Comment Jacques Chirac a créé le RPR, sa machine à gagner

Le 5e président de la République est décédé ce jeudi à 86 ans. Père du Rassemblement pour la République (RPR), son parti lui a permis de remporter la mairie de Paris, puis l’élection présidentielle.

 Le 5 décembre 1976, Jacques Chirac prononce un discours à Paris lors d’un meeting au cours duquel l’UDR sera transformé en RPR.
Le 5 décembre 1976, Jacques Chirac prononce un discours à Paris lors d’un meeting au cours duquel l’UDR sera transformé en RPR. AFP PHOTO

    Critiqué par une partie des barons de l'UDR qui lui reprochaient, lorsqu'il était à Matignon, d'être trop proche du libéral Giscard, Jacques Chirac s'attelle à la refondation de la famille gaulliste. Objectif : contrer la « droite orthodoxe et conservatrice » giscardienne.

    Dans l'ombre, ses « éminences grises », croisées lors des « années Pompidou », Pierre Juillet et Marie-France Garaud, ainsi que son collaborateur de toujours, Jérôme Monod, sont à la manœuvre. Le 3 octobre 1976 à Égletons, en plein cœur de son fief électoral de la Corrèze, Chirac « théorise » une critique de gauche de la présidence Giscard et explicite ce que devrait être un « véritable travaillisme à la française ». C'est le début de la reconquête avec un nouveau parti comme cheval de bataille.

    Le 5 décembre, lors des assises nationales de l'UDR, lui et Charles Pasqua, alors sénateur et cadre influent de l'UDR, portent sur les fonts baptismaux, le RPR, le Rassemblement pour la République. L'objectif : créer un grand mouvement populaire, destiné à devenir une puissante machine électorale pour la prochaine présidentielle.

    «Le capitalisme sauvage»

    Contre Giscard, tout d'abord. Lors d'un meeting où se retrouvent 100 000 personnes à la porte de Pantin (Paris XIXe) en février 1977, l'ancien Premier ministre dénonce le « capitalisme sauvage » et affirme que les gaullistes ne doivent pas être confondus avec les « tenants du libéralisme classique ». Il dénonce également, alors que l'Union de la gauche prend forme, le « programme démagogique de la gauche socialo-communiste ».

    En 1978, pour tenter de contrer cette offensive gaulliste, Giscard va fédérer différents groupes centristes et libéraux au sein de l'UDF, l'Union pour la démocratie française. En 1979, à la suite du très gaulliste « Appel de Cochin » lancé par Chirac en faveur d'une Europe des nations, le RPR avait été largement devancé par l'UDF, lors des premières élections européennes au suffrage universel.

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    Le parti chiraquien restera, néanmoins, la principale force d'opposition lors des deux septennats de François Mitterrand (1981-1995). Il aura, entre-temps, permis en 1977 à son fondateur de conquérir la capitale. Une rampe de lancement espérée pour la présidence de la République.

    Paris comme rampe de lancement

    Le 25 mars 1977, Jacques Chirac est élu maire de Paris. C'est le président Valéry Giscard d'Estaing qui avait voulu rétablir cette fonction qui n'existait plus depuis 1871. La loi du 31 décembre 1975 avait fait de Paris à la fois une commune et un département, deux collectivités territoriales distinctes gérées par une même assemblée, le Conseil de Paris. Pour l'ex-Premier ministre de VGE, c'est, après la création du RPR, une nouvelle étape dans son offensive anti-Giscard voire, même s'il s'en est défendu par la suite, de sa conquête des sommets élyséens… qu'il n'atteindra finalement que dix-huit ans plus tard.

    Michel d'Ornano, le candidat des Républicains indépendants, soutenu par Giscard, bat déjà le pavé parisien depuis le mois de novembre. Mais Chirac va tout bousculer. Il prend la tête de la liste dans le Ve arrondissement, avec pour second, Jean Tiberi, qui lui succédera à la mairie en 1995.

    Chirac arpente chacun des vingt arrondissements, visite tous les marchés de la capitale, fait du porte-à-porte… s'appuyant sur les réseaux gaullistes bien implantés dans certains quartiers de la capitale. L'argument de ses opposants niant toute légitimité parisienne au Corrézien Chirac ne passe pas. Sa liste recueille 26 % des suffrages au premier tour, derrière l'Union de la gauche (32 %), mais devant les listes d'Ornano (22 %). Au second tour, les trois listes se maintiendront, mais celle de Chirac arrive largement en tête (49,5 %).

    Son bilan : une ville embellie et un système d'aide sociale reconnu. À son passif : la circulation, la pollution et l'exclusion d'une partie de la population due à des programmes immobiliers qui font la part belle aux bureaux plutôt qu'aux logements. Pour Jean Tiberi, « 1977 a imposé la présence de Jacques Chirac dans le paysage politique national de manière irrémédiable. Ça a été le début de tout ».

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