En clair, des puissances industrielles de gauche, aux réseaux XXL, au service d’un prometteur politicien en herbe. Et un bel investissement sur l’avenir.
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